À Copenhague, la lumière du soleil de mi-août passe à travers le film brise-vue collé aux vitres et illumine la petite salle de consultation, aux murs couleur crème.
Jeanne, installée sur le bord de la table d'examen, perd son regard sur le grand cadre qui habille le mur en face d'elle, représentant un pont de cordage suspendu au-dessus d'une forêt dense et brumeuse, et qui invite à faire la traversée...
À côté d'elle, Vince, assis sur une chaise, arrête de trépigner d'une jambe pour appuyer les coudes sur ses genoux, et crispe ses mains jointes pour y coller la bouche :
— Va fumer, l'encourage-t-elle aussi stressée que lui.
— Non, ça peut attendre, j'veux rien manquer, souffle-t-il.
— Vas-y, l'intime-t-elle. De toute façon, le médecin ne sera pas là avant dix minutes au moins et je ne veux pas faire ça toute seule, on t'attendra ! sourit-elle avant de vérifier son pansement, posé après la prise de sang faite par une infirmière quelques minutes plus tôt.
— T'es sûre ? se soucie-t-il en ressentant l'envie de fumer.
— Vas-y ! affirme-t-elle.
Il se lève et se penche sur elle pour l'embrasser :
— Je reviens vite ! la rassure-t-il.
— Je t'aime, rayonne-t-elle.
— Je t'aime, ajoute-t-il avant de l'embrasser une deuxième fois.
Quand il sort, Jeanne regarde son alliance. Ils se sont mariés en petit comité le week-end précédent. La clarté de la salle est aussi pure que celle qui habite son esprit. Son imagination vagabonde et fait courir ses souvenirs heureux de cette union. Son seul regret est tourné vers l'éternelle absente de leurs vies, Charline.
Jeanne repense à cette horrible nuit de l'accident, où la peur a failli la dominer à plusieurs reprises, mais quand sa fille a fait un arrêt cardiaque, plus de peur, plus d'angoisse... la lucidité et la concentration du moment ont gravé ces longues minutes dans sa mémoire.
Jeanne ne se rappelle plus précisément de ce qu'il s'est passé avant, ni même après ça, si ce n'est avoir demandé à Vince de la laisser attendre seule, quand Charline est entrée au bloc opératoire, parce qu'elle savait qu'il avait encore pire à gérer.
D'ailleurs, elle n'a ressenti aucune haine envers Alban et n'en éprouve toujours pas. Ce qui lui reste de tout ça, c'est de la tristesse face à cet horrible gâchis.
Lui qui était un ami, a causé beaucoup de tort aux gens qui l'aimaient comme un frère. Malheureusement, Charline en a aussi fait les frais.
Jeanne soupire de tristesse, car son souvenir le plus marquant après le cruel moment de la réanimation sur sa fille, fut son réveil, quand Charline lui avait demandé de partir et de ne pas revenir sans être prête à lui dire toute la vérité.
L'expression perdue sur ses traits fatigués rend sa fille encore plus fragile qu'elle ne l'est déjà. Toutefois, son regard change au fur et à mesure qu'elle se remémore cette tragique soirée.
— Je t'ai vue, souffle-t-elle. Et Vince, H et Jess... vous êtes tous mêlés à mon agression, qu'est-ce que je vous ai fait... pourquoi vous l'avez laissé me faire ça ? demande-t-elle, abattue par la réalité.
— Ce n'est pas ce que tu crois, se désole Jeanne, consciente qu'elle-même ne comprend pas tout.
— Alors dis-moi ! l'implore Charline alors que contusions et courbatures se réveillent au point qu'elle commence à se demander si elle n'a pas été enfermée dans une machine à laver en cycle essorage ultra rapide. Je veux savoir, maman, dis-moi pourquoi il s'est acharné sur moi ? l'interroge-t-elle, écœurée par ce sentiment de trahison.
— C'est compliqué, tente de se dérober Jeanne.
Charline soutient le regard de sa mère et l'une comme l'autre se sent pâlir.
— Va-t'en, coasse Charline déçue. Si tu ne peux ou ne veux pas m'expliquer, je ne veux plus te voir. Ni toi, ni aucun d'entre vous ! affirme Charline au bord des larmes.
— Charline...
— Dehors, maman ! insiste Charline en pleurant.
La porte s'ouvre sur Vince, ce qui sort Jeanne de ses pensées.
— Ça va ? lui demande-t-il en la dévisageant.
— Oui, souffle Jeanne. Je repensais juste à Charline et à ce qu'elle a fait pour nous ! ajoute-t-elle en se frottant le bas-ventre machinalement.
Vince lui sourit et reprend sa place, il se penche pour lui poser une main sur le ventre et lui tenir la main de l'autre :
— J'te l'ai dit, j'ai piraté son portable, on peut la suivre et savoir tout ce qu'elle fait, lui sourit-il.
— J'aimerais surtout savoir quand elle sera prête à rentrer, soupire Jeanne.
— Ça peut prendre du temps, hésite-t-il. Mais, tu l'appelleras ce soir pour lui donner les résultats de l'échographie et des analyses, lui suggère-t-il avant de lui embrasser la main.
— J'espère vraiment que ça a fonctionné, avoue-t-elle.
— J'en suis certain, sourit-il les yeux brillant d'amour pour sa femme.
Le médecin frappe et franchit le seuil souriant. Ils échangent quelques banalités en anglais, mais le spécialiste entre vite dans le vif du sujet, pour ne pas faire durer le suspense plus longtemps.
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Une Cage et des liens 🔞 ( terminé)
RomanceSpin off de Boomerang Vince, H et Patrick sont Les Fondateurs de la Cage : Ils organisent des combats MMA clandestins. Ils mènent chacun une double vie, mais sont liés par une amitié de longue date. Amitié, amour, danger et combats sont inextric...