Chapitre 15 Geoffroy

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Je suis tiré de mon sommeil par des hurlements. De ma mère, bien sûr. 

— … aussi irresponsable ? s'égosille-t-elle. 

Je fronce les sourcils. 

Sur qui peut-elle bien s’acharner ainsi puisque ce n’est pas sur moi ? Pas sur mon père, tout de même ! 

Je m’extirpe de sous ma couverture en baillant. Au rez-de-chaussée, les cris continuent et je me décide à aller voir de quoi il s’agit. En bas des marches, je vois Olivier planté sur le seuil de l’entrée, la tête basse et emmitouflé dans son manteau. En un éclair, je comprends que ma mère vient de le surprendre en train de rentrer en douce dans la maison. Et s’il était allé retrouver Antoine pour passer la nuit avec lui ? Mon sang se glace. Hors de moi, je me plante à côté de ma mère et fusille le petit oméga du regard. Certes, je l’ai encouragé à se rapprocher d’Antoine, mais pas pour ça ! 

Olivier lève brièvement les yeux, croise mon regard furieux et se recroqueville encore plus, comme si je venais de le frapper. En temps ordinaire, cela m’aurait certainement fait de la peine. 

— Mais enfin, qu’est-ce qui vous prend ? s’exclame soudain mon père en surgissant de la cuisine. Cessez de traumatiser ce pauvre garçon ! 

Il nous fixe ma mère et moi d’un air scandalisé et se précipite vers Olivier pour le prendre dans ses bras. Le petit oméga colle son visage contre son torse et fond en larmes. Papa le berce contre lui et lui parle doucement. 

— Ne fais pas attention à eux, mon chéri. Viens avec moi. Je vais te préparer un bon petit-déjeuner avec du chocolat chaud. 

Ma colère fond très vite et j’échange un regard un peu gêné avec ma mère. Penauds, nous entrons à notre tour dans la cuisine. Olivier est effondré sur une chaise tandis que mon père dépose devant lui une montagne de tartines auxquelles il ne va certainement pas toucher. 

— Que s’est-il passé, trésor ? demande doucement Papa. Pourquoi étais-tu dehors ? 

Pleurant toujours, Olivier met un moment avant de réussir à s’exprimer. 

— J… Je ne me sentais pas très bien, sanglote-t-il. J’ai eu besoin de prendre l’air. 

Maman s’avance d’un pas, se retenant à grand-peine de se remettre à hurler. 

— Tu aurais pu te contenter du jardin. Pourquoi sortir de la propriété ? Les rues peuvent être dangereuses pour un petit oméga ! 

Olivier se mord la lèvre. 

— Je… je voulais marcher… 

Ma mère secoue la tête avec réprobation, mais ne réplique rien. Mon père lui jette un regard d’avertissement puis essaie gentiment de convaincre l’oméga de manger quelque chose. Olivier plante ses dents dans une tartine et mâche sans conviction. Il a des cernes énormes et j’ai la conviction qu’il n’a presque pas dormi de la nuit. Il y a quelque chose qui ne va pas. Mon oméga semble malade et refuse de m’expliquer son problème. J’en suis tellement frustré que je suis à deux doigts de hurler. Comment puis-je l’aider s’il ne se fie pas assez à moi pour me parler ? 

— Mange encore un peu, O, l’encourage Papa. Tiens, bois ton chocolat chaud. Il est juste à la bonne température. 
Il pousse le bol vers le petit oméga qui accepte d’y tremper les lèvres. Je m’assieds également autour de la table et mange pour diminuer un peu la pression qui pèse sur Olivier. Pour ma part, je n’ai aucun problème d'appétit et mon père met précipitamment quelques morceaux de pain hors de ma portée. L’oméga se détend un peu et parvient à terminer sa tartine. 

Maman finit par se planter devant Olivier et moi. 

— Vous devriez aller vous doucher et vous mettre en uniforme, vous deux, ordonne-t-elle sèchement. 

— Oui, cheffe, je marmonne. 

Nous montons l’escalier en silence, l’un derrière l’autre. Juste avant de nous séparer, j’attrape l’oméga par le bras pour le tourner face à moi avant qu’il ne puisse disparaître dans sa chambre. Olivier a de la terre sur les mains et quelques traces de boue sur ses vêtements et je l’examine de la tête aux pieds. 

— Où t’es-tu promené, exactement ? je demande en priant pour que ce ne soit pas chez Antoine. Tu es vraiment resté dans la rue ? Tu peux me dire la vérité, tu sais ? Je ne me fâcherai pas. 

Sauf s’il a vraiment rejoint Antoine dans son lit, bien sûr. Dans ce cas-là je crierai beaucoup et j’irai défoncer la gueule de ce salaud d’alpha qui a osé profiter de l’innocence de mon oméga. 

— Je… je suis allé dans la forêt, marmonne ce dernier en contemplant ses pieds. 

Je sursaute. 

— Dans la forêt ? En plein milieu de la nuit ? Tu ne devrais pas ! Il y fait sombre et tu aurais pu te faire blesser par… euh… par un sanglier ! 

Il se mord la lèvre d’une étrange façon, presque comme s’il était soudain amusé. 

— Les sangliers ne me font pas peur. 

Je fais la moue. 
— Ce n’est pas une raison, O ! Tu es un oméga, et les omégas… 

— Sont faibles ? Stupides ? Incapables de prendre de bonnes décisions ? me coupe sèchement Olivier, toute timidité soudain envolée. 

Il est contrarié, à présent et je ne sais pas comment rattraper le coup. 

— Je ne voulais pas dire ça, je réplique sur la défensive. 

— Ah oui ? Et qu’est-ce que tu voulais dire, alors ? 

Je me creuse la tête pour essayer de m’en sortir. 

— Je suis inquiet pour toi. La prochaine fois que tu as besoin de sortir ainsi viens me prévenir pour que j’aille avec toi, d’accord ? j’exige. 

Le petit oméga hoche à nouveau la tête. Mais il n’est pas compliqué de deviner qu’il a la ferme intention de ne rien en faire. 

— Je suis sérieux, O, j’insiste. Les omégas… euh… sont des gens très bien. Mais c’est le rôle des alphas de les protéger. 

Il serre les poings. 

— Je n’ai pas besoin d’être protégé. Et tu n’as nul droit sur ma vie, Geoffroy Moret. Alpha ou pas alpha. Laisse-moi tranquille, puisque je ne suis pas assez bien pour toi. 

Je sursaute, piqué au vif. 

— Olivier… 

J’essaie d’attraper à nouveau son bras mais il se dégage vivement et se réfugie dans sa chambre. Et il me claque la porte au nez. Comme ça, sans plus de manière ! Je reste planté sur place un long moment. J’ai envie d’enfoncer la porte de la chambre, d’en sortir le petit oméga par la peau du cou et de le secouer en lui disant que si, qu’il est ma foutue âme sœur et que sa vie m’appartient autant que la mienne est sienne. Et que s’il n’est pas assez bien pour moi, c’est parce qu’il est trop bien pour moi. Oui, je ne lui apporterai que des ennuis. Je devrais le laisser vivre sa vie plutôt que de continuer à lui tourner autour. 

Je pousse un grognement et vais m’enfermer dans ma propre chambre. Olivier me rend fou. Dans tous les sens du terme. 

Attraction (bxb) [terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant