Chapitre 36

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Blottie dans le canapé de Félix, une couverture sur les épaules et le regard dans le vide, Elise attend patiemment qu'il rentre de ses courses, et c'est surprise qu'elle voit Bridgette débouler dans le salon. Les deux jeunes femmes se toisent longuement, toutes deux intriguées par la présence de l'autre dans l'appartement, avant d'éclater de rire.

L'étudiante referme la porte tandis que la styliste resserre la couverture autour d'elle pour se lever.

Elles se saluent comme de vieilles amies, et Elise lui propose un café sans gêne de ne pas être chez elle, et d'être elle-même une invitée imprévue.

- Comment tu vas ? demande-t-elle en l'apportant. Je ne savais pas que tu devais passer.

- Je vais bien ! Mais figure-toi que j'ai quelques jours de congés à cause d'une fermeture exceptionnelle. Je suis là depuis hier. J'ai été chez moi, et je voulais faire la surprise à Félix.

Elle hoche la tête.

- Je comprends.

- Tu as l'air de bonne humeur, aujourd'hui, remarque Bridgette en levant sa tasse. Tu n'étais pas aussi vivante, la dernière fois que je t'ai vue.

- La dernière fois, je ne venais pas d'acheter ma première boutique, je n'avais pas embauché de la nouvelle main d'œuvre, et je n'en n'étais pas au peaufinage du concours.

Elle lève sa propre tasse et la porte à ses lèvres.

- Alors oui, je suis de bonne humeur, surtout que tout va bien.

- J'ai vu ça, votre vidéo est partout sur internet. Mais comment ça, ta première boutique ?

- J'ai un site en ligne. Et là, j'ai eu mon prêt ce matin pour acheter un bâtiment que m'a trouvé Félix. Je vais peut-être devoir emménager dedans, mais le bâtiment entier, tu te rends compte ? Beaucoup de travaux, mais rien d'inquiétant, je l'ai eu pour une misère, et on pourra tout mettre dedans : l'atelier, le magasin, l'espace de stockage, peut-être même le studio photo. J'ai fait une offre pour les quatre étages.

- Mais c'est où ?

- Dans Paris même. Je suis contente.

La porte s'ouvre sur cette note, et Félix entre, les mains chargées de sacs de courses. Il se fige en voyant Bridgette, mais se reprend rapidement. La vie de super héro, ça vous fait changer d'attitude en une seconde.

- Qu'est ce que tu fais ici ? demande-t-il d'un ton pourtant détaché.

Son ancienne partenaire lève sa tasse à présent vide.

- Je discute avec ta colocataire. Il paraît qu'il t'a sortie de la baignoire l'autre jour ? demande-t-elle soudain à Elise.

Cette dernière prend une expression scandalisée :

- Oui, comme un mufle. Il m'a jetée sur son épaule, et balancée sur son lit. Heureusement que j'avais une serviette de bain à portée de main !

- Non, c'est vrai ?

Un sourire lumineusement joyeux s'inscrit sur son visage, et elle éclate de rire.

- Félix, tu te décoinces ! Tu n'aurais jamais fait ça avant !

Il s'apprête à répliquer qu'il a déjà été dans une situation similaire en sauvant Paris, mais les mots restent coincés dans sa gorge. C'est un secret. Un de ces secrets, qui lorsqu'ils sont entre les mains de la mauvaise personne peuvent détruire une vie, comme l'avait si bien dit Elise.

D'ailleurs, elle le regarde, et finit par écarquiller les yeux :

- Mais ce n'était pas la première fois, en plus ? Je comprends que tu n'aies personne !

Bridgette pose sa main sur celle de la brune d'un air compatissant :

- Mais tu sais, il n'a besoin de personne d'autre que toi, en ce moment.

Elise se mord violemment la lèvre pour ne pas éclater de rire à son tour, tandis que Félix se tient la poitrine, ne s'attendant certainement pas à quelque chose du genre.

- Je n'arrive pas à y croire ! Vous vous êtes donné le mot, toutes les deux ?

- Je lui ai déjà fait le coup, explique rapidement Elise, dont le regard s'est considérablement terni.

Il s'éveille à nouveau quand elle se souvient :

- Au fait, je l'ai eu, le prêt.

Il sourit vaguement, tout en rangeant ses courses dans le réfrigérateur.

- Attends, tu es là depuis combien de temps ? demande Bridgette à la styliste.

Elle doit compter pour répondre :

- Trois heures. Je crois.

- Et tu es entrée comment ?

- Avec la clef.

C'est autour de Bridgette d'être éberluée.

- Tu lui a donné un double de tes clefs ? demande-t-elle à Félix.

Il hausse les épaules :

- C'est un interrogatoire ? lâche-t-il plus ou moins fort.

L'ancienne Ladybug secoue énergiquement la tête.

- Mais c'est sérieux ? Je peux avoir un double aussi ?

- Tu n'as pas besoin de venir chez moi quand je ne suis pas là, tranche Félix rapidement. J'ai les clefs de chez elle aussi, je te signale, poursuit-il. Ça n'a rien d'étonnant, on travaille ensemble, maintenant.

Elise s'est levée en cours de route pour aider à ranger, laissant son plaid sur la chaise, comme si l'air s'était réchauffé en cours de route.

Chaque chose est rangée avec minutie à sa place, et l'invitée se lève finalement.

- Vous sortez ensemble depuis combien de temps ?

Elise en lâche le paquet de pâtes qu'elle avait dans les mains, et secoue la tête en le ramassant. Elle laisse le soin à son coéquipier de répondre, sans savoir comment le faire elle-même sans être abrupte.

- On ne sort pas ensemble, répond sobrement Félix.

Réflexion faite, si c'était pour le dire comme ça, elle aurait très bien pu s'en charger.

- Vous en êtes sûrs ?

Elise affirme :

- Je ne suis pas certaine qu'il soit possible de ne pas s'en rendre compte. Et je suis sûre de ne pas sortir avec lui. Si c'était le cas, ça voudrait dire que je ne m'en suis pas rendue compte.

- C'est bien ce que je demande, vous êtes sûrs de ne pas simplement... ne pas vous en être rendus compte ?

Ils secouent la tête de concert, et elle soupire :

- Bon, ben on ne peut plus rien pour l'espèce humaine, dans ce cas.

De Fil en AiguilleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant