Chapitre 32

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Samedi 2 janvier, 16 h 56, la météo est clémente. H roule sur autoroute et prend son temps pour rentrer en ville, même s'il doit passer prendre Charline pour aller au stand de tirs.

Il a passé ses deux semaines de congés à la traîner dans plusieurs activités pour lui changer les idées, car d'une certaine manière, il se sent coupable de son agression. Ce qui lui est arrivé est un dommage collatéral inhérent aux activités du Circuit et n'aurait jamais dû se produire.

D'ailleurs, Vince est toujours furax contre Patrick pour avoir dissimulé des informations, mais en plus de ça, le piratage de la ligne d'Yvan, pour remonter jusqu'au fumier qui lui a envoyé la photo, n'a rien donné.

La ligne du téléphone prépayé a été activée le jour-même de l'agression et durant quelques minutes seulement. Probablement le temps de prendre Charline en photo et de l'envoyer. Vince, persévérant, a piraté l'opérateur qui tient une base de données sur les lieux de vente des téléphones.

Ce qui a pu déterminer que l'achat avait eu lieu dans une boutique dans la ville de Charline. Il était assez évident de penser que l'achat avait été fait en espèce, mais, par acquis de conscience, Vince a vérifié les transactions des CB du magasin en question. Résultat, aucun nom n'est ressorti de près ou de loin en rapport au Circuit ou à Gab.

Vince a aussi fouillé dans le passé numérique et virtuel de Gab, au cas où cet enfoiré aurait menti à Patrick, mais là encore, rien de concordant : ce bâtard était mêlé à plusieurs bizness bien lucratifs, mais rien à voir avec l'agression de Charline... Le mystère reste donc entier !

Le point positif avec toutes les distractions organisées (karting, bowling, escalade en salle, billard, concerts, paintball et stand de tirs), c'est que Charline est moins remontée contre sa mère.

D'ailleurs, prévenu six jours plus tôt, il a été surpris d'apprendre que Charline offrait indirectement un début d'acceptation sur la relation que sa mère entretient avec Vince, car elle prévoyait d'appeler Jeanne pour lui dire qu'elle changeait leur plan pour nouvel an et donc qu'elle pouvait passer plus de temps avec son « mec ».

Jeanne et Vince sont donc rentrés le trente-et-un comme convenu et cet enfoiré a eu le temps de concocter une soirée de réveillon en tête à tête avec sa femme... Même avec un flingue sur la tempe, cet enfoiré de Vince nierait qu'il a été romantique au possible, mais H n'en doute pas une minute. Il est même persuadé que Jo serait fier et heureux pour son frère, tout comme il l'est lui-même pour son pote.

Bref, Charline a passé le réveillon avec Yvan à l'hosto. Émilie et Emma sont allées à une fête de famille. Patrick et Laurence ont assisté à une soirée chez des amis et collègues de boulot de Patrick.

Quant à Landry et H, ils ont participé à la rave party d'Alban, organisée dans une vieille grange isolée à quelques kilomètres de la ville... Soirée qui a capoté à quatre heures du mat, puisque la surveillance de la radio/CB annonçait une intervention des flics... H et Landry ont pris la tangente avant leur arrivée, mais la plupart des participants, saouls et défoncés sont restés, tout comme Alban qui voulait assumer, mais il a changé d'avis au dernier moment.

Quinze minutes plus tard, le Range Rover se gare devant la maison de Jeanne. H envoie un SMS à Charline qui le rejoint rapidement. Elle grimpe dans l'habitacle, elle le salue en le gratifiant d'un sourire.

Pendant que H démarre, elle branche sa clé USB et change la musique sans lui demander son avis.

— Ben, ça va, fais comme chez toi ! marmonne-t-il en suivant la circulation.

— En ce moment, j'écoute LP en boucle, se justifie-t-elle en montant un peu le volume.

Les premières notes de « Muddy waters » pulsent dans les enceintes.

— J'm'attendais à pire, se rassure-t-il.

— Tant mieux, sourit-elle. De toute façon, vois ça comme mon dédommagement puisque tu me prends pour ton faire-valoir !

— Faire-valoir, répète-t-il en affichant un sourire en coin. J'y suis pour rien si t'es pas coordonnée. Mais on va bien finir par trouver une activité où tu s'ras meilleure que moi ! se moque-t-il.

— Pas coordonnée ! reprend-elle dépitée. Tu me fais faire des trucs de mecs, mais emmène-moi à un cours de Zumba et je te ridiculise ! affirme-t-elle en le pointant du doigt.

— Dommage que je reprenne le taf lundi, se désole-t-il faussement. Mais si tu veux bouger ce joli corps, on peut aller à la patinoire demain, lui suggère-t-il.

— Si c'est pour un match de Hockey, c'est non ! clame-t-elle le front plissé de consternation.

— OK, donc demain, patinoire ! approuve-t-il.

Cela fait une heure qu'ils sont au stand de tirs. Le son des détonations est assourdissant et résonne, mais Charline, casque sur les oreilles et lunettes de sécurité sur le nez, n'a plus peur d'être là et enclenche son nouveau chargeur puis prend position.

H est derrière elle et intervient pour corriger sa posture, puis il s'écarte et lui tapote l'épaule pour lui dire que c'est bon. Elle vise et presse la détente. Pan. Pan. Pan. Pan. Pan. Pan. Pan. Pan.

Entre chaque tir, elle prend le temps d'ajuster sa ligne de mire, en visualisant la silhouette de l'homme tout de noir vêtu à la place de la cible.

Même si, au début, elle n'arrivait pas à toucher le carton, à force de pratique, son tir est devenu plus sûr et elle se rapproche lentement mais sûrement du centre du carton.

En tout cas, Charline n'avouera pas à H qu'elle éprouve un véritable soulagement psychologique de pouvoir vider ses chargeurs, sur ce qui la terrifie chaque nuit et qui l'oblige à dormir avec une petite lumière comme une enfant. Grâce à ça, le chemin vers la guérison lui paraît plus tangible et l'issue favorable.

Charline pose son arme et se retourne vers H qui lui sourit et semble fier d'elle. Elle fait venir le carton jusqu'à eux pour mieux l'étudier.

— C'est bien, tous tes tirs ont touché le carton, la félicite-t-il. T'es encore loin du centre, mais c'est vraiment bien !

— Tu ne veux toujours pas me croire, quand je te dis que j'essayais d'aider les autres tireurs en visant leurs cartons, lance-t-elle d'un haussement d'épaules.

— Heu, nan ! ricane-t-il. Bon, encore une cible ? lui demande-t-il.

— Non, c'est ton tour, mais on a dépassé l'heure, s'inquiète-t-elle. Je vais aller payer pour prolonger, affirme-t-elle avant de tourner les talons.

— Pas la peine, lui lance-t-il en la retenant par le bras. Erwan me laisse venir gratos !

— Sans déconner ? s'étonne-t-elle en se plaquant les poings sur les hanches. Moi qui croyais que tu te ruinais pour me distraire, c'est le choc ! ironise-t-elle.

— J'lui ai vendu à bas prix ma première rat's bike, sourit H. En échange de quoi, je viens ici quand j'veux !

— Parce que ça se vend en plus, s'indigne-t-elle.

— Normalement non, affirme-t-il moqueur. Le but du rat's bike c'est de créer ta moto à partir du cadre et d'y monter des pièces détachées, provenant d'autres bécanes, voire d'autres véhicules, explique-t-il. À la base, les premières rat's bike ont vu le jour parce que les Harley étaient trop chères et inaccessibles pour les motards moyens. Les mecs ont su user d'imagination et de talent pour se créer et personnaliser leurs bécanes.

— Je suis d'ailleurs surprise que ta voiture ne soit pas rat's car, réplique-t-elle en lui tendant un chargeur.

— C'était tentant, sourit H en préparant son arme. Mais avec une rat's car, tu te fais contrôler sans arrêt par les keufs, et c'est franchement chiant !

— Tu m'étonnes ! 

Une Cage et des liens 🔞 ( terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant