twenty o'clock

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— Je vous souhaite une bonne fin de journée.

Puis le médecin disparut dans un couloir adjacent. Quelques personnes dans la salle d'attente me regardaient d'un air intrigué. Mes jambes étaient aussi lourdes qu'une porte de prison, le poids de la maladie rattaché aux chevilles.

Midi trente-trois.

Je venais de passer tout le matin à faire des examens pour mes poumons. Les résultats n'étaient pas encore tous sorti, mais les médecins confirmaient qu'il n'allait pas devoir tarder d'opérer afin de retirer une partie de mon poumon gauche, la plus touchée. Etrangement, je ne savais pas ce qui m'effrayait le plus, le cancer ou perdre une partie essentielle à mon corps. Déglutinant, je réussis à poser un pied devant l'autre en tentant de ne pas trop penser à ce qu'il allait se passer dans peu de temps. La décision n'était pas encore certaine mais très probable, et une réponse définitive allait m'être donnée avant la fin de semaine ainsi qu'une date pour une opération en urgence. Selon eux, mon cas était encore récupérable sans séquelle malgré le fait que je crachais du sang depuis des mois. Ce qui était tout bonnement exceptionnel selon eux.

Marchant d'un pas lent dans les couloirs quasiment vides, je sortis mon téléphone de ma veste et appelai ma mère. Elle m'avait assez rabâché qu'il fallait à tout prix que je lui explique dans les moindres détails tout ce que les docteurs m'avaient dit. Elle était même prête à prendre un train ce matin pour Séoul, ce qui fut une vraie bataille pour lui faire changer d'avis. A peine une sonnerie et sa voix retentit à l'autre bout du fil, demandant expressément les nouvelles.

En me rendant à l'aveuglette vers la sortie de l'hôpital, je racontais tout à ma mère. Ou du moins, ce dont j'arrivais à me souvenir. Au fond, je m'en voulais énormément de l'inquiéter autant avec mes problèmes. Mais si je lui disais le fond de ma pensée, je savais très bien qu'elle allait être sa réponse. C'est un risque que l'on prend en devenant parent. Aussi simple que ça, sans rien à la suite.

Jimin était parti en même temps que moi en début de matinée. Haneul n'avait plus que quelques heures de vol avant d'arriver en Corée du Sud et il devait prendre un train pour se rendre à l'aéroport de Incheon. Je pense que j'aurais apprécié d'aller la revoir après tout ce temps, mais les rendez-vous médicaux étaient tellement longs à avoir en ce moment qu'il ne fallait pas que je les manque.

Durant la nuit, je n'avais pas du tout dormi. N'étant pas professionnel dans le domaine de la psychologie, Jimin m'avait tout de même expliqué d'où provenait le personnage d'Elisio que mon esprit avait inventé pour me protéger. Cela me semblait tellement irréaliste que cela me faisait douter si tout s'était vraiment passé comme il le décrivait. Comme si des deux dernières années s'étaient effacées en même temps que lui. Selon Jimin ce n'était que des suppositions, bien qu'il fût été le premier témoin pendant longtemps à subir ce quiproquo. Suite au jour où je les aurais rejetés durant une crise, c'est comme si mon cerveau s'était éteint, qu'il s'était dissocié afin de me protéger. Le traumatisme avait été si important à cause de la rupture avec Taehyung, l'accident, et la perte de mes amis que ce « second moi protecteur » a inventé le personnage d'Elisio afin d'en subir le moins possible.

Une personne gentille, attentionnée, donnante de conseils, aux yeux verts, qui aime chanter. Un mélange de toutes les personnes disparues subitement du jour au lendemain. Papa, Jihyung, Taehyung, Jimin, Minkyung, une personne avec qui forcément j'allais m'entendre. Seulement, je me souvenais parfaitement des moments avec Zhu, cette fameuse nuit où je suis parti chez Jimin avec du sang sur les mains. Encore. Selon ce dernier, cette dissociation faisait surface quand mon corps sentait le danger arriver, ce qui n'était plus arrivé depuis que je m'étais réconcilier avec mes amis. Ou en tout cas, que je n'avais pas eu de pensées sombres, terrifiantes. Le fait d'avoir retrouver ce qui me manquait avait provoqué la disparition du pansement pour ne laisser qu'une légère cicatrice.

❝𝐓𝐎:𝐊𝐘:𝐎𝐎❞ ᵗᵏOù les histoires vivent. Découvrez maintenant