Étincelles et paracétamol

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Moon Soo Ah n'en pouvait plus ! Ses jambes endolories lui arrachaient quelques gémissements et elle s'assit avec peu de grâce sur le premier banc qu'elle aperçut. Se massant immédiatement les mollets, elle ne remarqua pas les regards curieux des personnes sur elle. La coréenne respirait fort, à la manière d'un bœuf souffrant d'asthme, et elle s'agitait dans tous les sens pour soulager ses douleurs. Aussi, elle essayait tant bien que mal de se réchauffer en se frottant les bras et en gigotant d'un pied à l'autre, dansant dans l'air froid du printemps. Elle ignora tous les murmures à son sujet. Se sentant mieux, elle voulut appeler sa grand-mère, mais son téléphone n'avait plus de batterie. Elle soupira et regarda pour la première fois autour d'elle.

La petite femme se trouvait toujours devant l'aéroport d'où elle venait de sortir et elle devait encore se dégoter un taxi. Soo Ah avait très hâte d'atteindre enfin sa destination. Voilà une journée qu'elle voyageait en avion et ses muscles ne supportaient plus l'immobilité ; elle aurait presque envie de courir dans la rue pour se dégourdir si son énergie ne lui faisait pas défaut. Partie de Gwangju, elle avait commencé par une heure de trajet jusqu'à Incheon. Puis, elle avait subi cinq heures de plus jusqu'à Beijing. Arrivée-là, son contact l'informa qu'elle n'était plus attendue à la capitale chinoise, mais dans la province du Ningxia, à Yinchuan. Ce qui lui rajouta deux heures supplémentaires. Son corps avait souffert, son compte en banque aussi.  

En plein centre de cette région autonome chinoise, elle souffla de soulagement quand son contact lui envoya finalement une adresse à Yinchuan. Elle n'aurait pas toléré un autre voyage ! 

— Là. Pouvez-vous amener moi, là ? 

Son accent catastrophique et son vocabulaire approximatif en chinois lui valut un regard noir de la part du taxi. 

— Vous comprenez ce que moi dire ? Cette adresse, je veux y aller. Est-ce possible ? 

Sans un mot, le chauffeur hocha la tête à la verticale et elle grimpa dans le véhicule, quelque peu réticente. Ils roulèrent rapidement et arrivèrent à l'endroit indiqué en une poignée de minutes, et elle paya une fortune. Récupérant sa valise et son sac à dos, elle entendit le moteur du taxi vrombir et il s'éloignait déjà lorsqu'elle releva la tête. Seule, au beau milieu d'une rue qu'elle ne connaissait pas, fixée par des passants à cause de son air de chiot perdu, elle tourna et se retourna en cherchant l'adresse sur le mur des bâtiments. Son sens de l'orientation était horrible dans sa ville, en Corée du Sud, mais c'était bien pire ici ! 

— Auriez-vous l'amabilité de vous décaler du chemin ? Vous bloquez le passage !

Sur le trottoir, elle et sa valise se tenaient devant une maison et cet homme semblait vouloir y accéder. Cependant, il n'avait rien d'un local ! Pâle, blond peroxydé aux yeux gris vifs, il ne ressemblait absolument pas à un chinois. De plus, il s'était adressé à elle dans un anglais parfait. Regagnant espoir, elle fit un bond en avant, ce qui surprit l'inconnu et il recula d'un pas en arborant une mine froncée. Elle se concentra pour former une phrase cohérente et elle lui demanda :

— Par tout hasard, serions-nous venus ici pour la même affaire ? Allez-vous à cette adresse ? 

Elle lui tendit son téléphone et l'homme s'approcha en déglutissant calmement. Il lut le message de son contact et elle profita de ce temps pour le détailler davantage. Bien plus grand qu'elle, mince et au visage creux, efféminé, ses cheveux blonds tombaient jusqu'à sa nuque en des mèches parfaitement lisses. Il avait aussi un anneau à l'oreille droite. Ses longues jambes et ses bras minces complétaient un torse sec. Soo Ah adorait son style vestimentaire, des étoiles valsaient dans ses iris noirs. Il avait revêtu un jeans slim noir et une chemise assortie. Il avait opté pour des bottes en cuir et une veste d'une matière similaire. Elle vérifia brièvement qu'elle ne bavait pas – la honte ! –  et elle constata soudainement que cet homme avait levé sa main qu'il pointait vers la maison face à eux. 

Stasensë - L'âme du désert.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant