18 h 35, il neige à gros flocons depuis des heures. H gare son Range Rover, sort ses sacs de courses et va sonner. Il attend quelques minutes et sonne encore.
« Ça va, j'arrive ! » s'écrie la voix étouffée de Charline.
— Qu'est-ce que tu fais là ? l'interroge-t-elle en ouvrant la porte.
— Bon, tu me laisses entrer, ça pèle dehors ! répond H en la dévisageant, car ses hématomes qui s'effacent lentement, ont viré au bleu vert, ce qui accentue ses cernes.
— Pff, moi qui pensais être tranquille, soupire-t-elle en l'invitant.
— Sympa l'accueil, réplique H. Emma a la varicelle, ajoute-t-il en se dirigeant vers la cuisine.
— Je sais, se désole-t-elle en boitillant pour le suivre. Mais pourquoi t'es là ? demande-t-elle quand il pose les sacs sur le plan de travail.
— Paraît qu'y faut te donner la becquée, se moque-t-il en sortant ses achats.
— Merci pour les courses, marmonne-t-elle en s'installant sur le haut tabouret. Laisse ça, je rangerai tout plus tard.
— T'as pas compris, réplique-t-il, amusé. J'suis là pour t'faire à dîner et pour te forcer à manger, le cas échéant !
— Je n'ai pas très faim, alors ne te fatigue pas et rentre chez toi, il fait un temps de merde et ça va empirer selon les prévisions, affirme-t-elle en jetant un œil par la fenêtre.
— J'suis pas d'astreinte, alors j'm'en fous, objecte-t-il. Pâtes carbo, ça t'convient ? lui lance-t-il, avant de fouiller dans les placards.
— Ne te sens pas obligé de rester, j'ai retrouvé des VHS et notre vieux magnétoscope, alors je vais me faire un marathon « Retour vers le futur » soupire-t-elle.
— Cool, j'suis partant, approuve-t-il en sortant une casserole.
H lui sourit :
— Bon, tu veux m'aider ou t'es trop éclopée pour ça ? demande-t-il en référence à ses attelles.
Charline plisse les yeux d'agacement :
— Je vais brancher le magnéto et je nous prépare un p'tit apéro, réplique-t-elle, avant de claudiquer vers le salon.
20 h 45, Charline lance la vidéo et boitille jusqu'au canapé, alors que H est assis dans l'un des fauteuils. Entre eux, une ambiance conviviale s'est installée dès l'apéro, sans alcool pour Charline. Le repas a été tout aussi agréable, surtout qu'ils ont évité tous les sujets qui fâchent. Étonnamment pour elle, H a de la conversation, de l'humour et un paquet d'anecdotes hilarantes sur son passage dans l'armée.
— Écoute, soupire Charline en posant son pied gauche sur la table basse pour soulager sa cheville bloquée dans son attelle. Si je m'endors, ça serait sympa de laisser la petite lampe allumée.
— OK, répond H en fixant la télé.
Charline gigote pour trouver une position confortable parce que ces côtes lui font mal, surtout après avoir ri durant le dîner. Les premières minutes du film passent et Charline jette des regards en coin à son invité/cuisinier :
— Tu dois me prendre pour une gamine ! lance-t-elle en prenant une poignée de popcorns.
— Nan, t'inquiète, soupire-t-il, avant de boire sa bière.
Il hésite à poursuivre :
— Tu t'rappelles de c'qui s'est passé ? lui demande-t-il.
— J'ai aucun souvenir de l'agression, souffle-t-elle d'un haussement d'épaules. J'ai dû perdre connaissance, mais je me rappelle très bien mon réveil... dans le noir total... je... j'ai... Depuis, je suis prise d'une peur panique quand je me réveille dans l'obscurité, avoue-t-elle piteusement.
Charline triture son attelle au poignet :
— Tu dois me prendre pour une folle, hein ?
— Franchement, Charline, si cette agression ne t'avait pas secouée, j't'aurais vraiment trouvée bizarre, voire frapadingue, lui sourit-il. En tout cas, si j'peux faire quoique ce soit pour t'aider, n'hésite pas, ajoute-t-il.
— Laisse la lumière allumée ou mieux ! réfléchit-elle. Grimpe dans ta DeLorean, Mcfly, et file me prévenir de ne pas rentrer chez moi, oh et fais un crochet pour Yvan tant qu'à faire !
