De Fil en Aiguille

Chapitre 3

Félix donne rendez-vous devant un café à sa potentielle partenaire de travail et se rend au passage compte que sa dernière partenaire pour quelque chose était Marinette, lorsqu'elle a remplacé Bridgette.

Il replace la sangle de sa sacoche sur son épaule, maudissant l'oubli de sa veste de costume, sous son manteau.

Là où le sujet est délicat, c'est qu'ils doivent se montrer l'un à l'autre leur travail, et ce qu'ils ont en tête, sans même aller chez l'un ou l'autre. Ce qui est plutôt problématique dans le sens où il est difficile de voir un réel rendu de travail. Il est néanmoins peu surpris de la voir au rendez-vous, à l'heure, une tasse entre les doigts.

- Tu ne m'as pas attendu, fait-il remarquer.

Elle secoue la tête.

- Je déteste avoir les doigts gelés.

- Tu aurais pu mettre des gants.

- Mais j'aime encore moins les porter, que d'avoir froid aux mains.

Il ne répond rien et se contente de retirer son manteau, qu'il pose à sa droite, sur la banquette.

Elle sort de son sac un livret qu'elle semble avoir fait elle-même dans lequel il est quelque peu surpris de voir des types de coutures et d'ourlets de tissus. Les tissus sont de bonne qualité, il n'a rien à y redire, et les coutures également. En fait, c'est à peine si elles se voient toutes. Sur certaines, Elise a mis un fil volontairement d'une autre couleur pour le faire ressortir, auquel cas, Félix ne l'aurait sans doute pas remarqué.

- Je vois. Je ne pensais pas que tu amènerais ce genre de choses.

Elle sort un cahier de croquis traditionnel, cette fois-ci.

- Ça ?

Il acquiesce, et songe soudain à sortir le sien.

Elle l'attrape après une courte réticence, et le remercie.

Un serveur vient prendre la commande de l'étudiant, qui fronce les sourcils en regardant son travail. Il pose soudainement le carnet à plat pour sortir celui dont il se sert quotidiennement, pour l'ouvrir à l'une des pages les plus récentes.

Il remarque avec stupeur que les deux tenues se complètent étrangement.

- C'est...

Elise qui a relevé les yeux du travail de l'homme en face d'elle considère silencieusement l'expression de son visage.

Il ne lui semble pas l'avoir déjà vu si expressif, et Félix ne pense pas l'avoir déjà autant été. Il se contente de refermer lentement son carnet, et de planter son regard dans celui d'Elise.

- Tu es vraiment intéressée de faire équipe avec moi ?

Elle hausse négligemment les épaules, et il se dit qu'elle semble fade. Insipide, avec cet air totalement désintéressé. Regarde-t-elle seulement ce qu'elle a sous les yeux ?

- Tu recherches un partenaire, un couturier, ou un second ?

Il se redresse.

- Je crois que je recherche quelqu'un capable de faire les trois à la fois.

Elle plisse lentement les yeux.

- Je ne suis pas sûre que ce type d'arrangement me convienne. Je n'aime pas exécuter les créations des autres. Je préfère coudre les miennes.

- Tu arriverais à coudre quelque chose que j'ai dessiné, si tu le valide ?

- Nous n'avons pas le même style. Je ne validerais aucun de tes travaux que je n'aurais pas modifié au préalable.