Le temple

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Yi Jing n'avait pas pris le risque de ralentir un peu, persuadé que la brume sillonnait toujours le sable à sa suite. Assourdi par les plaintes de son petit frère qui commençait à s'épuiser et dodeliner sur ses épaules, il ne s'était guère aperçu que l'équipe ne le suivait plus. Il avait cependant entendu le cri de Soo Ah, celui qui l'avait fait frissonner brutalement, ainsi que la détonation. Il s'était arrêté et avait analysé son environnement. Les brouillards ne le pourchassaient plus, il supposait qu'il les avait semés ou que les autres avaient servi de diversion. Il ignorait tout du combat mené par la chamane qui avait été forcée de retenir sa respiration et du poids qui avait pesé sur Daniel au moment où la vie de cette femme tenait entre ses mains. 

A bout de souffle, il décida de se poster dans un renforcement – il s'agissait probablement d'un ancien coin d'une maison – et il aida délicatement l'enfant à descendre. Jiahao s'embroncha, frêle sur ses jambes endormies, et il se rattrapa sur la pierre, s'asseyant aussitôt pour reprendre son souffle. Le garçon donnait l'impression d'être exténué, comme s'il avait couru sur des kilomètres, alors qu'il avait été seulement bousculé dans tous les sens durant d'interminables minutes et qu'il avait braillé à ne plus pouvoir parler. D'ailleurs, il se racla plusieurs fois la gorge. Yi Jing remua la tête en signe de désespoir face à sa fatigue qu'il faisait ressembler à de l'agonie. 

— La prochaine fois, tu me porteras et tu courras ! soupira-t-il en s'accroupissant afin d'attraper machinalement son sac à dos. 

— Ce que tu dis est scientifiquement impossible ! rétorqua la teigne sur un ton condescendant.

— Que je sois damné si tu prends maintenant exemple sur Magnus ! murmura l'aîné. Repose-toi une minute, ensuite nous chercherons cette fichue sortie !

— Si elle existe, lâcha fatalement Jiahao. Techniquement, si la vieille dame disait vraie, le brouillard n'essaierait pas de nous tuer. Puisqu'il nous enferme ici, il veut que nous...

— Ne t'en préoccupe pas ! Je me charge de te tirer de là et tu te contentes de ne plus me crever les tympans. Marché conclu ?

— Mais, grand frère..., qu'est-ce que tu fais ?

L'ancien clown cessa son activité, c'est-à-dire de tenter d'attraper les bretelles de son sac à dos. Au regard interdit du garçon, il prit enfin conscience qu'il ne l'avait pas. Son sac à dos, il ne l'avais pas sur son dos. Où était-il dans ce cas ? Soo Ah ou Daniel lui avaient certainement pris lorsqu'il avait porté Jiahao. Super ! Ils ne pourraient même pas se désaltérer ! Il soupira bruyamment, s'obligeant à ne pas flancher devant lui. Ce dernier le fixait avec les sourcils froncés. Yi Jing ne sentait plus ses épaules à force de soulever son poids, il se les massa, déboussolé. 

— Est-ce que tu veux de l'eau ? demanda prudemment le petit.

— Non, ne t'inquiète pas. Nous ferons sans. De toute façon, nous n'avons pas le choix. J'espère que nous retrouverons l'équipe, sinon...eh bien, nous ne serons pas prêt de boire à nouveau !

— Je ne comprends pas, souffla Jiahao. 

A ces mots, il gesticula pour ôter les bretelles de son sac et il le tendit à son grand frère avec deux yeux globuleux. Une moue sur ses lèvres gercées et une candeur sur ses traits, il distingua le soudain soulagement sur le visage de Yi Jing.

— Mon cerveau ne fonctionne plus très bien, s'excusa-t-il. Je n'arrive plus à réfléchir correctement.

— Je vois ça..., marmonna Jiahao.

Entre cet assaut brutal, l'épuisement, les courbatures et ses jambes fines qui faiblissaient au fil des heures, il ne savait plus quoi penser. Mais pour Jiahao, il fallait se ressaisir ! Il saisit le sac et l'ouvrit pour en sortir une bouteille pleine. Il en but une quantité minime. Juste ce qui était nécessaire pour ne pas mourir sur-le-champ de soif et il offrit le reste à son petit frère. 

Stasensë - L'âme du désert.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant