Chapitre 39

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Félix se pose plus sérieusement la question tandis qu'ils regardent les airs curieux des quatre mannequins devant eux. Partager un secret, même aussi petit avec autant de personnes... c'est effectivement trop risqué.

- Bon. Que ce soit clair, nous maintenons notre candidature, et nous nous sommes entendus sur un certains nombre de points. Mais on ne va pas travailler ensemble, commence-t-elle.

- Vous nous verrez à tour de rôle. Et vous n'essayerez les tenues que la veille du concours. Nous allons prendre vos mesures pour les ajuster.

- Je vais prendre les mesures, rectifie Elise sèchement.

Il contracte la mâchoire. Pour le coup, cette histoire le contrarie sérieusement. Il n'aime pas devoir se comporter comme un salopard, et devoir s'occuper des mannequins séparément va être difficile. Mais sa coéquipière lui a demandé de lui faire confiance, et c'est ce qu'il compte faire.

Elise quant à elle montre un profond ennui durant toute l'entrevue. Molle comme une paillasse, elle se contente de prendre des mesures d'un air éteint, pendant qu'il les notes distraitement sur une feuille sous forme de liste.

- Est-ce que tout le monde est passé ?

Cette phrase fige l'espace et électrise le groupe qui se rhabillait, ou déshabillait pour prendre la suite des mesures.

Bien sûr que non, il reste deux candidats, elle n'en n'a fait que la moitié. Et Félix soupire :

- Non, toujours pas.

Elle secoue la tête, jette un œil à l'étudiant, et reprend ses mesures, agenouillée pour prendre le tour de mollet.

L'ambiance tendue ne perturbe pas leur travail d'un pouce, et chacun se cantonne à ses tâches. Félix laisse tout de même tomber à la fin, en guise d'au-revoir :

- Pour si peu, tu aurais pu le faire toute seule.

Elle soupire doucement.

- C'est ce que je me dis tous les jours depuis six mois.

Il retient un sourire, et sort de la pièce. Sa répartie l'amuse. Il n'y peut rien, c'est drôle de la voir aussi fâchée. Il sort du bâtiment, de bonne humeur, mais la cache tout de même derrière un air impassible, passablement contrarié. Il n'étale sa bonne humeur qu'une fois chez lui, et sert deux verres de vin.

Celui d'Elise est prêt lorsqu'elle passe la porte, aussi molle qu'elle pourrait l'être en cas de panne de machine à coudre.

- Qu'est ce que tu as ? demande-t-il en préparant à manger.

Elle fait la moue.

- J'ai rendez-vous demain matin pour les plans de la boutique. Mais c'est à dix heures...

Il comprend son désarroi. Pour quelqu'un qui ne dort pas de la nuit, dix heures est l'horaire bâtard où elle n'a pas le temps de dormir cinq heures au moins avant, et où elle n'arrivera plus à dormir après.

Elle trinque quand même avec lui, grimace en buvant la première gorgée, et avalant le reste d'une traite.

- Tu ne sais pas apprécier le bon vin, soupire-t-il de dépit.

Elle hausse les épaules nonchalamment.

- Tu ne sais pas apprécier mon bordel.

Il ricane.

- Tes mauvaises habitudes ne sont pas des choses auxquelles on a envie de s'habituer.

- Pff.

- Hum, commence Félix en buvant. J'ai une question pour toi.

De Fil en AiguilleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant