Chapitre 38

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« Première fois ». Ce n'est plus le même thème, ni le même nom. Mais toute la collection s'accorde avec eux, et Elise s'installe dans son lit, la robe toujours sur le dos. Elle n'a pas peur de l'abîmer, après tout, elle sait que son travail est solide et que les tissus qu'elle a utilisés sont de bonne qualité.

Félix la rejoint sans un mot, et rabat la couverture sur leurs jambes.

Ils restent un silence un long moment, jusqu'à ce qu'elle dise :

- Je ne vois plus mes parents parce qu'ils ne voulaient pas que je sois styliste. C'est stupide, mais voilà.

Il soupire longuement :

- Mon petit frère... depuis que notre mère est morte, c'est le plus important, pour moi. Mais... j'ai du mal à me faire à l'idée que je ne peux pas le protéger de tout. Tes parents se disaient sûrement la même chose. Quand on n'est pas du milieu ou qu'on n'a pas de nom...

Elle hausse les épaules.

- J'ai commencé à dessiner chez eux. Pour ma première collection. J'ai utilisé tout l'argent que j'avais économisé pour commencer. Et j'ai réussi. Si j'avais commencé à la maison, et que j'avais échoué, ils auraient sûrement pu me faire entendre raison. Et si j'avais réussi... est-ce qu'ils auraient été fiers de moi ? Ou m'auraient-ils mis en garde contre le fait que ça pouvait ne pas durer ?

Elle pose sa tête contre le rebord de son lit, n'attendant pas de réponse particulière.

- Les parents... le modèle que nous donne nos parents, dit-il mollement, je ne sais pas s'il a pour vocation de nous montrer à quel point c'est dur d'être parents, ou s'ils n'ont pas la moindre idée de ce qu'ils font de manière générale.

- Je pense qu'on ne le saura pas avant d'être parents.

- Hum. Tu sais... il y a tout un tas de choses qui peuvent quand même nous donner des pistes.

Elle tourne mollement la tête vers lui.

- Je ferais n'importe quoi pour protéger Adrien.

- Comme être le plus parfait possible ?

Elise lui sourit, et c'est à son tour d'acquiescer.

- Je ne sais même plus quand ça a commencé.

- Tu n'as pas besoin d'être parfait chez moi. Ni même quand tu travailleras pour moi pour de bon. Je n'aime pas la perfection. Elle laisse trop peu de marge à la spontanéité.

- C'est la définition de perfection, rétorque-t-il avec un léger rire.

Elle hausse les épaules.

- Je ne suis pas très bonne en français.

- Tu es bonne pour coudre et créer, tu ne peux pas être ... parfaite ?

Elle rit de bon cœur.

- Décidément, la perfection...

Elle secoue la tête.

- C'est la chose la plus grotesque de cet univers. Tiens, ça me fait penser. Qu'est-ce que tes recherches ont donné sur le saboteur du concours ?

- Pas grand-chose, soupire-t-il en s'allongeant. Je pense que c'est une équipe, mais pour quoi... aucune idée. En tout cas, j'ai eu des appels de certains mannequins.

- Moi aussi. Je pense qu'ils tâtent le terrain. Je leur ai dit que ça ne changeait rien, si tu étais un gosse pourri gâté. Qu'il était hors de question que je ne participe pas à ce concours.

- J'ai dit approximativement la même chose, même si j'ai dû souffler que tu étais incompétente.

Elle pouffe.

- C'est fou comme ça ne nous correspond pas du tout ! Sérieusement, tu as un caractère de cochon, mais si les gens savaient...

La stylise dénègue.

- Non, je préférerais qu'ils ne le sachent pas. S'ils savaient que tu es gentil, le monde ne tournera plus rond.

Félix sourit.

- Tu crois ? Je pense que si c'est comme ça qu'il tourne, on ne devrait pas le laisser faire.

Elle s'allonge sur le côté, pour le regarder :

- Tu sais que tu ferais un bon super-héro ?

Il se fige, avant de répondre légèrement :

- Même si c'était le cas, je n'aimerais pas être à leur place. Ça doit être difficile de concilier ses deux vies.

- C'est vrai. Même si pour un monstre d'organisation comme toi, ça ne devrait pas être un problème.

- Et si ce n'était pas aussi simple ? dit-il lentement. Au temps qu'il faudrait être héro, au temps qu'il me faudrait pour mon travail, celui pour mon frère, pour le concours, pour l'école. Au nombre de personnes que les héros doivent inquiéter dans leur famille, pour les coups de fatigue inexpliqués, les bleus, les retards, les mensonges. Toi, si tu étais un super-héro, tu le dirais à tes proches ?

- Non. Bien sûr que non, soupire-t-elle en secouant la tête. Je garderais tout pour moi, et je mentirais autant de fois que je le jugerais nécessaire. Parce que si c'est sur moi que ça tombe, ça voudra dire que je suis l'une des seules personnes sur laquelle les gens peuvent compter. Et que même si mes proches ont besoin de moi, je sauverais plus de gens en les protégeant de mon secret. Regarde Ladybug et Chat Noir. En dépit du fait qu'ils sont partenaires, on ne sait rien d'eux, et même si les gens sont curieux, tout le monde sait au fond que c'est pour le mieux.

Félix se tourne aussi.

- Comme tu n'avais pas l'air fan des héros, je ne pensais pas que tu aurais autant réfléchit à la question, répond-il.

Elle hausse les épaules.

- Tous les gens intelligents l'ont fait, je pense. De se poser la question : « et si ça avait été moi, qu'est ce que j'aurais fait ? ». Regarde, tu l'as fait aussi.

- Oui, soupire-t-il. Je l'ai fait aussi.

Elise se redresse vivement, et il fait de même, les sens en alerte. Mais elle dit en frappant des mains :

- J'ai une idée ! Ne bouge pas. Je reviens vite !

Elle sort du lit en trombe et il éclate de rire en se passant une main sur le visage.

Décidément, ce n'est pas demain la veille que ça s'arrêtera !

De Fil en AiguilleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant