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Tout se passait bien. Elle était là, en face de moi, à parler de ce qu'elle avait fait ces dernières années. Un large sourire étirait ses lèvres rosées, la pièce était plongée dans une ambiance chaude, et une tasse de café se posa sur la petite table entre nous. L'atmosphère n'était pas lourde, au contraire, j'étais plutôt content de la revoir. Levant la tête pour remercier la personne qui venait de nous servir, j'eus un haut le cœur. Je n'arrivais pas à le reconnaître.

Sa peau tombait, était fripée comme si elle avait été trop longtemps sous l'eau, et son ventre était transpercé par une sorte de barre en fer. Je voulus sortir de mon fauteuil mais il m'était impossible de bouger outre mes yeux. J'étais paralysé de la tête aux pieds, mon cœur tambourinait dans mon crâne, et une envie de rire me prit. Seulement, je reposai mon regard terrifié sur la jeune femme qui se trouvait devant moi avant de sentir mon estomac remonter jusqu'à ma gorge. A son tour, son physique était devenu celui d'une momie ; cheveux coupés n'importe comment, hémoglobine et hématomes partout sur le visage et sur le corps, plusieurs trous dans l'abdomen. Les deux me sourirent de leurs dents rouges, en se mettant à rire à gorge déployée.

Brutalement, je hurlai et me retrouvai dans mon lit, le souffle court, la peau suintante accompagné d'une chaleur atroce. Ayant du mal à respirer, je mis une main sur mon cœur qui battait horriblement vite, et l'autre sur ma tempe dû à un soudain mal de crâne. Mon estomac se tordait dans tous les sens, et comprenant que mon dîner n'était pas très loin, je me levai du lit en manquant de tomber. Je ne savais pas par quel moyen j'étais parvenu à me rendre dans la salle de bain de l'étage, c'était comme si j'avais avancé grâce à un mur sur des kilomètres entiers. J'étais frigorifié. Mon corps était pris de multiples frissons qui ne firent qu'empirer lorsque je rejetai mon dîner dans les toilettes. Mon dos me brûlait, mes muscles ne voulaient plus me répondre, et je manquai de m'effondrer au sol. Les deux genoux à terre, affalé sur la cuvette, la tête couchée sur un bras, mon regard se perdit devant moi, sur les quelques produits de beauté que je ne voyais pas. La douleur et la fatigue me faisaient perdre mes facultés.

Quelques spasmes me prenaient, accompagnés de larmes silencieuses. Je voulais retrouver ma vie d'avant, où tout allait bien, où je pouvais compter sur des personnes qui ont aujourd'hui disparues de ma vie. Je voulais les retrouver, leur expliquer tout ce qui n'allait pas, tout ce que j'avais sur la conscience, extérioriser cette colère et cette haine constante qui coulaient dans mes veines, pleurer jusqu'à m'en déchirer les cordes vocales.

Il me manquait.

Chaque nuit je pleurais sa disparition. Chaque nuit je me demandais comment nous avions pu en arriver jusqu'ici. Est-ce que tout allait bien de son côté ? Est-ce qu'il était devenu aussi malheureux que moi, ou avait-il rencontré une nouvelle personne ? Chaque jour, chaque instant, son visage, son odeur, ses rires, ses pleurs, tous les souvenirs ne devenaient plus que des images floues qui disparaissaient par la suite. Je ne me souvenais plus de nos jours heureux. Je ne me souvenais plus de quelle couleur était ses yeux, ses cheveux, ce vide incontestable me tuait petit à petit. Etais-je au moins sûr que j'étais encore vivant ? Je ne voulais pas le savoir.

— ...kook... ?

D'un sursaut, je repris contrôle de mes mouvements et tournai la tête vers l'entrée de la salle de bain.

— T...

Je m'interrompis. Zhu était là, en chemisette, à moitié endormie, en train de me fixer d'un air inquiet. Subitement, ses yeux devinrent aussi ronds que ceux d'un poisson lorsqu'elle regarda le bas de mon corps et se précipita en vitesse vers moi. Mais à peine eut-elle posé un doigt sur moi que je repoussai violemment son contact.

❝𝐓𝐎:𝐊𝐘:𝐎𝐎❞ ᵗᵏOù les histoires vivent. Découvrez maintenant