Stasensë - L'âme du désert.

Tout feu tout flamme

L'équipe se figea à cet air qui arrivait de nulle part. Ils comprirent bientôt que ce vent était créé par un mouvement extrêmement vif et perfide. Ils pivotèrent lentement, redoutant de voir ce qu'ils devaient voir. La peur serrant leur gorge, les respirations coincés dans la trachée, l'œsophage privé d'oxygène, ils détaillèrent la plus immonde et infecte créature jamais inventée par l'univers – ou, en l'occurrence, par le Stasensë. L'As Danois poussa un hurlement interminable et aiguë auquel personne ne prêta attention, parfaitement immobiles, cloués au sol par l'angoisse qui tendait leurs muscles et les rendait faibles au point qu'ils crurent s'évanouir sur-le-champ. 

Devant eux, une bête aussi large que le tunnel et presque aussi haute, positionnée sur deux pattes avant fines, sveltes, élancées et deux pattes arrière robustes et athlétiques, prêtes à donner l'assaut. Un gros loup, un ours ou une créature mystique provenant d'un folklore méconnu, ils n'auraient su le dire avec précision. Cette chose aux poils noirs et hérissés possédait une gueule baveuse aux crocs acérées et elle grognait méchamment sur l'équipe qui, dans toute sa petitesse, semblait se recroqueviller dans ce cul-de-sac infernal. 

— Je suppose que vous n'avez jamais entendu parler d'une mutation de chien qui expliquerait la taille irréelle de ce truc ? s'enquit Magnus d'un timbre vibrant, à moitié allongé sur Yi Jing à force de reculer.

— D-Daniel, pulvérise cette chose, chuchota Soo Ah en tremblant. 

Mais le français ne bougea pas d'un pouce, obnubilé par la créature. Cette dernière profita de l'absence de réaction pour avancer, une patte après l'autre, en grognant avec de plus en plus d'agressivité. Ses poils rêches frottèrent contre la paroi, soulevant la poussière sur le jade et décrochant quelques morceaux de roche qui dégringolèrent à son passage. 

— Daniel ! gronda véhément la chamane. Débarrassez-nous de cette bête !  

— Je sais pourquoi il ne réagit pas, exposa quasi-fièrement le Tueur des Anges. Parce qu'il envisage de nourrir la bête avec vous, pour la rassasier et qu'elle parte ensuite.

— Oh la ferme ! couina Charlie de sa voix virile habituelle, mais teintée d'effroi. Comment peux-tu faire des blagues dans un instant pareil, putain ?

— Excuse-moi de garder mon humour en toute circonstance. Moi, au moins, je ne suis jamais ennuyeux, contrairement à vous, bande de rabat-joie. Et puis, penses-y ! Si nous montrons à la bête que nous sommes amis en la nourrissant, elle nous laissera tranquille. Merci à toi, vieille sorcière inutile, de te porter volontaire ! Allez, maintenant, on y va, et que ça saute !

— Daniel ! persista Manuela.

Celle-ci, ne saisissant pas pourquoi le français n'agissait pas, se risqua à plusieurs pas en avant pour se planter à côté de lui et elle lui secoua un bras, ce qui eut pour conséquence immédiate de faire tonner la créature. Son rugissement ricocha contre la paroi rocheuse et ils présumèrent que la structure entière de ces tunnels souterrains ne tiendrait pas longtemps si elle recommençait. Manuela sursauta et elle lâcha docilement la manche de Daniel, retournant vers le mur qui leur barrait la route. 

— De quoi parlent les morts ? Bordel, qu'est-ce qu'ils racontent ? paniqua Soo Ah.

— Rien du tout, souffla la chamane. D'après eux, c'est ici. Ils prétendent qu'un mécanisme caché permet de scinder le mur en deux, menant à la pièce que nous recherchons. 

— Vous pouviez pas le dire plus tôt ! hurla Yi Jing et la créature lui répondit en rugissant plus férocement. 

Ni Yi Jing, ni Soo Ah ne souhaitaient mourir bêtement dans ces tunnels et ils se mouvèrent d'un mouvement identique, pressés par la même hargne de survivre. Le chinois attrapa son petit frère et l'entraîna vers le mur, la coréenne sur les talons. Leurs mains se posèrent aussitôt sur chaque dalle, chaque petite pierre qui formait cet obstacle. Jiahao se chargea d'explorer le bas, le sol, et il espéra secrètement trouver une chaîne de fer à tirer ou quelque chose du genre, exactement comme pour le plafond tueur. Cependant, rien ! Il n'y avait rien ! La femme commença à sautiller pour atteindre le sommet, mais elle ne touchait aucun mécanisme.