Chapitre 1

3.2K 161 6
                                    

Le soleil, paresseux, essore doucement ses rayons à travers l'aube automnale, et retire lentement la brume qui avait enveloppé sa petite ville natale pour la nuit.

Quatre ans que Charline n'y avait pas remis les pieds, mais c'est comme si elle était partie la veille. Rien n'a changé ou presque.

Six heures du matin, en pyjama pilou-pilou écossais, Ugg aux pieds et veste polaire sur le dos, ses cheveux mi-longs blond-foncé attachés en queue de cheval, Charline entre dans la salle d'attente du service des urgences Traumato. Elle a fait trois heures de route pour rejoindre sa mère et n'a pas le moindre souvenir du trajet.

D'ailleurs, à peine vingt minutes après avoir raccroché, elle était incapable de se rappeler de ce qu'elle avait dit, fait ou pris depuis cet appel... la peur panique lui avait littéralement éteint le cerveau. C'était comme si son corps avait été mis sur « pilote automatique » et qu'il l'avait ramenée à la maison.

— M'man ! l'interloque-t-elle.

— Charline, soupire Jeanne en se levant.

L'inquiétude et la fatigue qui marquent le visage de sa mère, quinquagénaire, la rendent plus vieille que dans son souvenir. Jeanne enlace sa fille et la serre fort. Charline lui rend son étreinte avec le sentiment d'être aussi défaite qu'elle.

— T'as des nouvelles ? Qu'est-ce qui s'est passé ? demande Charline, alors que sa mère s'accroche à elle plus fort.

— Un accident... Il a eu un accident ! souffle-t-elle en retenant les trémolos dans sa voix. Il est toujours au bloc, ajoute-t-elle en s'écartant pour la dévisager et accrocher ses yeux vert clair et cernés. Il faut attendre. On ne peut qu'attendre ! insiste-t-elle en lui caressant la joue.

Les heures ont passé, la journée s'est éternisée et l'attente a été un véritable supplice. Pour s'occuper l'esprit, Jeanne lui a donné des nouvelles de pas mal de monde et surtout d'Emilie, la compagne d'Yvan et d'Emma, leur fille de bientôt trois ans.

Quatre ans sans revenir au bercail, prétextant être trop occupée pour venir aux anniversaires ou à Noël, alors Charline se sent comme une étrangère, même si elle leur parlait de temps en temps par WhatsApp. Elle réalise à quel point les choses sont différentes entre elle et ses proches.

Emilie et des amis d'Yvan sont venus attendre avec elles, mais Jeanne les a renvoyés au bout de deux heures, affirmant qu'elle les préviendrait dès qu'elle aurait des nouvelles. Elle a même tenté, à plusieurs reprises, de faire rentrer Charline à la maison, mais elle a refusé de partir. Pas cette fois. 

Quelque part au milieu de cette attente infernale, Charline a reçu l'appel de Françoise, sa supérieure, qui s'inquiétait de ne pas la voir au travail. Après les mots « urgence familiale » et les frémissements dans sa voix, Charline a demandé à prendre quelques jours de congé.

Quand enfin, les chirurgiens sont venus informer la famille, sa mère qui a presque trente ans de carrière en tant qu'infirmière dans une clinique privée, a longuement parlé avec les médecins.

Tout ce qu'il reste à Charline de leur échange, c'est : « état grave. Pronostic vital engagé. » En clair, Yvan est entre la vie et la mort et les prochaines heures seront décisives.



Vingt-trois heures, sa mère a refusé de rentrer à la maison : elle veut dormir dans la chambre d'Yvan. Résignée et fatiguée, Charline quitte l'hôpital, seule.

Il n'y a pas de circulation ce soir, heureusement, parce que Charline est tellement épuisée qu'elle a du mal à garder les yeux ouverts et la vigilance n'y est pas.

À l'approche du rond-point, « Mutter » de Rammstein pulse dans l'habitacle. Charline rétrograde et s'apprête à s'engager, mais sa Coccinelle cale. Elle peste et donne un coup de clé pour démarrer, mais rien. Elle recommence. Rien.

La jeune femme persiste et signe en suppliant, non, en implorant sa voiture, mais elle reste insensible à ses suppliques et refuse de redémarrer, bien plantée à l'entrée du rond-point.

Charline contient son envie de pleurer et se force à réfléchir... Warning enclenché, elle appelle l'assistance dépannage de son assurance et, au bout de cinq minutes d'attente, elle obtient un interlocuteur.

Restant un danger pour elle-même et pour les autres, Charline décide de mettre le point-mort et tente de pousser sa Cox pour ne pas gêner. Heureusement, la voiture n'est pas trop lourde et elle réussit à décaler suffisamment le véhicule pour ne plus bloquer la circulation.

La galère n'est pas terminée, car il lui faut attendre l'arrivée du dépanneur. 




****

pour l'anecdote : l'arrêt brutal du véhicule à l'entrée d'un rond-point, c'est du vécu, ça m'est arrivée mais je n'ai pas eu le séduisant dépanneur 😂😂😉😉

Une Cage et des liens 🔞 ( terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant