Stasensë - L'âme du désert.

Plus jamais

Ils s'étaient tous stoppés dans un mouvement étrangement synchronisé et brusque. Ils venaient de traverser des tunnels de long en large, tantôt frôlant les murs par peur de perdre pied, tantôt en s'éloignant des parois au cas où elles essaieraient de les manger. Et là, devant leurs yeux ébahis, fatigués et alourdis par le poids de l'obscurité, à peine guidés par les faibles lueurs de leurs lampes, une lumière dorée se dessinait derrière une vieille et lourde porte en bois massif dont les angles commençaient à pourrir, rongés par les insectes et le temps. Une lumière qui provenait à n'en point douter de flammes ardentes et leurs ombres s'échappaient de la pièce mystérieuse, se projetant tout autour d'eux. 

Les ombres ne bougeaient pas, elles demeuraient relativement stables et immobiles. Ils en déduisirent donc que cette pièce ne menait pas à l'extérieur ; aucun courant d'air ne passait, les tunnels semblaient s'entrecroiser et former un labyrinthe d'où nul ne sortait. Inspirant profondément, Daniel ne lâcha rien. Sa conviction ne faiblit pas. Il était toujours convaincu de trouver ses réponses. Il vouerait sa vie à cet endroit si cela lui permettait de connaître son identité. Il ne serait plus jamais le seul être humain à avoir des pouvoirs sans en savoir l'origine ; plus jamais. 

— Entrons, dit-il avec assurance en dépassant Charlie. Entrons et découvrons ce qui se cache derrière les murs du Stasensë. Nous avons fait un long voyage, nous sommes blessés et épuisés, nous méritons que nos souhaits se réalisent. Entrons et affrontons ce lieu maudit !

Soo Ah ne sut à quel moment son cœur avait battu pour lui, elle ignora même le sordide sentiment qui naquit à cet instant dans le creux de son estomac et qui réveilla en elle une âme résistante et déterminée. La coréenne laissa ses yeux s'embuer sûrement à cause de son état exsangue et de l'illumination qui l'assaillit, ses pommettes osseuses et fiévreuses se teintèrent d'un rouge vif. Pour la première fois, elle se rendit compte, qu'en réalité, Daniel Saint-Germain n'était ni le chien de la chamane, ni le lâche qui ne se rebellait pas contre leur guide odieuse. Il était tout simplement un homme désespéré et tristement courageux, résolu à tout perdre et tout abandonner s'il devait vivre un jour de plus sans savoir qui il était. Une aura s'illumina autour de lui et elle le regarda différemment. 

— Il a raison, murmura-t-elle en essuyant vivement la sueur déjà presque sèche sur sa peau et elle s'exprima plus fort. Le Stasensë se doit de nous accueillir convenablement après le chemin que nous avons parcouru et les obstacles que nous avons traversés pour lui ! Préparez vos vœux, camarades. Préparez vos vœux. 

Pleins d'espoir et certains d'atteindre le centre du Stasensë, ils contemplèrent une dernière fois le visage de ceux qui avaient voyagé avec eux cette semaine. En soumettant leurs souhaits, ils étaient persuadés de disparaître instantanément, retournant à leur vie améliorée par le Stasensë. Yi Jing s'attendait à rouvrir les yeux et se retrouver dans une splendide maison bourgeoise, quelque part où il ne manquerait pas d'argent et où Jiahao s'épanouirait. Il ne sourit pas, évidemment, mais il remarqua ses orbes larmoyants. 

Charlie, en revanche, n'était pas ravi du tout. Il attrapa promptement le bras du psychopathe et il le tira à sa suite, s'écartant de l'équipe qui ne les questionna pas. L'agent avait l'air en colère et une pointe de déception trônait dans son regard, alors que le Tueur jubilait. 

— Continuer à tuer sans que personne ne se souvienne de toi, est-ce vraiment ce que tu vas souhaiter ? s'enquit Charlie d'un souffle court.

— Bien sûr ! chantonna Derek. Que voudrais-tu que je souhaite ? Tuer, tuer, et encore tuer ! J'en ai marre que les flics viennent me casser les pieds tous les deux mois ! De toute façon, nous avons déjà eu cette conversation, Apollon ! Tu ne te souviendras pas de moi, donc tu ne te sentiras pas coupable de ne pas m'avoir arrêté. Tout le monde y gagne !