Chapitre 1

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Il pianote doucement sur le bureau qu'il occupe, en attendant que le professeur qui doit lui faire cours ne daigne entrer dans la salle. Situation cocasse où même lorsque l'on est en retard, nous le sommes moins que notre professeur.

Mais Félix restant Félix, l'ironie de la situation ne lui écorche même pas un sourire, y compris lorsque trois étudiants passent la porte silencieusement, prêts à essuyer une tempête pour leur retard.

Il décide finalement de refermer son ordinateur, et de sortir à la place un carnet à la couverture rigide. C'est un cadeau récent de la part de son frère, pour le forcer à utiliser autre chose que des feuilles volantes pour étaler ses pensées et idées. Pourtant, Félix n'est pas du genre débordé, ou bordélique, non. C'est plutôt pour lui éviter d'avoir à trier chaque feuille à peine rentrée dans ce qu'il avait bataillé longtemps pour avoir : son propre appartement.

Après avoir vu que Marinette passait la majore partie de son temps avec son frère, que ce soit sur les toits de Paris ou dans les salles de classes, il avait fini par souffler : non-seulement il prenait de l'indépendance depuis qu'il n'était plus l'ancien Chat Noir, mais en plus, il pouvait se garder de couver son frère, comme il avait l'habitude de le faire.

Ce n'était pas ce qui les empêchait de se voir plusieurs fois par semaines, mais au moins, avoir la conscience tranquille même en étant plus loin de lui avait effacé tous ses remords. Il habite donc à dix minutes à pieds de son école, à trente de chez son père, et à vingt-cinq du lycée de son frère. L'emplacement idéal.

Il soupire.

Toujours pas de professeur en vue. C'est à se demander ce qui est le plus désolant : demander l'avancement d'un cours qui commençait une heure plus tard, ou avoir près d'une demi-heure de retard sur le changement d'horaire demandé.

Son crayon glisse lentement sur la page pour former une fine ligne droite, rapidement rejointe par une autre, puis encore une... il a le temps de réaliser l'une des plus belles vues de Paris, à son humble avis d'ancien super-héros, vue que l'on ne peut voir que depuis les toits, lorsque le petit homme joufflu entre dans la pièce d'un rouge écarlate.

- Excusez... le retard... il y avait... des bouchons...

Il s'essuie le visage avec un mouchoir en tissu, et Félix se demande soudainement ce que son professeur a bien voulu essuyer : il n'a pas de cheveux, presque pas de sourcils, et s'il avait transpiré un jour, peut-être que son ventre serait moins pointé en avant.

Il n'a pas grand-chose contre les grands gabarits, peu importe le sens, mais ce qui le dérange, c'est le comportement qu'ils peuvent avoir : les très grands se permettent d'étaler leurs jambes sous la table entière, les petits tous fins, mais avec un ventre énorme comme son professeur se permettaient de faire mine qu'ils avaient couru pour expliquer leurs rougeurs et leur souffle court.

Félix juge en un coup d'œil qu'il suffirait de trois semaines avec une alimentation comme la sienne pour qu'il fonde de moitié.

- Même moi, je n'ai pas l'air aussi ridicule.

Il regarde rapidement sa voisine, qui doit faire un cinquante toute tassée, et qui, effectivement, elle, ne semble pas du tout aussi ridicule, avec sa robe noire bien taillée et ses cheveux soigneusement coiffés.

Il lui sourit poliment, et retourne à son croquis.

Les journées peuvent être longues lorsqu'on s'ennuie. Elles le sont encore plus lorsqu'on est ennuyé.

C'est précisément dans cet état d'esprit que sort Félix, qui a appris cette après-midi que les inscriptions au concours individuel des troisièmes années se terminaient le lendemain, à neuf heures, et que le secrétariat qui gérait ces dites inscriptions n'était pas ouvert le lundi, c'est-à-dire aujourd'hui.

De Fil en AiguilleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant