La vérité du Stasensë

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Soo Ah épongeait le front transpirant de Daniel qui gigotait dans son état comateux, de la même façon que plus tôt quand il s'était écroulé après avoir vaincu le serpent. Pendant que Jiahao piétinait le sol avec indécision, ses doigts boudinés tremblotant, son grand frère et Magnus aidaient le Tueur à hisser l'agent. Ce dernier ne répondait plus à son compère depuis cinq minutes, ce qui mettait Derek hors de lui. Une fois allongé sur le sol, ils appelèrent la coréenne. Elle se précipita et hésita à la vue de tout le sang. Pendu dans le vide, Charlie s'était vidé. Du rouge maculait sa veste déchirée. 

— Soigne-le, ordonna fébrilement Derek. Prend ton sac et improvise un bandage. Ou réveille-le. Il doit prononcer son vœu.

Elle se mordit la lèvre et adressa un regard sincèrement désolé à Derek.

— Tu connais presque autant que moi le corps humain..., bégaya-t-elle, submergée par l'émotion. Il...

— Tais-toi ! aboya-t-il. Je ne veux pas t'entendre !

Elle acquiesça et se redressa, incapable de regarder le visage de plus en plus pâle de l'agent. Tous les autres espéraient, attendaient une nouvelle qui ne les décevrait pas, mais elle n'avait rien de bon à leur dire. La larme qui roula sur sa joue et le torrent qui ravageait déjà le visage du Tueur répondirent à leur question muette. Derek tremblait. Il ne savait pas s'il fallait rester au chevet de Charlie, essayer de le sauver qu'importe la gravité de sa blessure ou aller hurler au Stasensë de se bouger et de l'épargner. Sa rage transparaissait clairement, ses yeux imbibés de larmes renvoyaient des éclairs et son aura se chargeait d'un noir tempête. 

Jiahao éclata en sanglots, comprenant à son tour. Il se laissa tomber à genoux près du Tueur, au-dessus de Charlie, et il voulut déposer une centaine de bisous magiques que le réanimeraient. Mais l'Agent Spécial Wilson ne se réveillerait pas, malgré toutes les prières. Derek se pencha étrangement vers le garçon, il passa un bras autour de ses épaules et l'attira à lui. Le petit tomba lentement et posa sa tête sur les genoux de l'américain, son corps parcouru de soubresauts incontrôlables. Moore tenta tant bien que mal de se calmer ; il se trouvait pitoyable à pleurer ainsi, mais il ne parvenait pas à s'arrêter. Son cœur souffrait et le cœur ne mentait jamais. 

Yi Jing s'apprêta à les rejoindre pour consoler son garçon – il ne versa aucune larme, contrairement à Soo Ah qui sanglotait en retournant auprès du français et Magnus dont les nerfs lâchaient et qui ne pouvait empêcher les perles d'eau salées de s'échapper de ses beaux yeux. Cependant, Daniel ouvrit les yeux en sursaut pour la troisième fois aujourd'hui et il se dressa brusquement, pivotant et se levant d'un bond en direction de l'équipe, scrutant le corps immobile de Charlie. La coréenne termina de franchir l'espace entre eux, elle s'inquiéta et lui parla, mais il n'écouta plus rien, focalisé sur l'américain. 

— Il m'a prévenu, déclara-t-il à voix basse. 

Ils le regardèrent avec perplexité, ne comprenant pas le sens de sa phrase. Derek lui accorda un regard fixe, mais sombre et humide.

— Le Stasensë m'a expliqué certaines choses, clarifia-t-il, mais il m'a également prévenu pour Charlie... Il n'aspirait à le blesser, ce n'était pas lui. Derek, je te jure que ce n'était pas sa faute. 

— C'était un accident, cracha le Tueur. 

Ce dernier inspira profondément, puis interrogea sans cacher son amertume :

— Pourquoi ne le guérit-il pas, puisqu'il ne cherchait pas à en arriver là ? Hein ?! Pourquoi est-ce que, toi, tu te réveilles toujours et pas lui ? Rends-moi mon Apollon ou ferme-la... 

 A la stupéfaction générale, Moore n'haussait pas vraiment le ton. Son timbre était grave et rauque, loin de sa voix fluette habituelle, et il n'explosait pas de colère. Il mesurait chacun de ses mots et les pensait tous. Daniel voulait lui avouer que le Stasensë ne fonctionnait pas de la sorte, qu'il fallait lui soumettre un vœu, mais Derek lui sauterait probablement dessus avant de faire une crise. Qui plus est, il était d'accord avec tous leurs regards : c'était injuste. L'Agent Spécial Wilson ne méritait pas cela, ni la mort, ni d'entrer dans cette équipe. Il aurait mieux fait de rester au lit le matin où il était parti à la poursuite du Tueur des Anges. Et bien que le français avait l'âme plombée de le voir si proche du décès, à quelques secondes de son dernier souffle, il était l'Incarnation et par conséquent il devait leur porter le message de son maître. 

Stasensë - L'âme du désert.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant