Chapitre 45

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- Hé ! Vous êtes en retard !

La mine renfrognée d'Elise le fait soupirer. Non pas parce qu'elle est réellement énervée, mais parce qu'elle a passé la nuit chez lui, et qu'en dépit des vêtements à elle qu'elle a chez lui, elle a osé lui voler une chemise qu'elle n'a même pas froncé à la taille. Portant seulement le vêtement trop grand comme s'il devait être un vêtement ample.

- Tu es prête ?

La façon dont il lui demande la fait sourire, et les mannequins sursautent.

- Ils... se sourient ? demande l'un d'eux.

C'est le jour J. Les stylistes ne sont pourtant pas si bien habillés que ça. Mais peut-être se changeront-ils au dernier moment.

- J'ai travaillé trop dur pour ne pas l'être. Ne sois pas aussi tendu, ça va bien se passer.

 - Il est tendu ?

- C'est toi qui le dis.

- Je n'en suis pas à mon premier coup, je sais comment ça marche, fais-moi un peu confiance.

L'étudiante la plus en retrait pose la main sur son ventre arrondi, mi-inquiète, mi-surprise. A croire que l'un et l'autre se sont toujours très bien entendus.

Il sort un carnet de son sac et lui tend :

- Tiens, tu as oublié de prendre ça.

- Ah. Je l'avais laissé où ?

Les quatre mannequins se changent pendant que leurs stylistes papotent.

- Sur la table.

Les autres se figent, tandis qu'elle retire sa chemise en riant :

- Sans rire, je laisse vraiment tout traîner partout. Comment tu t'y retrouve ?

Il se déshabille à demi, avant d'ouvrir la housse de sa propre tenue.

- Je commence à avoir l'habitude, avoue-t-il. Mais ce n'est pas pour ça que tu dois en entasser plus encore !

Elle hausse les épaules d'un air faussement désabusé :

- Je ne sais pas de quoi tu parles.

Elise enfile sa robe, et tient le haut en lui tournant le dos pour qu'il remonte la fermeture.

Il termine d'enfiler la chemise, et elle se tourne vers les autres.

- Vous avez terminé ? Les tenues sont plutôt simples à enfiler, pas vrai ?

Ils la dévisagent toujours, prêts à répondre que même un enfant pourrait mettre des vêtements aussi simples, et qu'elle est la seule à avoir eu besoin d'aide, même si c'était rapide.

- Oui... ça a été.

Elle ne se coiffe pas tout de suite, mais eux sont déjà prêts depuis une heure. Quand les deux stylistes sont arrivés, les quatre mannequins étaient déjà coiffés et maquillés selon leurs demandes, ce qui signifie en réalité un maquillage très léger, et une coiffure simple, par rapport aux tenues qu'ils s'attendaient à porter.

Mais l'ensemble se marie à la perfection, dans leur reflet. Et Félix semble entièrement satisfait.

Sans sa veste de costume, il remonte ses manches et prévient :

- Je vais demander combien de temps il nous reste avant le début. Briffe-les en attendant, je n'en n'ai que pour une minute.

Elle hoche la tête et frappe des mains.

- Bon, souvenez-vous de tout ce que vous avez appris avec Félix. Et surtout, détendez-vous, les vêtements ne vont pas s'envoler, et ils vous vont comme un gant. Les mesures sont parfaites.

En dépit de ce qu'elle avance elle n'est pas aussi calme qu'elle le montre. Félix le sait pour s'être prit des coups de pieds toute la nuit. Et quand il revient, elle est plus raide qu'il ne l'est actuellement. Même si ce n'est pas la première fois qu'elle présente son travail à quelqu'un, c'est la première fois qu'il peut y avoir autant d'imprévus.

- Cinq minutes, vous pouvez aller à côté de la scène. Souvenez-vous de revenir comme on l'a dit. Pas de problèmes, marchez à la même allure. La musique est assez lente : le temps que vous vous changiez, ce sera à vous.

Le défilé se passe d'une manière assez étrange. Pour diminuer le risque de sabotage, les équipes ont eu à leur disposition des sortes de boxes collés les uns aux autres, juste derrière le podium, de telle sorte qu'une fois que le défilé a commencé, il est tout aussi simple de faire les aller-retours que lorsque le matériel est au même endroit que l'entrée.

- Allez-y, on vous rejoint dans une minute, dit-il en attrapant le poignet d'Elise qui allait sortir. Je dois te parler, ce sera rapide.

Elle acquiesce, il la lâche, et elle ferme la porte derrière les quatre étudiants.

- Oui ?

- Tu es magnifique avec cette robe, débite-t-il d'une traite.

- Quoi-

Elle n'a pas le temps de répondre que son bras s'est glissé autour de sa taille et que ses lèvres se sont collées aux siennes.

Elise ferme les  yeux et frissonne.

Elle attrape la chemise et la fripe entre ses doigts, tandis qu'il passe sa main dans ses cheveux et tourne légèrement la tête.

Avec ce meilleur angle, il n'hésite pas à glisser sa langue entre ses lèvres pour caresser la sienne, et elle fronce doucement les sourcils quand il recule faiblement.

Il la regarde longuement, et elle marmonne :

- D'accord. On voit ça après le concours ?

Il hoche la tête avec un sourire.

- Oui.

Il réajuste sa robe tout en restant près d'elle, et elle s'attèle à dérider les plis qu'elle a faits à cette pauvre chemise bleue ciel.

Il la serre soudain dans ses bras une dernière fois, et la lâche pour de bon, vérifie qu'il n'a pas rougit dans le miroir, et ouvre la porte pour rejoindre les autres.

L'étudiante le suit sans un mot, et fait signe aux autres que tout va bien.

Le groupe de stylistes qui passait avant eux leur laissent la place et Félix enfile sa veste pour aller présenter le projet. Elle préfère le laisser faire ce genre de choses et rester en coulisses pour préparer le départ.

Il replace ses cheveux, mais elle attrape sa cravate pour qu'il se penche en avant, lui ébouriffe les cheveux, et les replace savamment.

- Tout ça pour... ? demande-t-il un peu perdu.

- Tu es là pour être Félix ou pour être Agreste, demande-t-elle dans un murmure.

Il sourit.

- A ton avis ?

De Fil en AiguilleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant