Perdus dans le labyrinthe

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— Je tiens à préciser..., expira grandement Derek, que pour une fois je ne voulais pas tout foirer ! Ce qui, avouez-le, est un phénomène assez rare. D'habitude, je m'amuse volontairement à foutre en l'air tous vos plans, mais là...ce n'était pas voulu... Et vous devez prendre cela en considération avant de me sauter à la gorge !

L'équipe roula des yeux dans un même mouvement, hormis Manuela qui ne bougeait plus depuis que les parchemins étaient partis en fumée.

— Par pitié, dites-moi que ces papiers ne contenaient pas des informations qui auraient pu m'aider à comprendre qui je suis, supplia Daniel en contournant la table afin de regarder la chamane dans les yeux, à côté de Derek qui avait replié ses bras contre son torse pour ne pas refaire une bêtise. Autrement je tue ce con.

Le psychopathe arbora un soudain air outré, une main posée avec excès contre son torse, la bouche ouverte à s'en décrocher la mâchoire et les yeux écarquillés. Le français le défia de répondre quoi que ce soit, oubliant complètement qu'il venait d'insulter un tueur en série. La chamane hésita. D'un côté, ces parchemins ne semblaient mener à aucune piste. D'un autre, elle n'était pas contre enfoncer un peu plus Derek Moore. Ce fut donc sans regret qu'elle releva le menton, munie d'une fausse mais convaincante mine désolée.

— Je suis navrée, Daniel. Peut-être trouverons-nous de nouvelles pistes dans cette fameuse pièce. Et de toute façon, même si nous ne dénichons ni document, ni explication, vous pourrez toujours souhaiter au Stasensë qu'il vous expose votre réelle nature. Ne vous en faites pas, rien n'est perdu.

Evidemment, son ton exagéré ne passa pas dans les oreilles d'un sourd et tous savaient qu'elle enterrait vivant le psychopathe. D'ailleurs, ses mots eurent l'effet escompté. Daniel pivota lentement ses talons et affronta Derek, un doigt accusateur pointé vers lui. 

— Je suis sûr que ça te plaît de détruire tout ce que tu touches ! tonna-t-il d'une voix rauque qui sortait du fond de sa gorge.

— Eh bien..., oui, bien sûr ! Sinon je n'aurais pas choisi la spécialisation en psychopathie ! répondit sans réfléchir Moore.

L'Agent Spécial Wilson soupira lourdement et avec ses réflexes, il bondit au moment où Daniel fit un pas de trop vers le Tueur et que celui-ci renvoya désormais une aura ténébreuse. Il saisit le bras de Moore et le tira sans ménagement derrière lui, jetant un regard entendu au français qui comprit le message et se calma tout de suite. Les autres qui assistaient à la scène sans broncher patientèrent que le silence soit brisé par Derek – s'excuserait-il ? – ou par le français – lâcherait-il l'affaire aussi facilement – ou par la chamane – leur donnerait-elle de nouvelles directives ? –. Magnus en profita pour se curer les ongles noircis par la poussière, Yi Jing força son petit frère à boire et à se nourrir, même si Jiahao était bien trop fatigué pour l'un ou l'autre.

Soo Ah, quant à elle, jaugea de haut en bas le corps tendu du français. Ses mèches blondes, presque châtaines, ruisselaient sur ses joues et il ne prenait plus la peine de les relever. Il se tenait légèrement penché en avant, comme s'il s'apprêtait à basculer, épuisé. Les muscles de son visage se contractaient à vue d'œil. Elle remarqua des détails sur lesquelles elle ne s'était jamais concentrée. Des détails qui ne la déplurent pas, soit dit en passant. 

Sa lèvre inférieure était plus grande que la supérieure et quand il les pinçait l'une contre l'autre, celle du dessus disparaissait. Son teint concurrençait le sien en terme de blancheur. Sauf qu'elle était une coréenne à la peau dorée naturellement et qu'elle blêmissait sous les assauts de la fièvre, alors que lui portait une pâleur extrême chaque jour de sa vie. S'il ne coiffait pas ses cheveux et qu'il n'y glissait pas du gel, ils ondulaient jusqu'à ses lobes d'oreilles et elle ne les pensait pas aussi long. Ah et la raie avait tendance à partir vers la gauche, parce qu'il rabattait les premières mèches de ce côté-là. Il bénéficiait d'un visage très fin et d'un menton un brin pointu, ses joues étaient étonnamment creuses, mais le rendu semblait gracieux sur lui. Les fines lignes de ses sourcils surplombaient un regard de braise, fait de cils discrets et d'iris ambrés. 

Stasensë - L'âme du désert.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant