C'est un mariage précipité, un jour de pluie, sans invité autre que nos témoins. Nos témoins qui, par ailleurs, se trouvent être également nos ex et semblent plus mélancoliques que réjouis de notre union. Et, pourtant, je me sens l'homme le plus heureux du monde lorsque Olivier, mon mari, se tourne timidement vers moi. Nous lui avons trouvé des vêtements dans un supermarché. Oh, cela n'a rien d'un smoking, et moi-même je porte juste un jeans et une chemise à peu près propre. Mais on s'en moque !— Vous pouvez embrasser le marié et échanger vos alliances, nous dit le chef de meute du village dans lequel nous avons décidé de nous marier.
Pauline a sonné frénétiquement à sa porte ce matin et a réussi je ne sais pas comment à le convaincre de présider la cérémonie. Il est vrai qu'il est difficile de dire non à mon ancienne fiancée. J'en sais quelque chose.
— Tends ta main, je dis à Olivier en retenant difficilement mon émotion.
Il m'obéit et je glisse à son annulaire un anneau doré.
J'ai dépensé tout l'argent de la tirelire de Papa pour nous acheter deux alliances d'occasion dans la seule bijouterie que nous avons trouvé ouverte. Nous n'avions bien sûr par pu les faire ajuster à notre taille et celle d'Olivier est bien trop grande pour son doigt fin. On se préoccupera cependant de ce problème un autre jour.
— À toi, maintenant, m'ordonne mon oméga adoré.
Je m'empresse de lui donner ma main et le regarde m'enfoncer mon alliance avec plus de difficulté. Pendant une seconde ou deux, nous craignons tous les deux qu'elle reste coincée au niveau de l'articulation. Olivier pousse, tout centré, les sourcils froncés de contrariété. Et puis, hop, elle finit par passer. Puis, enfin, je peux embrasser mon mari tout neuf. Soudain il n'y a plus que nous deux au monde. J'oublie tout le reste, trop occupé à goûter aux lèvres délicieuses de mon oméga. A-t-on idée de sentir aussi bon ? Je serais prêt à le dévorer tout cru.
Antoine tousse derrière nous sans grande discrétion. Je suppose que cela veut dire qu'il est temps de mettre fin à notre étreinte.
Olivier grogne lorsque je m'écarte. Je lui adresse un sourire plein de promesses. Nous aurons le temps de nous câliner plus tard, lorsque nous serons enfin seuls. Il faudra bien que ce mariage soit consommé !
— Et maintenant ? me demande Olivier qui est serré contre moi comme s'il voulait faire fusionner nos deux corps. Est-ce que nous allons reprendre notre fuite ?
Je joue avec une mèche de ses cheveux.
— Non. Nous allons rentrer à la maison.
Le jeune homme tourne la tête, surpris.
— À la maison ?
— Oui.
— Tu es sûr de toi, Geoff ? s'inquiète Pauline.
Je hoche fermement la tête.
— Nous n'avons pas d'autre choix. Nous ne pourrons pas passer notre vie à fuir. Olivier serait sans cesse en danger.
— Et ta mère ? insiste Antoine.
Je pince les lèvres.
— Je m'occupe d'elle.
Nous remontons tous les quatre dans la voiture de Pauline, épuisés par notre nuit blanche. Olivier s'endort, sa tête posée sur mon épaule. J'angoisse un peu. J'espère que je prends la bonne décision.
Le trajet est bref et la voiture se gare bientôt devant la maison de mes parents. Je jette un œil par la vitre, prudent, tout en secouant doucement Olivier. La camionnette des mercenaires n'est plus là. Ils ont visiblement changé leurs pneus. Sans doute ont-ils été lancés à nos trousses par le tyran qui dirige notre meute.
Un élan de colère contre ma mère me prend tandis que j'ouvre la porte de la maison, suivi de près par mon amour. Comment peut-elle se comporter ainsi envers son propre fils ?
— Nous sommes là, je crie.
Papa se précipite aussitôt vers nous pour nous serrer contre lui.
— Geoffroy, Olivier…
Maman reste plantée là où elle est, froide comme un glaçon. Je repousse doucement Papa pour me dresser face à elle. Je tends ma main gauche portant l'alliance et presse Olivier contre moi de l'autre.
— Nous nous sommes mariés, je dis sans quitter ma mère des yeux. Olivier est officiellement mon conjoint et j'ai l'intention de le déclarer à la meute entière.
Papa sursaute.
— Vous vous êtes mariés ? Sans moi ? s'indigne-t-il.
Je hausse les épaules.
— C'était urgent.
Maman reste muette pendant un long moment et je reprends la parole après une longue expiration destinée à me charger de courage.
— Tu ne vas pas t'opposer à notre union, je reprends d'une voix féroce. Si tu le fais, je parlerai à toute la meute de ces expériences que tu as autorisées sur des bébés…
Ma mère continue à se taire. Je peux la voir réfléchir et mesurer les risques. Mais elle sait très bien comme moi que les membres de la meute s'élèveront contre elle s'ils apprennent ce qu'elle a fait. Elle perdrait au minimum sa place de cheffe de meute.
— Très bien, dit-elle finalement d'une voix sourde. Mais tu devras renoncer à me succéder, Geoffroy. Tu ne pourras pas avoir de progéniture, avec lui.
Elle désigne Olivier du menton et je fronce les sourcils. Lui ? Mais ce n'est sans doute pas le moment d'ouvrir les hostilités.
Je réfléchis. Au fond, je ne suis pas certain d'avoir réellement envie de devenir un jour le chef de ma meute. Disons plutôt que j'ai été élevé depuis tout petit dans l'idée que je le serai un jour. Et puis j'ai mal agi, ces derniers temps. J'ai menti à presque tout le monde et j'ai trompé ma fiancée. Je mérite sans doute une punition. Sans compter que je n’ai plus vraiment envie de fréquenter ma mère plus que nécessaire.
— Ok, je dis donc. J'y renonce. À condition que tu dises au professeur Huguet de laisser Olivier tranquille et de cesser ses horribles expériences.
Olivier me jette un regard inquiet et je lui fais comprendre d'une pression de la main que cela n'est pas une décision trop désagréable pour moi.
Ma mère regarde nos mains liées en fronçant les sourcils. Puis elle tourne les talons sans rien ajouter d'autre. Papa se précipite alors pour nous prendre à nouveau dans ses bras.
— Mes enfants… Vous avez faim ? Vous avez soif ? Vous ne voulez pas prendre un bain ?
Je pose ma tête sur son épaule.
— Bien sûr que nous avons faim ! Et je ne dirai pas non pour le bain.
Je songe soudain à quelque chose et je sors de mon sac la tirelire complètement vide que je donne à mon père.
— Désolé, j'ai tout utilisé pour acheter nos alliances…
Mon père essuie une petite larme.
— Tu as très bien fait, loulou. Oh, la tienne est trop grande, O. Nous irons la faire ajuster.
Papa nous entraîne vers la cuisine en bavardant et Olivier paraît se détendre un peu. Ça me fait plaisir.
J'ignore à quoi la suite de mon histoire va ressembler. Mais je sais juste qu'elle se passera aux côtés d'Olivier et qu'elle ne pourra donc qu'être magnifique.
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Attraction (bxb) [terminée]
RomanceFutur héritier de sa meute, Geoffroy Moret mène une existence paisible aux côtés de Pauline, sa petite-amie de toujours. Jusqu'à ce qu'il rencontre Olivier, un jeune oméga orphelin qui cache un lourd secret. Deux âmes sœurs peuvent-elles résister à...