— Si c'était si facile, j'hésiterai pas, affirme-t-il, l'air sérieux. Et alors, t'as des nouvelles des flics ? ajoute-t-il.
— Non pas encore, ils pensaient que j'avais interrompu le cambriolage, mais j'en sais pas plus, affirme-t-elle.
H la dévisage en pinçant les lèvres, il cherche comment poser la question qui le taraude depuis sa rencontre avec Stéphane, « son dentiste » :
— T'as conscience que les flics vont éplucher ta vie et qu'ils vont sûrement s'intéresser à ton mec marié ? lance-t-il.
— D'abord, ce n'est pas mon mec et ensuite, on est discrets, objecte-t-elle.
— Franchement, Charline, c'est pas un vol qui a dérapé, insiste-t-il. J'ai vu l'état de ton appart et, tu t'es vue ? Crois-moi, le mec s'est trop acharné sur toi...
— Arrête, s'offusque-t-elle. Tu crois vraiment que sa femme aurait pu mettre un contrat sur ma tête ou un truc du genre ? C'est n'importe quoi, on n'est pas dans un film là ! s'indigne-t-elle.
— Ben, elle ou une autre, tu te tapes combien de mecs mariés ? demande-t-il, l'air sérieux. Ces femmes cocufiées ont probablement des frères, des cousins, des oncles, insiste-t-il.
— Putain, mais pourquoi t'es un gros con tout à coup ? s'indigne-t-elle, en se tendant comme un arc.
— Désolé, j'voulais pas t'énerver, soupire-t-il. Mais faut regarder la vérité en face : ce qui t'est arrivé, c'est pas à cause d'un simple vol. Si c'est l'idée des flics, c'est qu'ils sont incompétents, ajoute-t-il.
— Mais toi, Sherlock, tu sais tout mieux que tout le monde, ironise-t-elle. Franchement, lâche l'affaire ou va-t'en, d'accord ? ajoute-t-elle avant de monter le son de la télé.
— J'suis censé rester jusqu'au retour de Jeanne, explique-t-il en prenant une poignée de popcorns.
— De mieux en mieux, s'agace-t-elle. Voilà qu'elle me colle une babysitter pour se donner bonne conscience, pendant qu'elle s'envoie en l'air avec son connard.
— Jeanne encaisse beaucoup, objecte-t-il. Entre Yvan et toi, ta mère mérite de souffler un peu, alors ne sois pas trop dur avec elle, tente-t-il.
Charline le dévisage et prend conscience qu'en s'apitoyant sur ses maux, elle ajoute un fardeau supplémentaire à sa mère, qui souffre déjà pour Yvan.
— Peut-être, on verra, marmonne-t-elle, soucieuse.
Charline tente de se concentrer sur le film, mais son esprit carbure à plein régime sur les paroles de H : est-ce que la femme de Stéphane sait pour eux ? Aurait-elle pu payer quelqu'un pour s'en prendre à elle ? Si elle ignore tout et que les flics apprennent pour leur liaison, quelles en seront les conséquences ? Pour le couple de Stéphane ? Et d'ailleurs pourrait-elle garder son poste ? Concernant Yvan, combien de temps doit-elle encore attendre avant d'aller le voir ? Est-il en colère contre elle et ses SMS, parce qu'elle a peur de pleurer, si elle l'a au téléphone ? Et puis, est-elle trop dure avec leur mère ?
23 h 57, H vient de lancer le troisième volet de « Retour vers le futur » au cas où Charline se réveillerait, parce qu'elle s'est endormie peu après s'être allongée au début du deuxième.
Il attend le retour imminent de Jeanne, qui lui a indiqué par SMS, vingt minutes plus tôt, que Vince la reconduisait parce que les routes enneigées sont dégueulasses. Aussi, H devra ramener Vince chez lui avant de pouvoir rentrer s'pieuter.
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Une Cage et des liens 🔞 ( terminé)
RomanceSpin off de Boomerang Vince, H et Patrick sont Les Fondateurs de la Cage : Ils organisent des combats MMA clandestins. Ils mènent chacun une double vie, mais sont liés par une amitié de longue date. Amitié, amour, danger et combats sont inextric...