Stasensë - L'âme du désert.

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— Lorsque tu soutiens la vieille chèvre, tu nous prouves toujours avec ta grande bouche combien ton opinion est importante. Mais dès qu'il s'agit de rassurer tout le monde, penserais-tu à dévisser tes lèvres ! cria Magnus, nasillard et plein de manières. 

— Napoléon est un français, rappela Derek Moore sur un ton mêlant la confidence et l'évidence. Les français sont fainéants. Au lieu de prendre deux minutes à nous expliquer que ses super-pouvoirs de super-héro permettent de bloquer la vue de ces foutues mouches, ou je-ne-sais-quoi, il préfère la fermer et garder son plan pour lui ! L'arrogance fait partie de sa nature de mangeur de grenouilles ! 

— Je suis complètement d'accord ! s'exclama l'As Danois. Fainéant, arrogant et ingrat ! Nous laisser dans la peur et l'ignorance, alors qu'il aurait simplement pu nous prévenir. Eh, les amis, j'ai un pouvoir ultra-génial qui va tous nous sauver. Pas de panique ! mima-t-il, hargneux. C'était si compliqué ?

— Chut, tu me fais mal aux oreilles, souffla Jiahao d'une voix faible. 

— Oui, oui, eh bien, bouche-toi les oreilles et permets-moi d'évacuer ma frustration, s'il te plaît ! persista la diva, et il murmura en danois. J'ai failli me pisser dessus, putain. 

Daniel roula des yeux pour la énième fois. L'As Danois et le Tueur s'étaient alliés contre lui, reprochant de ne pas avoir partagé son plan miraculeux plus tôt. Il ne cherchait pas à se défendre, ce serait peine perdue, il n'avait guère eu l'énergie de se justifier. Néanmoins, lui-même ignorait totalement cette capacité qui se cachait en lui depuis des années. Parfois, sans vraiment savoir pourquoi ou comment, il débloquait de nouvelles aptitudes. La plupart du temps, ce phénomène se produisait dans les moments de stress et de tension ; ses dons réagissaient sous l'angoisse et l'agitation, créant quelque chose d'inédit en lui qui lui sauvait régulièrement la vie. En fait, il avait seulement essayé de repousser les mouches avec un champ de force classique, puis son corps avait pris la relève et avait développé cette faculté ; il sourit discrètement et repensa aux mots de la chamane.

— Le Stasensë ne me permettra pas de le blesser, murmura-t-il dans sa langue natale, s'attirant les regards perplexes des autres.

— Le voilà qu'il parle tout seul ! maugréa Moore.

Le français ne répondit pas. Il passa d'abord près du Tueur qui lui jeta un regard à la hauteur de sa réputation, puis à côté de Charlie qui avait l'air de se ficher pas mal du débat, et Magnus se plaqua contre la paroi rocheuse pour lui libérer le passage, non sans soupirer. Il se dirigea machinalement vers la coréenne ; cette dernière était accroupie sur le jade et elle tenait son mollet. A cet endroit, sa peau était meurtrie, rougeoyante et presque saignante, percée par une vingtaine de minuscules trous douloureux. La sensation de picotement était telle qu'elle rêvait de se gratter, mais un simple effleurement la faisait souffrir. Elle s'abstint de toucher et hésita à bander sa jambe, elle craignait d'avoir trop mal. 

— Je vais vous aider, fit-il en s'agenouillant devant elle. Donnez-moi votre sac. Agent Wilson, pointez une lampe par ici. Me semble-t-il, la teigne et Magnus, êtes blessés. Soignez-vous.

Soo Ah se délesta du sac qui pesait sur ses épaules suantes et tremblotantes, et il en sortit deux tubes d'antiseptiques, des rouleaux de gaze et une bouteille. Pendant qu'il montrait à Yi Jing qui soignait son garçon et à l'As Danois comment bien nettoyer les piqûres brûlantes, son esprit divagua et il en vint à compter la quantité d'eau qui leur restait. Ils ne buvaient pas beaucoup, courant dans tous les sens, ce qui l'inquiéta. D'un autre côté, cela signifiait que leur réserve tiendrait plus longtemps. 

— J'étais effrayée, chuchota soudainement Soo Ah. La prochaine fois, même si j'espère qu'il n'y en aura pas, dites-nous que vous gérez la situation. Dites-nous que tout ira bien, que vous êtes là et que vous nous sauverez. Et si ce n'est pas vrai, mentez-moi. Je choisis l'espoir fou à la peur pétrifiante.