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Quinze heures vingt.

Planté à l'entrée de mon appartement, les deux mains aux hanches, je regardai d'un air assez fier le travail que je venais de fournir durant plus de deux heures. Ce matin, j'étais allé dans un magasin de meubles afin de donner vie au vide, et je n'avais pas mangé comme je voulais monter mes achats directement, tant que la motivation était encore présente. J'avais acheté des draps noirs, un bureau assez large placé sous la grande fenêtre, une commode et une étagère. Je n'avais pas pris de table à manger, seulement une chaise que j'avais mise sous le petit bar de la cuisine. Mes cartons n'étaient encore déballés, et franchement, j'avais plus envie de manger que de passer de nouveau des heures à ranger mes biens. Et puis comme je n'avais pas encore fait les courses, j'allais devoir aller en ville afin de trouver quelque chose à me mettre sous la dent.

C'est donc avec cet objectif que j'éteignis la musique de mon ordinateur, le mis en veille et me rhabillai de mon long manteau noir. Je soupirai, je n'aimais pas vraiment le déménagement, et je n'aimais pas non plus me gaver de sandwich. J'aurais pu aller m'en chercher un dans une supérette non loin, mais celui d'hier soir m'avait suffi pour un mois. C'est pour cela que je fermai mon logement, et partis à la conquête d'un restaurant. Etant à la capitale, je ne me faisais aucuns soucis sur le fait que même à cette heure, ils étaient encore ouverts.

Mon visage rencontra la fraîcheur de l'automne, me procurant un frisson inconfortable qui disparut rapidement lorsque je tirai une première fois sur ma cigarette. Et, pendant ma marche en direction du centre-ville, des nuages blancs s'évaporaient de ma bouche en se mêlant au léger zéphyr. Puis disparaissaient comme s'ils n'avaient jamais existé.

Tout en consumant ma barre de poison, je laissai balader mes yeux autour de moi. Sur les passants, les voitures s'engageant sur la route, les magasins, tout ce qui pouvait attirer mon regard. Le haut des immeubles disparaissait dans le brouillard qui n'était pas parti depuis la veille, et le ciel était d'un blanc à en faire mal à la vue. Le soleil ne formait qu'une tâche claire et floue, il ne réchauffait pas grand-chose. Mon mégot dans un cendrier public, je cachai mes doigts au chaud afin de mieux me concentrer sur ce que je voyais au loin.

Je souris, une enseigne de café-restaurant, Coquelicot, me tendait la main parmi tous ces magasins de beauté ou de vêtement. Je m'y précipitai alors à grands pas, mon ventre criant famine, puis entrai.

Immédiatement, du piano atteignit mon ouïe et je m'arrêtai un peu après l'entrée afin de ne pas gêner la circulation, ainsi que pour attendre que quelqu'un me propose une table. Je n'aimais pas m'imposer.

Le cadre était vraiment sympathique, les murs en rouge et noir, les tables de marbre sombre où étaient installés quelques clients, un grand bar sur la gauche éclairé de néons rouges, tout se mariait pour créer une ambiance reposante. Mais ce qui m'avait le plus plu, c'était qu'au fond sur la droite, en face du bar, placé sur une légère estrade, un homme faisait chanter un énorme piano. Je ne voyais pas son visage à cause du gros instrument, mais il ne faisait aucun doute que son talent ne datait pas d'hier.

Une jeune femme dans un costume élégant vint à moi, et m'attribua une table non loin du piano. C'était la première fois que je voyais un café aussi richement décoré, il devait sûrement avoir pas mal de clientèle pour se payer un piano d'une si grande dimension, ou même de la moquette noire au sol. De là où j'étais, je ne voyais qu'une touffe de cheveux argentés bouger au fil des notes.

La serveuse revint afin de prendre ma commande, et comme si la chance m'avait souri, ce café faisait encore restauration à cette heure. Je pris alors une salade César en plus d'une limonade, qui allait faire mon déjeuner jusqu'à ce soir. Le reste du menu ne me parlait pas vraiment. Elle me monta ses dents en un grand sourire, prit la carte, et partie transmettre ma commande au chef.

❝𝐓𝐎:𝐊𝐘:𝐎𝐎❞ ᵗᵏOù les histoires vivent. Découvrez maintenant