Des esprits instables

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Dès la première seconde de son réveil, Yi Jing entra dans une fureur noire. Ses paupières s'écartèrent brutalement et il redressa son torse, prêt à en découdre avec n'importe quel danger. Sa respiration était bien plus forte que d'habitude, irrégulièrement tumultueuse, et son organe vital palpitait avec hardiesse. Toute son âme hurlait à la vengeance. Les images de son petit allongé au sol, sanguinolent et les orbes grands ouverts posés sur lui, le hantaient douloureusement. Ces visions lui semblaient pareilles à des cauchemars lointains qu'il était censé oublier, de viles hallucinations dont il n'avait pas à se préoccuper. Pourtant, la souffrance s'abattait sur son âme meurtrie.

Cependant, quand il parvint à se calmer suffisamment pour y voir clair, il se rendit compte que l'environnement avait changé autour de lui. Son visage n'était plus noyé dans le sable, il n'était pas à plat ventre et blessé par une force invisible, et surtout son garçon n'était nulle part ici. D'ailleurs, il mit un temps considérable avant de se poser des questions sur cet endroit qu'il ne connaissait pas, là où il se trouvait actuellement. 

Il ne sentait ni le vent souffler dans ses cheveux hirsutes, ni le sable s'infiltrer dans ses vêtements. En fait, il ne sentait plus la chaleur étouffante de son manteau. Il baissa le regard et s'aperçut qu'effectivement il portait son simple pull gris foncé de randonnée. A côté de lui, il entendit soudainement des sons étranges. Il pivota difficilement – ses muscles s'étaient engourdis et il peinait à se mouvoir – et contempla avec crédulité un feu crépité sur des bouts de bois entassés. Son cerveau ne parvenait pas à conclure des raisonnements logiques, ni à se focaliser sur un détail en particulier, néanmoins il déduisit un fait de la plus haute importance. Une importance capitale pour lui ! Ces braises, une personne avait bien dû les créer. Donc, il n'était pas tout seul. Yi Jing ne sut dire s'il s'agissait d'une bonne ou d'une horrible nouvelle. Soit l'équipe l'avait retrouvé, soit un individu l'avait traîné dans ce lieu lugubre.

Il regarda davantage autour de lui et comprit très vite qu'il se situait dans la salle principale du monastère. Il distinguait la porte sculptée dans des formes géométriques de là où il était assis. Contrairement à ce qu'il pensait de l'extérieur, ce temple ne menaçait pas vraiment de s'écrouler. Il était extrêmement ancien, mais donnait tout de même une impression de robustesse une fois que vous étiez couché sous le plafond. Quelque peu rassuré, Yi Jing décida d'accorder sa confiance aux gens qui l'avaient construit. De toute façon, son corps endolori ne lui permettrait pas de s'alarmer et de s'enfuir. 

A sa posture, ses muscles crièrent. Pour garder le dos droit, il contractait ses abdominaux et ceux-ci n'appréciaient pas du tout. Alors, il rampa péniblement jusqu'au pilier le plus proche. Avant de s'y adosser, il tapota et hocha la tête avec satisfaction lorsqu'il lui sembla solide. Ces pierres étaient présentement bien plus stables que lui. Il tremblait de fatigue et de colère. En parcourant la salle de ses yeux embués de larmes, il ne croisait pas le sourire naïf de son petit frère qui le réconfortait systématiquement. Il soupira tout en essayant de puiser dans son courage afin de se hisser sur ses jambes, mais il s'effondra lourdement.

— Ouch, ne te fais pas mal ! s'exclama subitement une voix enjouée et il fit volte-face avec un empressement douloureux pour ses muscles. Hourra, notre valeureux bonhomme aux insultes incessantes est enfin réveillé ! Je n'y croyais plus, honnêtement. Hé hé, je te dis de ne pas te faire mal ! Assis-toi et respire un peu. Ta hanche a déjà fait crac tantôt, j'espère qu'elle n'est pas cassée. Tente de la bouger... Ouf, elle devrait tenir en place ! Je pense que tu l'as simplement fait craquer en gigotant. Ouah, tu t'en sors bien ! Si tu veux mon avis...

— Vas-tu te taire et arrêter de t'exprimer avec ces fichus onomatopées ou vas-tu continuer de me casser les pieds ? 

La voix rauque de Yi Jing convainquit le nouvel arrivant et il se tut, trépignant avec une moue.

Stasensë - L'âme du désert.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant