La première salle

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Charlie avait terriblement besoin d'une minute pour souffler. Ses talons se plantèrent dans un sol qu'il ne distinguait pas, dans le noir complet, ses mains tâtèrent de part et d'autre du sillon où il avançait à l'aveugle et il devina de la roche presque lisse de chaque côté de lui, à sa droite, à sa gauche, en haut et en bas, humide et fraîche, le vent s'y engouffrait et sa nuque frissonnait de temps en temps à ce souffle naturel qui ne le laissait pas tranquille ; et il pivota et s'affaissa contre cette paroi inconnue, à moitié penché sur lui-même. Il pourrait y avoir des araignées ou autres bestioles peu accueillantes, une créature irréelle pouvait lui bondir dessus, il était la proie des ténèbres et pourtant il ne bougeait plus.

Charlie inspira profondément et bloqua l'air dans ses poumons, il attendit une dizaine de secondes – peut-être plus, peut-être moins – puis il relâcha et expira lentement, longuement, extirpant le sentiment néfaste qui tentait de s'installer en lui. La jambe sanguinolente d'un liquide poisseux, la gâchette qu'il avait actionnée en repoussant violemment sa réticence, la voix faible de...Derek. Qui avait trahi qui ? Était-ce lui, qui n'avait pas octroyé la chance à cet homme de changer d'avis une fois devant le Stasensë ? Ou était-ce Moore qui s'entêtait à demeurer ancré dans sa comédie du Tueur des Anges ? Il ne le savait pas et essayait de ne pas chercher à le savoir ; il rejeta les images qui affluaient dans son esprit et répéta son exercice de respiration sans croire une seconde que cela l'aiderait à se sentir mieux.

Charlie ferma les yeux, bien que ce geste ne serve pas à grand-chose sans lumière, et il retint une dernière fois sa respiration avant de se redresser, de passer une main par réflexe sur son crâne et son visage se teinta de nonchalance. Il tromperait les autres, mais il ne pourrait jamais se moquer de ses propres émotions : son cœur battait fort et lui faisait mal au torse, sa gorge était serrée, et ses jambes ne tenaient plus en place, désirant âprement faire demi-tour et rejoindre Derek Moore, le prendre dans ses bras et le traîner jusqu'au Stasensë comme c'était prévu au début... Cependant, il se souvint que, depuis le premier jour, son tir était inévitable. Que peu importe les progrès du Tueur, il avait tué ces gens et qu'il leur devait une justice. Il adorerait accourir jusqu'à lui et qu'il lui promette qu'il souhaiterait la rédemption, mais il avait appris à le connaître et il était convaincu qu'il ne se rachèterait jamais.

Voilà pourquoi ses pieds obéirent et marchèrent dos à l'entrée du Stasensë, s'éloignant irrémédiablement de Derek Moore. Il reviendrait pour lui, oui. Mais pour le remettre à Interpol. Charlie se concentra sur les battements effrénés de son palpitant et il le calma ; il se racla la gorge et ignora le hurlement effroyable de son corps qui avançait à reculons. Une source de lumière jaunâtre apparut peu à peu, certainement des flammes. Il la suivit en se doutant que l'équipe était là-bas – de toute façon, il n'y avait qu'un chemin !

Le passage se resserrait de plus en plus et la luminosité augmentait. Une ouverture étroite terminait le tunnel et il la franchit sans se poser de question. Immédiatement, ses yeux s'ouvrirent tels deux coupes et sa bouche pendit de stupéfaction. Il était arrivé dans une salle, se tenant sur des marches plus ou moins bien définies – un travail de construction méticuleux, mais dont l'ancienneté se faisait ressentir. Face à lui, la pièce s'étendait davantage en longueur qu'en largeur. Un fin chemin les séparait de l'autre côté, là où une porte en bois massif orné de joyaux les attendait. Mais, pour le traverser, ils ne devraient surtout pas regarder en contrebas au risque d'avoir le vertige.

En effet, ce chemin était détaché des murs et Charlie ne parvenait même pas à déterminer le nombre de mètres de chute s'ils glissaient. Il nota aussi, qu'à la moitié de la traversée, la pierre grisâtre devenait blanche tirant sur du vert pâle – probablement du jade, encore. Cette interstice rendait ce décor moins monotone. Sans oublier l'espèce de rigole qui parcourait circulairement la pièce et dans laquelle l'équipe avait dû lancer un briquet, puisque la poudre s'était enflammée et produisait donc de majestueuses flammes éclairant leur route.

Stasensë - L'âme du désert.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant