Chapitre 5

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Une petite brise froide surgit quand H ouvre la porte. Dehors, le quartier de lune flamboie dans un ciel dégagé.

Sur le perron, Jeanne, les traits tirés par la fatigue, se protège du froid en gardant son gilet bien fermé :

— H ? s'étonne-t-elle. Où est Charline ?

— Elle arrive, répond-il en pointant le garage du pouce. Vince est passé avant moi et il n'était pas dans un bon jour, ajoute-t-il en sortant l'enveloppe de la poche de son blouson.

— Oh, soupire-t-elle en prenant l'argent. J'espérais éviter les présentations entre Charline et lui, ajoute-t-elle en se lissant les cheveux. Tu veux entrer ? demande-t-elle en jetant un regard vers le garage, attendant de voir surgir sa fille.

Dans le garage, le moteur de l'Impala rugit, puis ronronne. Charline ouvre les portes et sort le véhicule.

H et Jeanne la regardent reculer puis s'engager dans la rue. Elle s'éloigne et les phares rouges disparaissent à l'intersection.

— Où elle va ? s'inquiète Jeanne.

— Aucune idée, soupire H. Mais faut qu'on parle ! ajoute-t-il l'air grave.

Jeanne opine du chef et rentre chez elle, l'invitant à la suivre.

Dans la cuisine, Jeanne va s'asseoir alors que H s'appuie au plan de travail. Il l'étudie et prend conscience que Charline a les mêmes yeux que sa mère, mais plus clairs.

— Yvan est dans le coma, s'il en sort, il risque d'être paralysé, avoue-t-elle.

— Je sais, Émilie m'a donné des nouvelles, se désole-t-il.

— Alors, vous avez pu avoir des informations sur ce qui lui est arrivé ? demande Jeanne.

— D'après Martial, les flics vont classer ça en accident, répond H.

— Mais ce n'est pas le cas ! soupire-t-elle en soutenant le regard bleu de H.

— J'ai remorqué moi-même la bécane, vu l'trou dans l'pneu, c'est pas un accident, avoue-t-il.

— Qu'est-ce que Vince en pense ? s'inquiète-t-elle.

— La même chose que moi, réplique-t-il d'un haussement d'épaules. Quelqu'un lui a tiré dans la roue, et à en juger par les dégâts sur la moto, il a dû être heurté par une bagnole.

— Et les flics classent ça en accident ? s'étonne-t-elle en s'adossant à sa chaise.

— On n'a surtout pas besoin que les flics enquêtent sur nos activités, et pour ça, Martial, c'est un bon ! sourit-il.

— Un bon ripou, marmonne-t-elle en se massant les tempes.

— Vince était plutôt furax, tu devrais l'appeler, lance H pour changer de sujet. Tu l'connais, il s'énerve vite et il va taper sur le système des gars.

— Vous avez une idée de qui a fait ça ? demande-t-elle, ignorant sa suggestion.

— D'après Alban et Landry, Yvan soupçonnait quelqu'un de tricher, répond H.

— Qui ? s'étonne-t-elle.

— Tu connais la règle en cas de tricherie, soupire H. Yvan devait être sûr de lui avant de nous donner le ou les noms. Les conséquences sont trop importantes !

— La Cage ne pardonne pas, le coupe-t-elle, consciente des enjeux.

Jeanne tourne son regard par la fenêtre et y étudie son propre reflet : ses yeux cernés et ses cheveux en bataille, coupés au carré, lui donnent un air pathétique.

— J'aurais dû... marmonne-t-elle.

— Quoi ? Demande H. Interdire à Yvan d'acheter une moto ? D'après Charline, t'étais une mère casse-couilles, Yvan est monté en bécane en connaissance de causes, c'est plus un môme.

Jeanne dévisage H et pince les lèvres :

— C'est trop tard, mais je veux arrêter et quitter le Circuit, soupire-t-elle.

— Tu connais la règle : personne ne quitte le Circuit, du moins pas sans conséquences, réplique H.

Jeanne baisse les yeux et observe ses mains.

— Appelle Vince, lui suggère-t-il, insistant.

— Les choses sont devenues si compliquées, se plaint-elle en soutenant le regard de H. Qu'est-ce que je vais dire à ma fille ? Que mon mec est à peine plus âgé que mon propre fils ? Que depuis presque cinq ans, je fais partie du staff médical du Circuit qui organise des combats clandestins ?... Que son absence n'a pas été si terrible à endurer parce que je m'envoyais en l'air avec Vince ?... Malgré les circonstances, je n'aurais pas dû la faire revenir, se désole-t-elle.

— Dis-lui une partie de la vérité, soupire-t-il, mais tu peux rien dire sur le Circuit et ce qui s'y passe !

— J'arrive à peine à assumer ma relation avec Vince devant mon fils, alors en parler à ma fille ! grogne-t-elle en se frottant le front d'agacement. D'autant plus qu'il m'est difficile de voir toutes ces jolies filles à la peau dorée presser leurs grosses poitrines contre lui chaque soir de combats.

— Il t'aime ! rétorque-t-il.

— Ne te moque pas de moi, grogne-t-elle. Il a trente-cinq ans, j'en ai cinquante-trois. Un beau matin, il va se réveiller et va vouloir à ses côtés une belle jeune femme capable de lui donner des enfants et pas une vieille peau ménopausée.

— Tu veux quitter Vince ? demande-t-il soucieux.

— Tu sais comment il est, soupire Jeanne. Il n'acceptera pas mon choix, il faut que ça vienne de lui !

Machinalement, H fait tourner son alliance autour de son annulaire :

— J'suis pas l'mieux placé pour te donner des conseils, affirme-t-il. Appelle-le !

— Je suis fatiguée et je me laisse aller à mes idées noires, se lamente-t-elle en lui adressant un pauvre sourire.

— Ça me paraît normal, réplique-t-il en se frottant le visage d'une main.

Jeanne jette un regard à la pendule :

— Où elle peut être ? se demande-t-elle.

— Yvan a mis un Tracker, j'peux savoir où elle se trouve, répond-il en sortant son portable.

Une Cage et des liens 🔞 ( terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant