Se débattant avec la flore envahissante du Brésil, Daniel Saint-Germain perdait patience et il commençait à se demander si ce voyage aurait pu s'annuler. Il songeait à sa maison sans humidité et sans une immense forêt qui l'oppressait sérieusement. Sa chevelure blonde ondulait sur son front et sa chemise tournait dans les tons de gris pleine de sa transpiration. Il s'essuyait régulièrement à l'aide d'un nombre incalculable de mouchoirs en papier. L'Amazonie l'étouffait et il regrettait sa chère France. Pourquoi avait-il quitté Paris, la pollution omniprésente, l'odeur de pisse sur les trottoirs et les gens de mauvaise humeur ? Ici, les locaux l'accueillaient avec grand sourire – surtout parce qu'il déboursait généreusement son argent pour se payer des guides et autres conforts. Le parfum puissant de la nature envoûtait tous ses sens et l'air lourd était toutefois pur.
Sur une barque, deux hommes pagayaient pendant qu'un guide lui parlait en anglais et il lui répondait aisément puisqu'il était professeur de littérature britannique – il s'y connaissait ! Le brésilien lui racontait l'histoire de l'Amazonie, il mentionnait divers espèces qui peuplaient leur faune, mais Daniel écoutait d'une oreille distraite. Habitué à sa vie urbaine, ses mains s'agitaient de tous les côtés pour éloigner les insectes et il épuisait excessivement son stock de mouchoirs. Il rêvait seulement d'abandonner ce périple et de retourner chez lui. Malheureusement, la raison de sa venue importait davantage que ses petites manies ! Il devait absolument supporter le désagrément.
— Sommes-nous bientôt arrivés ? demanda-t-il, coupant court à la visite guidée. Non pas que je m'ennuie ou que le paysage me déplaise, mais vous m'aviez promis de me mener à elle. Je dois la voir ! Où habite-t-elle ? Nous avions convenu d'une heure sur l'eau et une heure à pieds. Or, nous voguons sur cette fichue rivière depuis trois heures ! Je vous en supplie, dites-moi que vous n'êtes pas un arnaqueur et que vous ne m'avez pas fait perdre mon temps ! Je ne suis pas d'humeur à me chamailler en plein milieu de l'Amazonie.
— Monsieur, vous me semblez fatigué et contrarié ! répondit le vieil homme. Reposez-vous, nous atteignons bientôt le rivage. Nous avons simplement pris un détour afin que vous observiez un peu notre belle Amazonie ! Vous paraissiez tant pressé – ce n'est pas tous les jours que vous visitez un endroit pareil ! Les touristes se surchargent d'un crédit pour payer le voyage ; soyez donc heureux de votre chance.
— Quelle chance ?! s'insurgea Daniel, plus méchamment qu'il ne l'aurait voulu et il se calma aussitôt. C'est juste que mon temps est compté. Il me faut rencontrer cette femme au plus vite, car elle est la seule à m'apporter des réponses. Mes questions perdurent depuis si longtemps, j'ai hâte d'obtenir la vérité... Vous comprenez ?
— Oui, Monsieur, dormez en attendant !
Daniel Saint-Germain souffla de frustration, mais il suivit le conseil et s'allongea aussi confortablement que possible dans la barque. Ses paupières papillonnèrent un long moment ; il était bercé par le doux bruit des pagaies fouettant délicatement l'eau et les sonorités environnantes de la forêt. Cet homme avait totalement raison ! Dans d'autres circonstances, il aurait adoré venir ici. Cependant, le poids de son fardeau l'étranglait et il voulait s'alléger enfin ! Il crut s'endormir, mais la voix de l'homme le fit sursauter et il se redressa vivement.
— Et voilà, Monsieur ! Descendez de la barque prudemment.
Il s'exécuta, mais se surprit de ne pas voir son guide descendre à son tour. Il l'interrogea d'un sourcil haussé.
— Vous m'avez uniquement payé pour le trajet en barque.
— Alors, je vous paierai plus ! rétorqua Daniel en sortant des dollars.
— Je n'accepte pas les dollars, juste les reals. Mais de toute façon, débrouillez-vous. A partir de ce point-ci, continuez toujours tout droit. Tant que vous ne déviez pas, vous parviendrez à trouver votre chemin jusqu'à cette femme.
— Pourquoi diable ne venez-vous pas avec moi ?! s'outra le blond. Comment ai-je pu tomber sur un guide pareil...? soupira-t-il.
— Personne n'irait là-bas ! affirma l'homme. Cet endroit..., il ne convient pas à tous de s'y rendre ! Vous devez être invité et je n'ai pas été invité ! Allez-y tout seul et peut-être survivrez-vous.
A son plus grand ahurissement, la barque fit demi-tour et Daniel les regarda s'éloigner de lui sans une once d'hésitation. Puisque le guide lui avait pris son sac à dos en prétextant qu'il n'en aurait pas besoin, il se retrouvait perdu dans la forêt amazonienne sans nourriture, ni eau. Il hocha machinalement de la tête, les poings sur ses hanches et son pied martelait la terre boueuse du rivage. Les yeux larmoyants, il renifla profondément. Il ne devait pas craquer maintenant !
— Et si je ne survie pas ?!
Il hurla et son cri se répercuta en plusieurs échos qui le désespérèrent. Il était vraiment seul. Daniel présuma qu'il mourrait ici ! Parfait ! Qui viendrait à bout de lui ? Les serpents ou les araignées ? Son amie Famine ou la perfide Déshydratation ? Il ouvrirait bien des paris, mais personne n'était avec lui pour parier. Essayant de se ressaisir, il inspira et pivota vers la forêt. Déterminé et n'ayant plus le choix, il posa un pied devant l'autre et finit rapidement entouré de verdure. Il n'avait jamais vu ce vert ! Il s'émerveillait de la couleur authentique des plantes. En avançant tout droit, il croisa une cascade. Les pierres étaient saupoudrées de mousses et l'eau coulait avec harmonie. Quel bel endroit pour perdre la vie ! Il marmonnait des insultes contre le guide et se répétait qu'il aurait dû rester en France.
Quand subitement, son talon ne s'enfonça pas dans la terre. Il toucha du bois. Saisi par une lueur d'espoir et d'appréhension, le blond leva les yeux et ceux-ci brillèrent de soulagement. Malgré la chaleur et la sueur, il se mit presque à sautiller face à une femme d'un âge mûr à la peau basanée et aux cheveux grisâtres, crépus et attachés en tresses. Elle était décorée de bijoux en tout genre et deux symboles sillonnaient les dos de ses mains. Des Ouroboros. Daniel n'avait plus aucun doute : il la rencontrait après tant d'années !
— Osez prétendre que vous avez accès à la wifi dans ce trou paumé ! grogna-t-il, d'un sourire jeune et charmeur.
— A votre avis, Monsieur Saint-Germain, pourquoi me fallait-il des jours pour vous répondre ? grinça ironiquement la vieille dame. Vous êtes en retard ! Dépêchez-vous de poser vos affaires, nous avons une longue conversation qui nous attend !
— Une minute ! interrompit-il. Avant tout, j'aimerais que vous répondiez honnêtement : connaissez-vous véritablement une solution à mon...problème ?
— Je peux même vous donner le nom de cette solution. Le Stasensë.
Il ignora pourquoi, mais ce mot lui arracha un violent frisson. Daniel Saint-Germain ne se posa aucune autre question et il s'empressa de grimper les quelques marches menant jusqu'au temple de pierres anciennes et de lianes où habitait apparemment la vieille chamane. Peu importe ce qu'était le Stasensë, il comptait y aller et découvrir sa réelle identité.
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Stasensë - L'âme du désert.
AdventureDerek Moore est un psychopathe reconnu pour divers meurtres et il s'est évadé de l'hôpital psychiatrique, seul rempart qui l'empêchait de répandre sa cruauté sans limite. Charlie Wilson est un agent d'Interpol et il est chargé de l'enquête visant à...