Chapitre 6 Olivier

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Je commence ma journée par deux heures de français. Le professeur m’oblige à me présenter devant tout le monde, ce que je fais en marmonnant et contemplant mes pieds. Puis j’obtiens enfin le droit d’aller m’asseoir et traverse la rangée, poursuivi par les regards de toute la classe. Antoine me fait des signes et tapote la place vide à côté de lui. Je m’y installe avec soulagement. Quelques élèves me fixent encore, sans grande discrétion. Je suis le seul oméga mâle de toute la classe. Et peut-être même aussi de tout le lycée. Ma vie aurait été bien plus simple si j’avais été un bêta comme tous les autres ! J’ai horreur d’attirer l’attention. Ce n’est tout de même pas de ma faute, si je suis né ainsi ! 

Je suis soulagé lorsque le cours commence et que mes camarades de classe finissent par être obligés de regarder en direction du professeur au lieu de la mienne. Nous étudions un livre que j’ai déjà lu, ce qui me rassure un peu. Je n’aurais pas tout à rattraper. La première heure passe très vite et nous sommes interrompus par la sonnerie. 

Pendant la pause, j’échange mon numéro de portable avec Antoine. 

— N’hésite surtout pas à m’appeler si tu as besoin de quelque chose, m’assure le jeune homme. Je me suis d’ailleurs dit qu’il serait bien qu’on se voit de temps en temps après les cours. Pour que je puisse te mettre à niveau, puisque tu arrives en milieu d’année. J’imagine que tu n’as pas forcément suivi le programme scolaire dans le même ordre, dans ton ancien lycée ?  

— Je prenais des cours par correspondance, je réponds sans développer davantage. 

Il penche la tête sur le côté, curieux. 

— Oh, d’accord. Quoi qu’il en soit, mon offre est valable. Nous pourrons aussi sortir pour nous détendre un peu. Je connais un café qui sert d’excellents chocolats chauds. Je serais heureux de t’y conduire. 

L’alpha me sourit. Il est adossé au mur, si près qu’il me frôle presque. Je n’ai que très peu d’expérience dans le domaine, mais j’ai l’impression qu’Antoine essaie de me draguer. Cette idée me met franchement mal à l’aise. Il a l’air d’être quelqu'un de bien, mais… Il n’est pas Geoffroy. 

Je me mords la lèvre à cette pensée. Qu’est-ce que cela peut me faire qu’il ne soit pas Geoffroy ? Il y a tout de même d’autres hommes dans le monde que cet alpha-là ! Antoine est gentil et beau et ferait certainement un très bon petit ami et je m'efforce d’écouter ce qu’il dit avec plus d’attention. Il me parle de Saint-Loup, des profs et des endroits à visiter dans le coin. Il m'interroge un peu sur ma vie d’avant et je lui donne quelques éléments sans trop m’étaler. D’autres élèves viennent aussi me parler. Ils ont tous l’air gentils, mais je ne me sens pas à l’aise. Je n’ai pas fréquenté d’élèves de mon âge depuis bien longtemps. Depuis que mes parents ont considéré qu’il était plus prudent de me faire cours à la maison, en raison de ma… de ma particularité. 

À midi, nous rejoignons Pauline et Geoffroy à la cantine. Je sens les battements de mon cœur s’accélérer en voyant l’alpha au bout du couloir. J’ai envie de courir pour me jeter dans ses bras. Ce que je me garde bien de faire. À la place, j’avance à pas mesurés aux côtés d’Antoine. 

— Tout s’est bien passé ? me demande Geoffroy. 

— Impeccablement, répond Antoine sans me laisser le temps d’ouvrir la bouche. Je prends bien soin de ton protégé. N’est-ce pas ? 

La dernière phrase m’est adressée et j’hoche la tête sans enthousiasme. Certes, Antoine est gentil avec moi, mais je n’aime pas l’idée qu’il juge utile de me protéger. Je vois Geoffroy se renfrogner et j’ai l’impression qu’il pense la même chose que moi. Pas forcément pour les mêmes raisons. Nos regards se croisent et je me sens remué de la tête aux pieds. Je baisse aussitôt la tête en me mordant la lèvre. L’alpha est près. Beaucoup trop près. Je sens son odeur et retiens ma respiration. 

