Chapitre 17

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Par chance, seul Félix est embarqué par la tempête Bridgette pour le reste de la semaine, au plus grand contentement d'Elise qui peut se permettre de travailler exclusivement pour Lilibellule en toute impunité.

Marinette et Adrien, eux, ont accueilli l'étudiante à bras ouverts, et tandis qu'elle leur racontait ses aventures en Italie, Félix se paye le luxe de l'écouter, comme il le faisait en haut des toits ou de la Tour Eiffel. Nostalgique, il la laisse déblatérer mots sur mots, jusqu'à ce qu'elle n'ait plus rien à dire.

- Et toi ?

- Hum ?

Assit dans son canapé, il était tellement absorbé par son flot de paroles monologue qu'il est surpris qu'elle s'adresse à lui.

- Quoi, moi ?

- Qu'est-ce que ça donne, ta vie de retraité.

Il soupire.

- Je ne sais pas trop. Je m'occupe. Ça passe doucement, l'impression d'être trop bas par rapport aux autres. Je sors souvent sur le toit de l'immeuble. A mon prochain appartement, j'aurais un balcon.

Elle rit.

- J'en ai déjà un, le taquine-t-elle en tirant la langue.

Félix sourit.

- Pourquoi ça ne m'étonne pas ?

- Et ce concours, alors ?

- Je pense qu'on est bien partis. J'aime passer du temps dessus. Je ne m'y attendais pas. Comme je me suis toujours occupé de la mode par-dessus la jambe, et qu'on avait d'autres activités, je ne m'y étais jamais penché dessus avec sérieux. C'est différent de ce que je pensais. Mais ça me plaît. J'ai même appris à coudre.

- Marinette m'a dit, sourit-elle en prenant une gorgée de son verre de vin. C'est moi, où elle s'installe ici petit à petit ?

Bridgette désigne une étagère sur laquelle s'empilent d'anarchiques carnets et croquis.

Il sourit.

- C'est pour la collection. Elle a aussi laissé des vêtements et une serviette de toilette. J'ai fait la même chose chez elle. C'est pratique d'avoir du matériel chez l'un et l'autre. L'autre jour, par exemple, j'ai dormi chez elle, j'aurais apprécié pouvoir me changer et prendre une douche. Même si sa salle de bain est minuscule.

- Vous pensez quand même à dormir, j'espère. M'enfin. Ça ne m'étonne pas trop, que vous soyez comme ça. Elle a l'air de travailler très dur, et d'aimer ça.

- Tu as vu ?

- Oui. Elle a les yeux qui brillent quand elle parle mode.

Félix sourit.

- C'est dingue, ça me rappelle nous.

- On était comme ça, acquiesce-t-elle. Et ça me fait plaisir de voir que tu peux le faire aussi, pour quelque chose d'autre.

- Ce n'est pas la même adrénaline, soupire-t-il.

Son amie éclate de rire :

- Fais du saut à l'élastique !

- Tu as déjà essayé ? demande-t-il un sourcil arqué.

Elle hoche la tête, avant de se détacher les cheveux.

- Oui. J'ai essayé d'attraper mon yoyo à ma hanche. Ça m'a fait drôle de ne pas le sentir. J'ai eu l'impression de... tomber. Tout simplement. Rien ne remplacera ça.

Il regarde le fond de son propre verre de vin, avant de se lever, droit comme un piquet.

- Qu'est-ce que tu as ?

- Une idée, dit-il en posant son verre sur la table basse.

Deux minutes plus tard, il est assis à table, une feuille vierge sous la main, et l'un des carnets à croquis d'Elise dans l'autre.

- Regarde ça, dit Félix en montrant une page.

- C'est drôle, avec les points noirs, on dirait une coccinelle.

Il secoue la tête :

- On ne dirait pas, c'en est une.

Il redessine la tenue, un haut avec un pantalon, et la modifie au fur et à mesure que le crayon danse sur le papier.

- Travailler avec Marinette t'a marqué, on dirait, s'extasie-t-elle en observant le résultat.

- J'ai toujours été surpris par ce qu'elle mettait en place pour nous aider à nous en sortir, mais ce qui m'a définitivement laissé penser que j'avais bien d'arrêter, c'est de voir qu'Adrien, lui, n'a jamais hésité à la suivre dans ses frasques. Mais il y a quelque chose d'important que j'ai retiré de mon expérience avant de laisser définitivement mon Miraculous : à force de côtoyer l'impossible, il devient possible. Il suffit simplement de l'imaginer, et le tour est joué.

Il repose son crayon, et elle siffle d'admiration.

- Eh ben ! Si Marinette veut percer dans la mode, elle va devoir travailler dur.

- Elle le fait déjà, tu sais.

Il s'occupe à présent de colorer le modèle, et s'arrête, satisfait, dès que le chemisier bleu à pois rouges, et que le pantalon gris, ressortent sur la feuille.

Félix se lève pour prendre son téléphone sur le plan de la cuisine, et envoie un message à Elise : « J'ai trouvé la tenue n°22. ».

Elle répond tout de suite : « Je passe demain matin pour voir, si tu veux bien. ».

Il sourit vaguement, avant que ses yeux ne reprennent leur sérieux : « Pas de problème. ».

- Tu sais, Félix... avoir moins de responsabilités, ça te va quand même mieux.

Il tourne la tête vers elle.

- Tu étais apte à gérer la pression, mais maintenant, tu peux te détendre beaucoup plus facilement. Tu n'as plus à être aux aguets. Ça te va bien, la décontraction.

- Si tu le dis.

- Quand est-ce qu'elle vient le voir ?

- Demain matin.

- D'accord, j'irais chercher les croissants. Tu crois qu'on peut aller chez elle pour...

- Non, mieux vaut rester ici, la coupe-t-il. Je sais que tu es très joyeuse, et que tu es un rayon de soleil à toi toute seule, mais tu ne supporteras pas l'état de son appartement.

Bridgette est elle-même bordélique, un peu comme Marinette. Mais son bazar est organisé. Celui d'Elise n'a ni queue, ni tête. A croire qu'il n'existe que pour irriter les nerfs de Félix, s'il a le malheur de se déconcentrer de sa tâche.

- D'accord, d'accord, on n'ira pas. Mais je vais chercher quand même des croissants !

Il sourit.

- C'est toujours ça de pris.

De Fil en AiguilleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant