Trois mois plus tard
En vue du bordel environnant, ce n'est pas difficile de se demander comment Elise ne perd pas ses affaires dans les cartons qu'elle a faits pour son déménagement. Les seules affaires qu'elle a pour le moment sorti dans cet appartement endormi, sont ses vêtements, et cette photographie, sur cette étagère.
Félix enjambe le tout, se disant qu'à moins de travailler dur ou de dormir longtemps tous les jours comme le fait son ancienne partenaire, on ne peut pas ranger ses affaires convenablement.
C'est pour cela qu'il pose un carton sur la table, et l'ouvre, pour le ranger.
C'est ce qu'il fait tous les jours depuis une semaine. Il entre, range un carton, et va la réveiller.
C'est entre les paires de chaussettes et les cuillères en bois qu'il trouve sa tasse, la tasse qu'il utilise quand il va chez elle, et quand il boit son café.
Il s'en prépare d'ailleurs une tasse, regardant la machine couler dans un bruit relatif.
Il s'adosse au plan bar, la tasse dans les mains, et regarde la photographie, songeur. Elle est à l'autre bout de la pièce, de cet immense appartement plus grand que celui qu'il possède actuellement, mais surtout au-dessus de son nouvel atelier, qui est lui-même au-dessus de sa nouvelle boutique.
Maintenant, elle a un bureau, pour mettre son bazar de couture.
" Chez moi aussi, maintenant ça ressemble à un hôtel !" avait-elle dit fièrement en lui ouvrant la porte, et en lui donnant un double des clefs au passage.
" Ouaw. Génial."
Non pas que ce n'était pas joli. Juste.... plein de cartons, alors que l'appartement duquel elle venait était près de trois fois plus petit que celui-là.
Il termine de vider le carton.
Sur la photo à laquelle il tourne le dos, il pourrait voir leur visage à tous les cinq : Elise, Félix, Adrien, Marinette, et Bridgette, débarquée spécialement pour l'occasion, et qui leur avait sauté au cou en coulisses juste après.
C'est lui, qui a le trophée qu'elle a dans les bras sur l'image. Et il est lui aussi posé à côté de cette photo.
Elise qui sourit, très fière d'avoir eu le temps d'ébouriffer les cheveux de l'étudiant juste avant la prise, et lui, fier d'avoir gagné ce fameux premier prix.
Ils regardent l'objectif avec un doux sourire, encadrés par des personnes qu'ils apprécient, et dans cette dernière tenue avec laquelle ils ont défilé en dernier.
Il soupire.
Dire que leur défilé avait presque été gâché par un étudiant jaloux, qui avait tenté de saboter définitivement le concours... juste pour ça, et au nom de toutes les nuits qu'il a passé à réfléchir, il n'a pas hésité à demander à ce que cet élève soit allègrement dégagé de l'école.
Il finit par poser sa tasse, et par aller lever la chose baveuse endormie.
Il pose sa main sur son épaule et elle se redresse en baillant.
- Hum ?
- C'est l'heure. Tu fais une mauvaise patronne, à te lever en retard.
- J'ai pas envie de travailler, bougonne-t-elle en se rallongeant.
Il soupire, et attrape la couette. Elle hurle de frustration quand il l'emmène avec lui hors de la chambre, et ne reste pas plus de deux minutes dans son lit, au froid.
Dix minutes plus tard, ils sont dehors, en train de se battre avec des filles qu'ils ne connaissent pas, sur un prétexte qu'il a oublié, et avec le sentiment que ce crépage de chignon ne se terminera jamais.
- Hé, Félix, tu ne voudrais pas te déshabiller pour leur montrer ce que c'est qu'un vrai mec ?
Il arque un sourcil, regarde les deux hommes qui font dix à quinze centimètres de moins que lui, mais qui sont deux fois plus épais, derrières leurs copines, et soupire.
Il finit par opter pour une autre solution en attrapant Elise par la taille, et en la soulevant plus ou moins difficilement, l'emporte de l'autre côté de la rue.
Les filles se retournent et leurs copains secouent la tête : non, vrais mecs ou pas, ils ne peuvent pas porter aussi lourd d'un seul bras.
- Mais ça va pas la tête ! s'énerve Elise quand il la repose et après un long débat inutile.
- On se calme, Rambo. J'ai pas envie de me battre avec des gens dans la rue pour du maquillage. Viens, je te paye un café.
Il lui attrape la main et la traine derrière lui.
Elle sourit doucement en le suivant, trottinant.
Les pensées des gens sont facilement représentables par des fils, et ils sont tous reliés à des bobines de mémoires et de souvenirs appartenant à chaque personnage de cette histoire. Lorsqu'un fil s'emmêle avec un autre, c'est une nouvelle rencontre. Et plus les nœuds sont gros, et plus les liens sont forts.
Les lèvres de Félix se pincent en un sourire et il traverse la route, conscient du nœud qui s'est formé avec le fil de quelqu'un d'autre. Ce quelqu'un d'autre qui marche près de lui en lui tenant la main, sans qu'aucun d'entre eux ne regarde l'autre. Et cette libellule qui les suit, au beau milieu de la rue.
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De Fil en Aiguille
Hayran KurguFélix a maintenant vingt-et-un ans. Toujours plongé dans ses études de stylisme, il regarde parfois d'un air distrait son petit frère Adrien jouer les héros de Paris aux côtés de celle dont il a longuement entendu parler, mais qu'il connaissait bien...