Deux croissants de lune

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— Je m'appelle Sukh. Non, en fait, mon nom complet, c'est Bughu Sukh Khatagi, mais il vaut mieux raccourcir à Sukh. J'étais sur le point d'aller me baigner au lac, l'eau ne devrait pas être trop froide, mais quand bien même elle serait gelée, pas le choix, sinon mon odeur se répand et ce n'est vraiment pas agréable ! Vous voudrez sûrement vous laver. Non pas que vous puez... Bon, si, vous ne sentez pas très bon. Mais, c'est surtout la saleté qui vous trahie ! Depuis combien de temps êtes-vous dans le désert ? Entre le parfum de bouc et la poussière, vous ressemblez presque à de véritables habitants de Gobi ! s'esclaffa-t-il, puis il se reprit dans la seconde. Oh, j'y pense, vous souhaiterez peut-être manger avant ! J'avais justement mis un bon morceau de viande à griller sur le feu ! Et de l'eau aussi, enfin je veux dire que vous avez probablement envie de boire à grandes goulées. Il est préférable que non ! Trop boire avec le temps que vous avez passé dans le désert, ce ne serait pas amusant pour votre corps ! Petit conseil : buvez doucement. Du repos également ! Je vous donnerai des draps, vous dormirez très bien près du feu ! Voyez-vous, je n'ai que deux lits. Je vois que vous voyagez avec une dame et un gamin ; il serait juste de leur laisser le second lit. S'ils se tassent et se collent un peu, ils auront la place ! Ils ne sont pas très épais, de toute façon. Par contre, je ne vous prête pas le mien, il ne faut pas exagérer ! ricana-t-il de nouveau. Ma bonté a une limite. D'ailleurs, cette limite se prénomme argent. Je peux devenir votre serviteur dévoué avec un peu de billets ! Je suppose que vous ne possédez pas d'argent mongol. Je le devine à vos têtes. Vous n'avez pas les têtes de personnes du coin ! Mais, ce n'est pas grave. Vous avez l'air très...diversifié, si je puis dire. Parmi vous, il doit bien y avoir quelques dollars ! Ou je me contenterais de billets chinois, mais bon... Pardon, je parle beaucoup ! gloussa-t-il. Pour tout vous dire, rares sont les visiteurs dans le désert. Vous êtes les premiers que je croise ! Sérieusement, qu'est-ce que vous faisiez ici ? Même moi, parfois, je n'apprécie pas de vivre là tant il n'y a rien à voir ! Ne me donnez pas l'excuse de voyageurs en randonnée, je ne vous croirais pas ! rit-il pour la énième fois.

— Attends une minute, souffla discrètement Derek Moore, il a fini de parler ? Enfin ! Il a fermé son caquet ! Quel emmerdeur...

— Cet emmerdeur est en train de nous sauver, marmonna très bas Charlie Wilson.

— Je suis d'accord avec Jaguar, maugréa Magnus Jesper. Le silence, avec ce type, glisse comme mille morceaux d'or à mes oreilles !

Ils pouffèrent en rythme, bien que Charlie désapprouvait les moqueries, très reconnaissant envers cet homme. Il ne le voyait presque pas sous ses tonnes de vêtements. Il était petit, à peine plus grand que Soo Ah, et il était trapu. Ou ses habits grossissaient sa silhouette. Il ne pouvait le dire pour sûr. En tant qu'Agent Spécial, il détenait quelques réflexes. D'abord, il avait ce besoin étrange de détailler la personne, de savoir avec exactitude à quoi elle ressemblait pour être certain de la reconnaître dans toutes les circonstances. Ensuite, il devait tout savoir de l'individu – son passé, son présent et son potentiel avenir, tout ! Or..., cet inconnu l'inquiétait quelque peu, puisqu'il n'avait rien sur lui. Ni son physique, ni de dossier. 

Il jeta un coup d'œil à son revolver, un vieux réflexe, et Derek Moore sentit son regard sur lui. Il soupira lourdement et passa une vive main dans son pantalon, tirant l'arme et la passant derrière le dos de l'Agent Spécial pour ne pas que Sukh le voie. Ce dernier avait tendance à pivoter souvent vers eux, malgré sa position en tête de file. Charlie fronça les sourcils, ne comprenant pas pourquoi le Tueur lui tendait l'arme. Qu'avait-il encore à l'esprit ? Quel jeu allait-il inventer pour torturer tout le monde ? 

— Tu la prends cette arme, oui ou merde ? râla Moore.

— Pourquoi est-ce que...? Pause... Tu me rends le revolver ? s'enquit d'une voix teintée d'effroi Charlie.

Stasensë - L'âme du désert.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant