Chapitre 16

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Bridgette n'a pas vu Félix depuis le mois d'Août. Elle trouve donc normal d'aller le saluer pour ses vacances de février. C'est d'ailleurs la seule raison pour laquelle elle pourrait-elle à Paris à ce moment-là, puisque le reste de sa famille vit en Italie avec elle.

Elle sort de l'aéroport avec sa valise cabine, son sac à main bien rempli et ses chaussures plates. Sa paire de chaussures à talons est dans son sac, hors de question de prendre l'avion avec ! Une chance que Marinette puisse lui prêter tout un attirail à coiffure qu'elle n'utilise pas, parce que le fer à lisser ne serait pas entré facilement dans ses bagages.

Elle a hâte de revoir son ancien partenaire. Et de rencontrer officiellement les nouveaux Chat Noir et Ladybug.

Ça et ses anciennes amies. Qui ne sont pas indénombrables, mais qui ont tout de même eu leur importance durant ses années d'héroïsme.

C'est donc prête à être accueillie à bras ouverts que la jeune femme sonne à l'appartement de son amis, après avoir entré le code pour entrer dans l'immeuble.

Elle manque de tomber des nues lorsque c'est une femme de son âge qui lui ouvre.

- Hum. Félix. Pour toi, dit-elle d'une voix traînante.

Bridgette entend une chaise racler le sol et un soupir, avant de voir Félix, les cheveux en bataille, le veston ouvert, et la cravate presque entièrement dénouée.

- Bridgette ?

Il sourit doucement tout en s'approchant d'elle.

Il semble épuisé.

- Quand est-ce-que tu es arrivée ? demande-t-il en attrapant sa valise.

La seconde étudiante marche mécaniquement jusqu'à une chaise, s'assoit sur sa cheville, et reprend son travail d'un air habituel.

- Il y a deux heures. Je voulais faire la surprise.

- Tu aurais dû me le dire, je serais venu te chercher.

Elle sourit.

- C'est ta coéquipière ?

- Hum ? Elise.

A l'entente de son prénom, elle relève la tête, plante ses yeux morts dans ceux de Bridgette, et la salue :

- Ravie de te rencontrer. Si ça ne vous dérange pas, je termine ça avant de partir.

- Ne vous en faites pas pour moi, terminez ce que vous étiez en train de faire, dit tout de suite l'ex-héroïne avec un sourire lumineux. Je peux regarder ? demande-t-elle en retirant son manteau.

Félix acquiesce, et l'autre se contente d'un « hum ».

La jeune femme aux cheveux noirs se saisit de l'un des croquis.

- C'est vraiment superbe. C'est totalement différent de ce que tu faisais...

Elle s'arrête quand elle se rend compte que tous les croquis sont comme ça : ce n'est la patte de Félix, ni totalement celle que quelqu'un d'autre.

- Incroyable.

Elise pose son crayon, et fait craquer sa nuque.

- J'ai terminé.

Elle referme son carnet après en avoir extrait la page, et met son barda dans sa sacoche.

- Pourquoi on n'irait pas manger ensemble en extérieur ? propose Bridgette. J'aimerais faire connaissance avec toi, dit-elle à Elise.

- Avec moi, répète-t-elle mollement.

Quelques minutes plus tard, dans la rue, c'est à peine comme si Bridgette était venue voir Félix en particulier. Elle tient fermement Elise par le bras, et la traîne jusqu'à l'un des restaurants dans lesquels elle avait l'habitude d'aller avant de partir pour l'Italie.

- Tu es dans la même filière que lui ? C'est dingue, je n'ai fait qu'entendre parler de toi, mais pas par lui. Tu veux devenir styliste, toi aussi ?

- À ton avis ? répond à sa place Félix.

Bridgette éclate de rire.

- Désolée, c'était une question stupide. Tu as quel âge ?

- Vingt et un ans, répond pour la première fois Elise.

- On a tous les trois le même âge ! sourit alors Bridgette.

Félix se contente de grommeler dans son coin, tandis qu'ils s'approchent de l'entrée du restaurant dans lequel l'étudiante les emmène.

Elise lève les yeux, l'air ennuyé.

- On ne peut pas tout simplement manger des pâtes chez moi ?

- Hors de question, répond sèchement le jeune adulte. Des nouilles instantanées, ce n'est pas un repas.

C'est au tour d'Elise de bouder et ils entrent pour se faire installer.

- Vous sortez comme ça de temps en temps ?

Félix ne répond pas, se souvenant de la dernière fois où il a voulu manger dehors avec sa partenaire. Elle avait laissé ses clefs chez elle, la porte se fermait à clef dès qu'elle était fermée, ils avaient dû attendre que le concierge de l'immeuble daigne rentrer de sa promenade, pour découvrir que lui et Elise n'étaient pas les meilleurs amis du monde. Tout ça pour un fichu passe-partout.

Pendant ce bref instant de silence, Elise a compté :

- Nous allons plus souvent dans un café, pas loin de la fac.

- Tu arrives à le traîner dans ce genre d'endroits ? s'émerveille Bridgette.

Tandis qu'Elise hoche la tête comme elle sait le faire, faisant grincer ses mécaniques, l'étudiant se plaint :

- Ne pense même pas à m'emmener dans un bar.

- Mais pourquoi ? Tu as l'âge de boire, ce n'est pas forcément bruyant, et il y a de la musique.

Elise frissonne. Sur ce point, elle est d'accord avec Félix, la musique nuit à la concentration. Les bras ne sont pas des endroits pour travailler, surtout s'il y a du monde.

Les yeux marrons et verts paniqué de la jeune femme s'agrandissent lorsqu'elle se rend compte que le nom de chaque plat ressemble à un titre de livre.

Si sa voisine bavarde décide en riant de prendre au hasard, elle ne peut pas se permettre de prendre quelque chose qui contiendrait du fromage. Ou de la tomate crue.

Félix la regarde pour lui demander ce qu'elle va prendre et se fige.

- Respire.

- Hum ?

Elle sursaute et relève la tête.

- Vous avez choisi ? leur demande le serveur.

Bridgette et Félix commandent, et il demande :

- Qu'est-ce que vous avez qui ne contient pas de tomate crue, ni de fromage, s'il-vous-plaît.

Le serveur lui donne trois noms de plats, et Elise commande l'un d'entre eux avec un soulagement non dissimulé.

- Tu n'aimes pas le fromage ?

Elle regarde Bridgette d'un air blasé, et celle-ci rit doucement.

- C'est ironique, la France est connue pour ses mangeurs de fromages.

- Je laisse ma part aux autres, répond Elise en s'affaissant dans le fond de sa chaise.

Elle éprouve un dernier frisson, et on leur apporte leurs boissons : une limonade, un thé glacé, et un verre de rosé.

- A mon retour ici, à notre rencontre, et au fromage.

Elise secoue frénétiquement la tête.

- Hors de question que je trinque à ça.

- Moi non plus, renchérit Félix avec lassitude.

Elle roule des yeux :

- Bon bah, à nous alors ?

Il accepte :

- Si ça peut te faire plaisir...

De Fil en AiguilleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant