Elise est réveillée par de forts et répétitifs coups donnés à sa porte, ce matin-là. Elle se redresse sur son établit, replace une mèche antenne derrière son oreille et va voir qui est là, l'esprit cotonneux.
Elle ouvre silencieusement, et croise le regard on-ne-peut-plus furieux de Félix, qui lui lance en un coup d'œil :
- Avons-nous réellement une heure de retard à notre épreuve éliminatoire parce que tu ne t'es pas réveillée, que tu ne réponds pas au téléphone, et que tu as eu la bonne idée de dormir à ton travail ?
Elle écarquille les yeux et entre, retire rapidement sa chemise, attrape une autre propre qui trainait là, et attache ses cheveux avec l'élastique accroché à son poignet.
- Si tu ne peux pas être à l'heure, ou en forme pour la suite. Si tu n'es pas capable d'être une coéquipière sérieuse, dis-le-moi tout de suite.
Elise lui fait face, le visage inexpressif, mais les iris tremblantes de colère.
- Ne redis jamais une chose pareille. Ça n'arrivera plus. Allons-y.
Elle enfile rapidement une paire de bottes, son sac en bandoulière sur l'épaule, et claque la porte de son appartement pour la refermer à clef. Trente minutes plus tard, ils sont tous les deux sur les lieux du concours, et dévisagés par la standardiste.
- Pour les épreuves éliminatoires ? Elles ont commencé il y a une heure et demie...
- On sait, répond Félix avec toute la diplomatie dont il peut faire preuve. Nous sommes en retard, ajoute-t-il comme si ce n'était pas évident.
Les deux jeunes adultes essoufflés présentent leur carte d'étudiants, et celle de l'école, avant de pouvoir finalement entrer.
- Bon... commence-t-elle.
La porte claque avant qu'elle n'ait terminé ses encouragements, et les deux silhouettes disparaissent dans le couloir.
C'est laissant la porte accidentellement se fracasser dans le mur qu'ils entrent dans le gymnase qui a été aménagé trois jours plus tôt, dans l'objectif de permettre à la moitié des étudiants inscrits de travailler sur des tables pliables en plastiques trop basses, et avec des tabourets s'enfonçant dans le revêtement du sol, recouvert d'un plastique blanc semi transparent.
En bref, si Félix et Elise voulaient passer inaperçus, ils n'auraient pas pu.
Ils s'avancent vers les examinateurs comme s'ils étaient à peine pressés. Ce qui est aussi vrai que leurs points de côtés respectifs.
Une fois installés, ils ont en bref une heure quarante-cinq de retard. Il leur reste donc une heure généreuse et quinze charmantes musiques.
D'un coup de crayon, ils se mettent au travail, ignorant drastiquement les coups d'œil des autres.
- Ça me va, dit-elle au bout de dix minutes.
- Je n'ai pas terminé, râle-t-il encore en cours.
- On le fera au fur et à mesure. Je vais chercher du bleu, dit-elle en partant.
Le bas de la tenue n'est pas encore tracé, mais elle se fie au début de dessin qu'il a fait.
- C'est du gris.
Elle s'arrête, puis se tourne lentement vers lui.
- Gris quoi ? Perle ? Libellule, acier, inox, taupe, vert...
- Comme les ferrures des balcons.
- Alors je mettrais du vert passé, du vieux rouge avec.
Elle repart à nouveau, il la laisse faire ce coup-ci. En fait, elle vient de lui donner une idée.
Il dessine la suite le temps qu'elle revienne et part au moment où elle arrive pour aller chercher encore autre chose dans les étagères installées au fin fond de l'immense hangar sportif. Il revient avec pas moins de sept bobines de rubans et dentelles différents, et Elise les accueille avec un air satisfait, malgré la modification qu'elle vient d'effectuer sur le croquis.
Il commence les découpes, et elle les réglages de la machine qu'ils auront pour l'épreuve, ou pour le reste de l'épreuve.
Elle gémit en cassant le fil, et Félix lui prend des mains pour sortir rapidement la petite bobine de métal de son boitier, défaire le nœud d'un habile coup de main, et la remettre aussi sec.
- Tu as cassé combien de fois sur ma machine ?
- Huit.
- Si peu, soupire-t-elle.
La machine qu'elle lui a prêtée ne casse pas le fil, quand on sait s'en servir, être aussi rapide pour remettre une machine à coudre en marche avec seulement huit erreur prouve qu'il a une bonne mémoire physique : il est capable de se souvenir comment faire les mouvements nécessaires.
Elle enchaîne les coutures tandis que les découpes finies, Félix s'occupe des décorations qu'il juge simples pour son niveau : les boutons. Et puisqu'elle n'a pas cousu la doublure, il peut se permettre les points grossiers sur l'envers.
- Trente minutes, dit Elise soudainement.
Il hoche la tête, s'occupe du dernier bouton, et lui tend la combinaison pour qu'elle puisse coudre les rubans et la dentelle qu'ils ont choisis plusieurs minutes au paravent.
- Aïe, dit-elle mécaniquement en se coupant le doigt avec le bout du ciseau.
Elle met rapidement l'objet de sa faible douleur mais surtout de son ennui dans sa bouche, et s'occupe de couper le fil d'une main, avant de rendre la combinaison à son coéquipier.
- Je dois mettre un pansement pour ne pas en mettre partout.
- Vas-y.
Il lui donne son sac d'un mouvement rapide, et elle s'en sait habilement. Félix en vient à se demander brièvement si Elise n'est pas gauchère. Il laisse l'idée de côté, n'estimant pas le moment propice à l'élagage de ses pensées, et termine de changer les bobines pour Elise.
Elle se rassoit à sa place au moment où il termine et elle se permet de coudre la dernière dentelle sur la ceinture.
La machine clique après clique, et la petite bande avance bien plus lentement que les coutures que la machine a déjà réalisées. Félix ronge son frein en se disant qu'Elise est obligées d'aller doucement pour ne pas risquer de faire un pli ou de tirer une maille, mais le temps tourne et l'expression impassible de sa partenaire s'illumine étrangement.
Un son aigu le fait sursauter, et une voix au micro annonce la fin des éliminatoires.
Elise soupire, défait la dentelle de la machine, et coupe le fil.
- Terminé.
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De Fil en Aiguille
FanfictionFélix a maintenant vingt-et-un ans. Toujours plongé dans ses études de stylisme, il regarde parfois d'un air distrait son petit frère Adrien jouer les héros de Paris aux côtés de celle dont il a longuement entendu parler, mais qu'il connaissait bien...