Les vents protecteurs

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Les heures s'écoulaient et le vent se levait de nouveau, le plein approchait de sa fin et l'équipe se questionnait intérieurement sur la suite des événements. La chamane dormait. Ou, du moins, elle le prétendait. Daniel Saint-Germain et le psychopathe se doutaient qu'elle prétendait, mais ils n'intervenaient pas. Le français avait foi en elle et Derek attendait patiemment de voir ce qu'elle sortirait de son chapeau pour leur suggérer une solution. 

Dans l'après-midi, les voitures étaient secouées violemment par les rafales ; le froid les tiraillait, alors ils avaient allumé les chauffages ce qui grignotait leur batterie. Ils atteignirent un endroit complètement abandonné. Sans herbe, sans habitation, sans aucune trace de civilisation hormis les sillons laissés par leurs pneus. Ils contemplaient avec une certaine angoisse et inquiétude mélangées des dunes à perte de vue. Le désert. Gobi comportait peu de sable pourtant, ils avaient choisi cette zone plutôt que les steppes. Cela n'étonnait personne que le Stasensë se situe dans une partie du monde aussi perdue. 

Cette nuit-là, ils ne mangèrent pas dehors et ils se couchèrent à l'intérieur des véhicules. Le vent soufflait très fort et ils furent ballottés toute la nuit. Daniel avait distribué des draps supplémentaires, même au psychopathe qui grelottait. Vers minuit, Soo Ah poussa un cri de terreur qui résonna dans le désert. Elle crut que tout se renversait par la force des bourrasques. Elle réveilla les trois autres et ils mirent tous un temps considérable pour retourner dans les bras de Morphée. La coréenne glissa et tomba sur l'épaule de Yi Jing, geste inconscient qui leur permit de partager leur chaleur, tandis que Jiahao avait déjà forcé le passage dans les bras de Magnus qui avait rechigné au début, mais l'y avait finalement autorisé. Ils ne se reposèrent pas vraiment, gelés, épuisés et affamés. 

Le lendemain matin, ils n'eurent guère l'envie de prendre leur nourriture dans les coffres et décidèrent de rouler un peu. Les deux voitures communiquaient entre elles à coups de mouvements mimés – hors de question de poser un pied à l'extérieur. Le sable se soulevait dans tous les sens et brouillait leur vue ; ils avançaient lentement et avec prudence. Charlie, à la demande de la chamane, vérifiait constamment si les autres suivaient toujours. Le froid s'infiltrait dans les véhicules, malgré les vitres fermées et le chauffage. Ils s'enfonçaient dans leur veste. D'ailleurs, Manuela avait daigné offrir deux anoraks au psychopathe et à l'agent. 

— Les morts m'ont parlé ! fit-elle, soudainement.

Daniel appuya brutalement sur la pédale du frein et leurs corps partirent, ils se cramponnèrent à leur ceinture de sécurité. La voiture derrière eux ralentit et s'arrêta aussitôt. Charlie leur signifia d'attendre une minute.

— Eh merde, grogna Moore. Mais ça va pas ? Si mon beau visage s'abîme en s'enfonçant dans le siège avant, je crise ! Avant de nous refaire votre délire morbide, demandez à Napoléon de s'arrêter lentement... Vous n'aimeriez vraiment pas me mettre en rogne !

Mais elle l'ignora complètement.

— Selon eux, nous nous apprêtons à quitter la tempête. J'espère que les voitures tiendront jusque-là. Nous continuerons à pied.

— A pied ?! beugla derechef le Tueur. Dis donc, cette vieille chèvre veut vraiment mourir ! Pourquoi, hein ? 

— Nous n'aurons bientôt plus d'essence, souffla Daniel, peu réjoui à l'idée de marcher dans le désert. 

— Dans ce cas, persista l'américain, dépêchez-vous de nous trouver une maison ou un tas de pierres qui ressemble à une maison afin que nous achetions des chameaux !

— Pensez-vous que les chameaux courent les rues ? Enfin, les sables ! rétorqua le français.

— Il fallait anticiper, acquiesça Charlie en coupant le psychopathe. Madame Correia, cela fait-il partie de votre plan ? 

Stasensë - L'âme du désert.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant