Stasensë - L'âme du désert.

La mort au bout du chemin

Jiahao gémit dans son sommeil et se retourna machinalement. Au lieu de sentir le faux cuir de la banquette arrière, il ne reconnut pas la matière sur laquelle il était allongé. Son corps engourdi prit un certain temps pour s'éveiller correctement et il ouvrit les yeux au prix d'un grand effort. Il se trouvait sur un lit. Or, il n'avait jamais dormi sur un lit. La sensation n'était pas désagréable – au contraire ! Il se roula dans les draps d'une façon absolument adorable en rigolant, mais un détail le fit pâlir et sursauter. Où était son grand frère ? 

Surpris de ne pas le voir dans son champ de vision, il se leva et se rendit compte de l'espace entre le matelas et le sol. Il sauta pour en descendre et se rattrapa habilement à la table de chevet. Il ne savait pas du tout à qui appartenait ce lieu, ni où il se situait. Cependant, il perçut des voix étouffées provenant de l'extérieur ; la porte fermée ne lui permettait pas d'épier leur conversation. 

Prudent, le chinois gigota d'un pied à l'autre jusqu'à une chaise où il avait repéré son t-shirt. Il l'enfila rapidement, et sa veste aussi. Puis, il se risqua à entrer dans l'inconnu. A la porte, il tourna la poignée et la tira d'un coup sec, sortant immédiatement sa minuscule tête par l'embrasure. Un regard à droite, un regard à gauche, mais il ne discerna personne dans le couloir. Le soleil se levait à peine et n'éclairait pas encore les environs. Sans fenêtre et sans lumière, il n'avancerait certainement pas dans le noir ! Alors, innocemment, il se dirigea vers l'interrupteur près de la chambre et il l'alluma. 

L'ampoule au plafond rayonna et il commença à errer dans cette maison, mais il s'aperçut de quelque chose et se figea. Les voix s'étaient arrêtées au moment où la lumière avait été actionnée. Repliant ses lèvres, il n'osa plus respirer ; dans une position pétrifiée, il écouta et attendit, prêt à fuir. Sauf qu'un visage familier dépassa d'une pièce et le ton chaud de son grand frère le rassura aussitôt :

— Petit frère, retourne te coucher, il est tôt. Dors encore un peu, je te réveillerai quand nous partirons. 

— Mais, où sommes-nous, grand frère ? s'enquit-il de sa voix mignonne.

— Chez une dame gentille, ne t'inquiète pas. Nous allons bientôt participer à un long voyage, il te faut te reposer avant que nous ne le puissions plus. D'accord ?

— Et si le patron Zhang arrive ? frémit Jiahao et Yi Jing vint s'agenouiller face à lui, saisissant ses épaules de mains douces.

— Zhang ne nous embêtera plus, je te l'ai promis. Nous ne sommes plus au cirque, la troupe est derrière nous. Il ne te frappera plus.

Jiahao haussa subitement les deux sourcils, cloué sur place par la peur. Son grand frère était-il au courant que Zhang le battait régulièrement ? Si oui, cela relevait du miracle que Yi Jing ne se soit pas confronté à leur patron. 

Réconforté par ses mots, le petit fit mine de regagner la chambre et Yi Jing retourna au salon étroit où son contact l'avait accueilli cette nuit. Manuela Correia. Il pensait arriver face à un homme et l'avait rencontré, elle. Bien qu'elle paraisse assez excentrique, la soi-disant chamane ne prenait pas quatre chemins pour dire les choses et avait l'air digne de confiance. Du moins, il l'espérait ! Il se rassit et saisit de nouveau la tasse de thé dont le liquide devenait de plus en plus froid, jouant avec le sachet et la cuillère. Il ne parlait pas avec les autres et ne s'était même pas présenté – personne ne l'avait fait. Il ignorait que Jiahao ne s'était pas rendormi et qu'il s'était recroquevillé dans un coin du couloir pour tout écouter.

— Je suppose qu'il est grand temps que vous nous informiez sur le Stasensë, exigea Soo Ah. Je ne crois pas me tromper en affirmant que nous désirons tous nous y rendre. Mais des renseignements supplémentaires sur cet endroit ne seraient pas de refus !