Chapitre 46

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Jeanne dévisage sa fille, surprise par la question :

— Oui, souffle-t-elle. Avec Roland, on vivait dans l'effervescence de notre jeunesse. Je venais de commencer l'école d'infirmière quand je suis tombée enceinte, alors on s'est mariés. Puis, il a trouvé un bon boulot et on a acheté la maison. On s'est installés confortablement dans notre vie de famille et nous étions très heureux tous les trois...

Jeanne sourit en replongeant dans ses souvenirs :

— Tu as été une surprise, lui avoue-t-elle. J'ai appris ma grossesse au début du sixième mois, quand j'ai failli te perdre. Roland a été comme toujours présent et rassurant, et il a veillé sur nous deux, explique-t-elle en lui prenant la main. Pour éviter toute complication, j'ai dû rester alitée jusqu'à l'accouchement, alors ton père me choyait et s'occupait d'Yvan. En fait, il était sur tous les fronts, soucieux, mais ravi que tu viennes au monde.

Jeanne inspire profondément et retient ses larmes :

— Un lien indéfectible s'est créé entre vous deux dès le jour de ta naissance, reprend Jeanne. Tu étais à peine née que tu étais déjà la petite fille à son papa... Nous avons eu une vie agréable, même si j'avais parfois l'impression que je n'existais que pour te nourrir. Roland avait droit à tes sourires, à tes câlins, c'était lui qui avait le bisou du soir... Lui que tu réclamais quand tu faisais des cauchemars, ou quand tu étais malade.

Jeanne soupire et s'adosse au mur, perdue dans sa mémoire :

— Quand il est mort, ma vie... notre vie s'est effondrée. J'ai cru faire de mon mieux pour vous élever, Yvan et toi, mais j'ai laissé ton frère prendre le relais de Roland... Je suis désolée, je crois que toi et moi n'avons jamais vraiment réussi à nous comprendre, et je n'ai pas su voir à quel point tu souffrais à la mort de Rachelle, par ma faute...

— Tu n'aurais rien pu faire de plus, la coupe Charline. Je ne te reproche rien et tu as toujours été là pour moi et Yvan, nous n'avons manqué de rien... Ton métier est très prenant et tu nous as élevés seule. Tu as fait du mieux que tu as pu, c'est tout !

Jeanne soutient le regard de Charline et lui serre la main un peu plus fort :

— J'ai toujours aimé mon rôle de mère et d'épouse, insiste Jeanne.

— Tu penses qu'on peut avoir plusieurs véritables amours ? demande Charline en baissant le regard.

— Avant de rencontrer Vince, je t'aurais dit non, soupire Jeanne. J'ai tellement aimé ton père, que les quelques relations que j'ai pu avoir après son décès me paraissaient fades, et j'étais convaincue que j'allais vivre seule le reste de ma vie. Et puis, Vince est entré dans ma vie, sourit-elle. Je me suis sentie revivre et m'épanouir grâce à lui. J'ai gâché toutes ces années à lui taire mes sentiments, parce que notre différence d'âge m'effrayait, mais cette nuit... j'ai cru le perdre et cette douleur a été insoutenable.

Charline qui a conscience de souffrir d'un gros handicap sentimental, a du mal à gérer le moment : alors, gênée, elle garde le silence et détourne le regard.

— Pour être honnête, soupire Jeanne. À ma manière, je faisais comme toi. Je cherchais à me protéger de mes émotions, parce que j'étais convaincue qu'un jour Vince me quitterait pour une jeune et jolie femme capable de lui donner des enfants, alors que moi... souffle-t-elle.

— Tu aurais voulu avoir un bébé avec lui ? s'étonne Charline.

— Oui, avoue Jeanne. Je refuse de le priver du bonheur de lier sa vie à son enfant, explique-t-elle. Seulement, vu mon âge, c'est impossible... Alors crois-moi, Charline, ne te protège pas derrière cette carapace et laisse les gens entrer, tu mérites d'aimer et d'être aimée, toi aussi !

Une Cage et des liens 🔞 ( terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant