A la manière d'un félin sauvage, Derek Moore se leva en un bond démesuré et contourna la table, ignorant superbement le flingue de l'agent qui suivit son passage et le mélange de confusion et de colère dans son regard. Il enjamba l'espace entre lui et l'équipe et se planta face à eux, tout sourire. Il se frotta les mains dans un geste nerveux, replaça ses bouclettes noires derrière ses oreilles, se lécha les lèvres similaire à un vil carnassier et il reboutonna sa chemise correctement. Le Tueur des Anges avait dérobé un merveilleux costume la veille au seul cadavre qui n'était pas imbibé de sang. Puis, il se racla la gorge et déclara :
— Voyez-vous, chers camarades humains, j'ai énooormément entendu parler du Stasensë ! Mon compagnon de cellule à St Marthe ne cessait de déblatérer des histoires à son sujet ; un endroit miraculeux, pour sûr ! J'envisageais même de m'y rendre. Pour visiter ! Quelle chance de vous rencontrer par ici !
— Le Stasensë n'est guère un endroit à visiter, susurra la chamane.
— Oui, oui, je sais ! C'est un tombeau où les âmes désespérées s'engouffrent dans la vaine et futile tentative de ressortir avec une nouvelle vie, et bla et bla... Je connais parfaitement toutes les conneries à propos du Stasensë ! Mais, allons, de quoi avez-vous si peur ?
Manuela s'apprêtait à lui répondre comme si elle n'était pas le moins du monde dérangée par cette conversation – de toute façon, elle discutait tous les jours avec des morts, donc elle ne redoutait plus rien depuis longtemps. Mais elle fut coupée par un petit couinement. Le son était sorti tout droit de la gorge de l'assassin, alors qu'un revolver s'enfonçait dans son crâne. Derek pinça ses lèvres pour ne pas rire et il ne se retourna pas. Il entendait la respiration calme de l'agent, mais il ne sentait ni ses souffles, ni sa chaleur corporelle. Par conséquent, Apollon devait se tenir à une distance d'au moins un mètre, son bras tiré au maximum.
— Crois-tu une seconde que je te laisserais partir maintenant ?
— Je ne vois pas de menottes à mes poignets et aucune balle ne m'a traversé le torse. J'imagine aisément que tu n'aurais aucun scrupule à tirer, Apollon, surtout après le massacre de tes hommes... Cependant, tu n'oserais pas m'arrêter devant un enfant. Si ?
Sans un mot, Yi Jing lui prouva le contraire : il attrapa les épaules de son petit frère et le tira derrière lui, permettant à l'agent de tirer si l'envie le prenait. Soudainement, le Tueur des Anges explosa d'un rire tonitruant, aigu et horripilant pour Charlie qui gardait difficilement son sang froid. Mais il ne s'esclaffait pas à cause de sa folie, et non parce que ses nerfs le lâchaient. En fait, il riait car il était sincèrement content. De quoi ? Personne ne sut le dire. Mais il semblait absolument ravi de ce moment... Et Jiahao rigola en harmonie avec lui, des éclats d'enfant innocent – le garçon ne pouvait s'empêcher de rire à gorge déployée. Dans d'autres circonstances, Soo Ah aurait trouvé cette scène adorable. Mais, elle en frissonnait. Magnus jeta un regard à l'enfant et marmonna :
— Je savais que ce gosse était complètement maboul...
— Si tu ne me tues pas et ne m'arrêtes pas, Apollon, alors qu'attends-tu ? s'enquit Derek, entre deux soubresauts incontrôlables. Le déluge, le nirvana ? Ou bien tu es réellement excité par cette rencontre et veux faire durer le plaisir !
— Espèce d'enfoiré, j'ai reçu l'ordre de te ramener à l'hôpital de fou furieux où tu pourriras pour le restant de tes misérables jours. Je veux seulement que tu sortes de cette pièce.
— Oh ! s'exclama l'assassin. Tu essaies de protéger les civils ! Et tu pensais vraiment que je me dirigerais gentiment vers la sortie pour que tu me menottes et m'embarques ? Tu es beau à en crever, Apollon, mais n'exagères pas ! En plus, je ne suis pas de ce bord-là, techniquement.
— La ferme ! aboya méchamment Charlie. En fait, j'espère de tout mon cœur que tu tentes quelque chose contre les civils. Ainsi je pourrais légalement te défoncer la tronche à coup de balles !
Derek observa son Apollon de travers pendant une longue minute. L'agent ne cillait pas. Il continuait de pointer son arme en direction de ses yeux, faisant sourire narquoisement le Tueur des Anges. Il pourrait facilement lui arracher son arme, ou l'esquiver, et l'assassiner froidement. Toutefois, puisque ces personnes souhaitaient se rendre au Stasensë et qu'il n'avait rien d'autre pour remplir son emploi du temps vide, il songeait à se joindre à eux. Et pourquoi pas inviter Charlie à venir avec eux ! Ce serait amusant. Voilà pourquoi, il s'écria brusquement :
— Tu rêves, Apollon ? N'est-ce pas ? Les rêves sont primordiaux, ils dirigent l'essentiel de notre vie, puisqu'ils nous poussent à aller de l'avant. N'importe quel rêve se réalise au Stasensë ! Du moins, c'est ce qu'affirmait mon cher compagnon de cellule.
— Celui que tu as tué en pleine nuit pour t'évader ? rétorqua Charlie.
— Non, bien sûr que non ! Celui qui a foncé dans les barreaux et s'est éclaté la tête !
— Je commence à changer d'avis à propos de toi, déclara l'agent sèchement.
— Ah bon ? Tu me flattes, devenons amis !
Il lui tendit la main et Charlie ne bougea pas d'un centimètre. Sa voix rauque et profonde résonna dans la salle.
— Pour moi, tu ne méritais pas l'hôpital psychiatrique, mais la prison. Or, tu me démontres aujourd'hui que j'avais tort. L'asile te sied totalement ! Tu es un fou de nature et tu écoutes aussi les conseils d'un fou... Je suppose que cela parait logique !
— Là, je suis vexé !
A ces mots, Derek Moore pensa à s'amuser un peu. Il attrapa d'un mouvement vif le flingue qui tira aussitôt, mais il leva le bras de l'agent et évita la balle. Il balança ensuite le bout de sa chaussure dans la hanche d'Apollon dont le visage se tordit vivement de douleur, et il combla le mètre qui les séparait. A quelques centimètres, l'arme vers le plafond, Charlie lui exprima toute sa rage en un regard tempétueux.
— Espèce...
— ...d'enfoiré, compléta l'assassin avec un sourire moqueur. Je sais ! Et j'ai l'impression que je vais souvent entendre ça ! Néanmoins, j'annonce être d'humeur généreuse actuellement et je consens à te laisser la vie sauve, Apollon..., à condition que tu me rendes un petit service.
Charlie le dévisagea, lui faisant très clairement comprendre qu'il n'écouterait pas un mot. Moore haussa les épaules, mais persista.
— Je compte bel et bien rejoindre cette fine équipe et voici le vœu que je soumettrai au Stasensë : faites que je n'existe plus ! Saisis-tu, Apollon ? De cette façon, tu seras gagnant ! Non seulement, tu ne m'auras plus dans les pattes, mais tu pourras aussi réaliser un de tes rêves ! Ne serait-ce pas magnifique ? Mais, pour cela, tu dois promettre de me rendre ce service. Il faut que tu jures de me protéger d'eux ! exigea Derek en désignant les six individus.
— Nous ne sommes pas des tueurs ! répliqua Magnus, outré. Contrairement à vous !
— A votre avis, qu'est-ce que vous devriez craindre le plus ? contra Derek. Un désert aux légendes inventées et exagérées ou moi, le Tueur des Anges, spécialiste dans l'art du sang et des cris de terreur ? Si vous désirez entendre mon avis, eh bien, vous devriez me tuer à la moindre occasion. Parce que je n'hésiterais pas ! Voilà pourquoi il me faut un garde du corps personnel. Logique, voyons !
L'agent hocha subitement la tête en signe d'accord, ce qui étonna l'ensemble de l'équipe, mais pas le Tueur. Derek ne lui autorisait aucun choix : soit il le tuait ici et maintenant, ces six personnes se retrouvaient en danger mortel et il échappait à la justice, soit il acceptait et improvisait par la suite. Il ne pouvait pas tirer et se débarrasser de cet homme, puisqu'il devait le ramener à l'hôpital. Il ne pouvait pas le laisser blesser qui que ce soit. La conclusion se révélait assez simple : il le suivrait et l'empêcherait de déverser sa cruauté sur son chemin. Au bout du voyage, il trouverait un moyen de l'enfermer de nouveau.
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Stasensë - L'âme du désert.
AdventureDerek Moore est un psychopathe reconnu pour divers meurtres et il s'est évadé de l'hôpital psychiatrique, seul rempart qui l'empêchait de répandre sa cruauté sans limite. Charlie Wilson est un agent d'Interpol et il est chargé de l'enquête visant à...