Félix ne sait définitivement pas comment son appartement s'est retrouvé dans un pareil état de « bordel » en si peu de temps. Les affaires d'Elise s'installent peu à peu dans son appartement, remplaçant ses affaires à lui, qu'il éparpille lui-même chez elle. Mais les tenues de leur collection aussi, prennent de plus en plus de place chez lui. Tantôt sur la table de la salle à manger, tantôt sur le rebord de son canapé, profitant de l'agréable croisière que l'étudiant leur offre en les déplaçant une à trois fois par jour.
- Vacances ! dit-elle en passant la porte de chez elle.
Félix qui était déjà là depuis une heure sourit doucement, pose son livre, et le range dans son sac. Il était plus rapide pour lui de l'attendre chez elle, que de faire l'aller-retour, pour une petite heure de battement.
- Tu as préparé ton sac ?
Elle hoche la tête.
- Là, dit-elle en pointant un coin de la pièce.
Ils vont passer la semaine au manoir pour profiter pleinement de l'atelier de couture du père de Félix. Car ce n'est qu'à la condition de pouvoir se faire lui-même une idée sur le travail de son binôme que Gabriel Agreste a consentit à la laisser travailler. Le raisonnement de Félix l'a poussé à se dire qu'en dormant là-bas, ils ont plus de chance de travailler efficacement, et que le styliste accède à son caprice.
Aussi, c'est en voiture qu'il est venu, leurs modèles dans le coffre.
- J'ai du nouveau, au fait, sur les photos volées, dit-il en descendant.
Son sac et sa sacoche sur l'épaule, elle l'écoute patiemment tout en fermant la porte de son appartement.
- Ils viennent de dégager quelqu'un qui aurait été impliqué. Mais ils ne veulent pas dire qui.
- Ils ont sûrement peur qu'on lui lance des patates.
Il soupire.
- Des pierres. On dit lancer des pierres.
Elle hausse les épaules mollement, l'excitation des vacances visiblement passée. Félix lui ouvre la porte de l'immeuble, préférant la laisser se débrouiller avec ses sacs que de devoir en prendre un, alors qu'il se bat lui-même avec les rouleaux de tissus.
Elise monte en voiture avec un nouveau sourire.
- Quoi ? demande-t-il en ayant déposé le tas de tissus à l'arrière.
- On part en vacances. Tu te rends compte ? Je pars en vacances avec un camarade de fac.
Il met le contact, blasé.
- Tu ne pars pas en vacances, on va squatter chez mon père.
- Le terme « squatter » est indigne de toi, rétorque-t-elle avec une moue ennuyée.
- Hum, et ?
- C'est quoi, partir en vacances ? C'est aller quelque part où on veut aller, y passer plusieurs jours, et ne pas repasser chez soi entre deux. Et tu es dans le même département que moi, à l'école. Donc, je pars en vacances avec un camarade de fac.
Il soupire.
- Si tu veux.
La radio se met en route, et il l'éteint aussi sec.
Elle le regarde, légèrement surprise.
- Félix écoute les informations sur les héros parisiens ?
Lui ne fait aucun commentaire, et elle non-plus. Elle se contente de poser sa tête contre la vitre.
- Je ne suis pas partie en vacances depuis longtemps.
- Tu as du travail, cette semaine ? demande-t-il.
Elle secoue vaguement la tête :
- Non, je vais être entière concentrée sur le projet.
Il soupire à nouveau, et desserre sa cravate.
- Attention, tu te relâche, marmonne-t-elle.
Il hausse les épaules.
- Hum. Et ?
Elle sourit faiblement.
- Je n'oserais pas te dire ce que tu as à faire.
Il hoche la tête.
- Tu n'as pas intérêt, confirme-t-il sobrement en entrant dans la cour du manoir.
Adrien dévale les marches extérieures pour les accueillir, souriant comme un soleil. Elise met la main devant ses yeux, comme éblouie, et demande à l'aîné, avant d'ouvrir la portière :
- Il est toujours comme ça ?
Félix répond narquoisement :
- Si tu m'embête, je te laisse avec lui.
Elle grince des dents et sort de la voiture. L'adolescent vient lui serrer la main, et au moment où il s'apprête à la lâcher, Elise retourne la main et l'attrape avec sa deuxième.
- Tu as les mains calleuses.
Il sourit, gêné.
- Désolé...
Elle le lâche, secouant la tête.
- Non. Ce n'est rien.
Il est surpris de voir à la vitesse à laquelle elle passe à autre chose, et aide à vider la voiture. Adrien leur donne évidemment un coup de main, et dit d'ailleurs que s'il avait su, il aurait volontiers demandé à Marinette de leur passer aider aussi, pour gagner du temps.
Du temps gagné ou du temps passé avec elle, a songé Félix en soupirant.
- C'est ici, dit-il en entrant dans la pièce.
Le visage d'Elise s'illumine soudain. Elle pose ses affaires sur une table blanche vide, et regarde soigneusement autour d'elle. Chaque recoin passe sous son regard.
- Je croyais qu'elle était plus molle que ça, murmure Adrien à son frère.
Ce dernier hoche calmement la tête.
- Passe quand elle allume une machine à coudre, tu verras la différence.
Elise hoche la tête comme pour affirmer ce qu'il vient de dire, alors qu'elle est simplement satisfaite de l'endroit.
Elle pose son sac avec un soupir.
- Je pourrais vivre dans un atelier pareil.
- Tu aurais plus de place que dans ton appartement, répond Félix en posant ses affaires. Mais je ne suis pas sûr qu'il faille te laisser trop de place.
Elle hausse les épaules.
- Je ne suis pas aussi bordélique que j'en ai l'air. Si tu enlèves tout le tissu et matériel de couture, il n'y a que les murs et les meubles.
- C'est ce qui s'appelle être passionnée, sourit Adrien avec entrain.
Le regard d'Elise se voile et son propre sourire se perd.
Elle ne sait pas si elle est réellement passionnée. Mais si elle devait arrêter de créer, elle ne sait pas dans quel état serait sa tête. Pour sa propre santé, elle a toujours occupé ses mains et son cerveau à quelque chose, pour être sûre de rester connectée à la réalité. Et pourtant, ses rêveries ne sont jamais loin.
Elle regarde encore une fois autour d'elle.
Sa vie ne se résume en fait qu'à se construire un monde dans lequel elle échappe au sien, pour appartenir à celui des autres.
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De Fil en Aiguille
FanfictionFélix a maintenant vingt-et-un ans. Toujours plongé dans ses études de stylisme, il regarde parfois d'un air distrait son petit frère Adrien jouer les héros de Paris aux côtés de celle dont il a longuement entendu parler, mais qu'il connaissait bien...