Le jeudi de Félix est aussi normal que possible, et ce, de bout en bout.
Il se lève à l'heure, prend son petit déjeuné, laisse la vaisselle dans l'évier le temps de prendre une douche, et s'en occupe à peine sorti de la salle de bain. Il a le temps miraculeux de livre un bon chapitre du livre que son frère lui a offert récemment, tout comme il avait eu le temps de ramener celui qu'il avait acheté le jour même où Adrien avait sorti ce livre fantastique de son sac pour lui donner.
Le trajet à la faculté se déroule ensuite sans le moindre encombre, si l'on considère que recevoir un sms urgent de Bridgette n'est pas un encombre.
Il répond rapidement qu'il est disponible pour qu'elle l'appelle si elle en a le temps, histoire de s'épargner une longue explication par message, qui pourrait être aussi douloureuse pour lui que pour ses doigts.
Avec un léger soupir, il décroche son téléphone dès la première sonnerie.
- Je t'écoute.
- Je ne pensais pas que tu serais disponible si vite.
- Tu veux que je raccroche ? propose-t-il.
- Du tout !
Il soupire à nouveau.
- Qu'est-ce que je peux faire pour toi ?
Bridgette semble hésiter longuement, avant de finalement répondre calmement :
- Quelqu'un m'a demandé de sortir avec lui.
- Et ? demande-t-il avec l'espoir qu'elle parle de son problème au plus vite.
- Je ne sais pas quoi mettre.
- Tu te moques de moi ? grogne-t-il.
Félix passe le portail de la faculté et finit par mettre son casque pour continuer sa conversation tout en allant s'acheter un café à la cafétéria. Il s'assoit à l'une des tables à l'intérieur, et propose à son amie de mettre la caméra, pour qu'il lui donne plus rapidement encore son avis sur les tenues qu'elle essaye.
Il est obligé de reconsidérer son idée quand il se rend compte qu'elle met un temps infini à se changer. L'image montrant brièvement le plafond entre deux essayages dont il ne voit encore pas le bout, il songe qu'il va rapidement arriver en retard s'il ne résout pas le problème.
- Bridgette.
- Oui ?
- La robe verte avec le foulard à fleurs, et le gilet gris, s'il fait beau. Le pantalon jean taillé, le t-shirt blanc et la veste rouge s'il fait moche. Je dois y aller, mais sache que les deux vont avec les chaussures noires à petits talons que tu m'as montrées en premier, et avec le sautoir que tu as acheté pendant nos vacances.
- Tiens ! Je l'avais oublié, celui-là !
- Bonne journée, ne me tiens surtout pas au courant !
Elle rit joyeusement, le salue, et lui promet de réussir à tout lui résumer en un seul message.
*
Félix assiste une énième fois à ce cours dont, comme pour les essayages de Bridgette, il n'en voit pas le bout. C'est fou comme cet enseignant est doué pour tourner autour du pot, et pour raconter exactement la même chose que l'un des livres sur l'économie qu'il a dû lire pour l'année précédente.
Aussi, la seule note qu'il prend sur les trois heures se résume en : « Relire attentivement le livre en question ». Le reste de ses longs coups de crayons sont des idées, des modèles, des notes de choses à demander à sa partenaire, tout comme demander au secrétariat si quelqu'un connait la date, les détails et les horaires de la première partie du concours.
Les deux heures de cours sont interminables. Et sa seule joie en fin de journée, est d'aller chercher son frère au lycée.
- Comment tu vas ?
Le plus jeune sourit.
- C'est une très bonne journée ! Et toi ?
- Très longue, répond Félix succinctement. Père ne t'a pas ennuyé cette semaine ? J'ai... Je l'ai peut-être fâché un peu.
- Alors c'était toi ? rit Adrien.
Son frère aîné se raidit.
- Il est comme d'habitude, reprend son cadet. En un peu plus grincheux. Ne t'en fais pas pour moi. Tu lui as dit quoi ?
- De se mêler de ses affaires.
Le plus jeune secoue la tête, faisant voler ses mèches blondes au passage. Il sourit de plus belle, pour dire doucement :
- Tu es bien le seul de nous deux à pouvoir lui dire ce genre de choses.
- Je n'étais pas très assuré de le faire.
- Tu as toujours été courageux. Ne te dévalorise pas.
- C'est toi qui dis ça ? demande Félix avec un rictus ironique.
Adrien soupire longuement, et se passe une main derrière la nuque.
- Tu sais, il y a deux jours, nous avons affronté un akumatisé qui m'a fait réfléchir sur le sujet. C'est étonnant de voir ce qui peut nous donner du courage.
L'aîné acquiesce d'un air entendu :
- Cela va de soi. Je suis personnellement bien plus courageux quand il faut te défendre toi que lorsque je dois me défendre moi, dit-il en posant brièvement sa main sur son épaule.
- Félix...
- J'ai aidé Bridgette ce matin, coupe-t-il mal à l'aise, si elle vous demande votre avis sur ce qu'elle doit porter, dites-lui que ce que je lui ai conseillé lui va bien, sinon, vous allez en avoir pour des heures.
Avec un sourire indulgent, Adrien accepte le changement de sujet. Après tout, Félix étant toujours fidèle à ce qu'il a toujours été, faire dans le sentimentalisme n'est pas une chose dans laquelle il s'adonne volontiers. Mieux vaut ne pas l'ennuyer avec ça.
En revanche, il aimerait bien remercier Félix pour tout ce qu'il a fait ou fait encore pour lui. Des corvées de modes dont son père ne charge que l'aîné, ou encore de l'avoir longuement écouté clamer son amour pour Ladybug. Marinette.
Il secoue vigoureusement la tête. Non, son frère a assez donné sur le sujet, Nino aussi, il préfère parler d'autre chose.
- Comment ça se présente ce concours ?
- Moins bien que ce que je le pensais. Beaucoup de travail. L'épreuve de sélection doit avoir lieu dans quelques temps, je dois aller me renseigner, on ne sait rien sur le sujet pour le moment.
- Je vois. C'est à ce sujet, que vous vous êtes disputés, n'est-ce-pas ?
Félix se détend à mesure qu'ils se rapprochent de chez lui.
- Oui. Nous ne sommes pas d'accord sur la marche à suivre pour lancer ma carrière. Et... je lui ai au passage fait remarquer qu'il n'avait pas à regarder ce que je faisais à la loupe.
- Il ne peut pas s'en empêcher, soupire Adrien.
- C'est l'impression qu'il donne, en tout cas.
- Tu sais... non, rien.
- Dis toujours.
- Non, non. Ce n'est vraiment rien. Ne t'en fais pas. Je ne vais pas commencer à te faire part de tout ce qui me passe par la tête !
- Pitié, non, soupire Félix en sortant ses clefs.
Le jeune Agreste le regarde faire avec un début de sourire.
- Toi aussi, parfois, tu es un maniaque du contrôle.
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De Fil en Aiguille
FanfictionFélix a maintenant vingt-et-un ans. Toujours plongé dans ses études de stylisme, il regarde parfois d'un air distrait son petit frère Adrien jouer les héros de Paris aux côtés de celle dont il a longuement entendu parler, mais qu'il connaissait bien...