— Tout va bien ? s’inquiète Antoine en se rapprochant également. 

Je recule d’un pas. 

— Hum… oui… 

Nous nous avançons dans la queue. Après avoir choisi nos plats, nous allons nous installer à une table tous les quatre. Pauline s’assied à côté de Geoffroy tandis qu’Antoine prend place à mes côtés. Je me retrouve en face de Geoffroy et n’ose pas lever les yeux. 

— Toujours partants pour le ciné de ce soir ? demande Pauline en attrapant sa fourchette. Olivier, ça te dit ? 

— Il faut absolument que tu viennes, renchérit Antoine. Il paraît que ce film d’horreur est une tuerie. 

Geoffroy prend la parole avant que j’ai eu le temps de prononcer un mot. 

— Olivier et moi devons aller lui acheter un uniforme après les cours. 

En disant ses mots, il jette un regard étrange à Antoine qui fronce les sourcils en réponse. J’ai l’impression d’avoir sous les yeux deux mâles en train de se disputer un morceau de viande. 

— Pas de problème, assure Pauline qui ne semble pas avoir remarqué la tension. Vous pourrez nous rejoindre après au cinéma. Il y a une séance à 19 h. Ça vous va ? 

Geoffroy m'interroge du regard et je fais oui de la tête même si les films d’horreur ne sont pas vraiment mon truc. Je n’aime pas spécialement avoir peur. Je trouve que ma vie est déjà suffisamment effrayante comme ça. Mais je ne veux pas passer pour le petit oméga craintif, ni me montrer malpoli. 

— Tu ne manges que ça ? me demande soudain Geoffroy en contemplant mon assiette de purée encore à moitié pleine. 

Je me ferme aussitôt. 

— Je n’ai pas faim. 

L’alpha fronce les sourcils. 

— C’est ce que tu as dit hier. Et ce matin. Il faudra bien que tu aies faim un jour, O. 

Je me dandine sur ma chaise, gêné. 

Pauline et Antoine me font aussi les gros yeux et je me demande franchement pourquoi j’ai soudain décidé de ne fréquenter que des alphas. Tout le monde sait que ces derniers veulent régenter la vie de tous les autres. 

Geoffroy pousse un morceau de pain vers moi. 

— Mange au moins ça, déclare-t-il avec sévérité. Nous ne quitterons pas cette table tant qu’il en restera une miette. 

Antoine soupire. 

— C’est bon, Geoff, laisse-le un peu tranquille, le pauvre. Il n’est pas une oie à gaver ! 

Les deux alphas se mesurent à nouveau du regard en grognant presque. Pauline finit par trancher : 

— Olivier n’a qu’à prendre le pain pour le manger pendant la pause de tout à l’heure. Allez, les cours vont reprendre. 
Les deux jeunes hommes se jettent un dernier regard et laissent enfin tomber l’affaire. Soulagé, j’enveloppe le morceau de pain dans une serviette et le fourre dans mon sac. 

Avant de nous séparer, Geoffroy se tourne vers moi comme ce matin pour me signaler qu’il m’attendra en fin de journée à côté de la porte principale. 

Antoine continue à s’asseoir à côté de moi pendant tous les cours de l’après-midi. Après une heure d’histoire, je termine avec deux heures de maths. Dans l’ensemble, je n’en ressors pas trop inquiet. J’ai toujours été un élève studieux avec de bons résultats. En travaillant un peu, je devrais vite me mettre à niveau. 

Antoine m’accompagne jusqu’à la sortie. Il me fixe avec hésitation, comme s’il hésitait ou non à partir. Puis il finit par se mettre en route en voyant Geoffroy marcher vers nous à grands pas. 

— À tout à l’heure, Olivier. 

— Hum, oui. 

Je ne le regarde déjà plus. Geoffroy est proche et m’adresse un grand sourire et je sens mon cœur faire un petit bond de joie. 

— Prêt pour notre petite expédition shopping ? 

Je hoche vigoureusement la tête et me trouve soudain de bien meilleure humeur. Je suis simplement heureux de marcher à côté de l’alpha. Même si je sais bien qu’il n’est pas pour moi. 

Attraction (bxb) [terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant