Chapitre 16 Olivier

6.5K 618 154
                                    

Geoff et moi n’échangeons pas un mot sur tout le trajet vers l’arrêt du bus. L’alpha regarde ostensiblement droit devant lui, des écouteurs enfoncés dans les oreilles. 

Je regrette un peu les paroles que je lui ai crachées à la figure. Je devrais sans doute m’excuser, mais je ne le fais pas. Je suis toujours à cran et agressif pendant la pleine lune. 

Et puis c’est Geoff qui avait commencé. 

Nous attendons debout dans un silence tendu. Le volume de la musique qu’écoute l’alpha est si fort que je peux reconnaître le morceau à l'endroit où je suis. 

Antoine nous rejoint alors que le bus est en vue. 

— Bonjour à tous les deux ! lance-t-il joyeusement. 

Geoffroy lui adresse un bref regard. 

— Humf, marmonne-t-il. 

Puis il monte dans le bus sans nous attendre et va s’asseoir tout au fond. 

— Qu’est-ce qu’il a celui-là ? s’étonne Antoine. 

J’hausse les épaules pour toute réponse. Pour une fois, je suis content de pouvoir m’asseoir à côté de l’autre alpha. Au moins, il est de compagnie agréable, lui. Pendant tout le trajet, il me parle avec enthousiasme de toutes les promenades qui seraient à faire dans la région. 

— Je pourrais te montrer les bois, déclare-t-il. 

Je n'ose pas lui dire que Geoffroy l’a déjà fait avant lui. À cause de la façon dont notre sortie s’était terminée. Et parce que c’est un peu notre secret à tous les deux. 

Nous arrivons en vue du lycée. Antoine s’agite soudain nerveusement et finit par se pencher vers moi. 

— Est-ce que tu accepterais de sortir avec moi ? 

Je sursaute et tourne la tête vers le jeune homme. 

— Quoi ? Tu… tu veux dire, comme un petit ami ? 

Antoine hoche la tête, soudain presque timide. Je le fixe avec intensité. Certes, il n’est pas Geoffroy. Mais c’est un jeune homme gentil et attentionné. Je serais heureux de passer du temps avec lui et de devenir son petit ami. Cela me permettrait peut-être d’oublier cette stupide attraction que Geoff exerce sur moi. Oui, ce serait la meilleure solution pour tout le monde. 

J’ouvre la bouche. 

— D’accord. 

L’alpha paraît d’abord un peu refroidi par mon ton peu chaleureux. Puis il se reprend bien vite et caresse ma joue avec un sourire tendre. 

— Est-ce que je peux t’embrasser ? me demande-t-il. 

Je sens mon ventre se contracter. Mais je hoche la tête pour donner mon accord. Antoine m’attire doucement contre lui et s’approche. Je me raidis et ferme les yeux. 

Mon expérience en matière de baiser est assez limitée. Pour être tout à fait honnête, Geoff est le premier à m'avoir approché. Pourtant, je pense pouvoir affirmer sans me tromper qu’Antoine embrasse bien. Ses lèvres sont douces. La pression qu’elles exercent sur les miennes est agréable. Il n’en fait pas trop et n’essaie pas d’introduire sa langue dans ma bouche, ce dont je lui suis reconnaissant. Mais… Mais je ne ressens rien. Pas d’explosion de joie ou de papillons dans le ventre. Non, juste le contact d’une bouche collée contre la mienne. Les émotions viendront peut-être avec le temps ? Elles avaient été instantanées lorsque Geoff m’avait embrassé, pourtant… 

Antoine s’écarte lentement de moi en gardant ma main gauche dans la sienne. 

— Tu veux bien sortir avec moi officiellement ? 

Il m’observe avec espoir et je suis envahi par la mauvaise conscience. 

— Hum, oui, je réponds. 

Le jeune homme me sourit à nouveau. 

— Tu crois que Geoff sera d’accord. 

Mon sang se glace. L’attirance que nous exerçons l’un sur l’autre est-elle donc si manifeste ? 

— P… Pourquoi ne voudrait-il pas ? je bredouille. 

— Oh, je ne sais pas. Il semble très protecteur envers toi. J’ai l’impression qu’il te considère un peu comme son petit frère et qu’il s’est mis dans la tête de veiller sur toi. 

— Oh. Hum… Son petit frère ? Hum… Peut-être… 

Il ne manquerait plus que ça ! Déjà que nous habitons sous le même toit… 

— Je lui en parlerai, si tu veux, propose Antoine. 

Je secoue la tête. 

— Non. Je vais le faire ce soir. Ça sera plus simple. 

Le bus se gare et les portes s’ouvrent. Antoine me serre une dernière fois contre lui. 

— Tu me rends vraiment heureux, me déclare-t-il avec douceur. 

J’essaie de lui sourire, le ventre encore plus noué. Parce que pendant toute notre étreinte je n’ai fait que penser à Geoffroy. Et, encore maintenant, ce n’est que lui que j’ai à l’esprit. Si seulement c’était dans les bras de ce dernier que je pouvais être ! 

Nous sortons ensemble du bus, main dans la main. Quelques personnes nous regardent avec curiosité et je baisse la tête en rougissant. Les élèves ne semblent cependant pas vraiment surpris et encore moins hostiles. Je vois même un professeur qui passait par là hocher la tête avec approbation. Parce que nous formons un joli couple, j’imagine. Parce que je suis un oméga supposé faible et lui un alpha censé me protéger. 

— Ça va ? s’inquiète Antoine. Tu sembles un peu crispé. 

Je secoue la tête. 

— Non, tout va bien. 

Je me retourne et tombe sur Geoff qui sortait à son tour du véhicule. Le jeune homme surprend nos deux mains enlacées et je lâche aussitôt Antoine comme si son contact m’avait brûlé. Pauline nous aperçoit à son tour et pousse un cri excité. 

— Oh ! Vous êtes ensemble maintenant ! J’en suis tellement heureuse. Félicitations ! 

Elle nous serre tous les deux dans ses bras. Antoine la remercie avec un grand sourire aux lèvres. J’en fais de même avec l’impression d’avoir un poignard enfoncé dans le ventre. 

Je tente de me raisonner. Cette mauvaise conscience n’a vraiment pas lieu d’être. C’est Geoffroy lui-même qui m’a incité à me mettre en couple avec Antoine… Je ne vois donc pas ce qu’il pourrait trouver à en redire. S’il était vraiment intéressé par moi, il devrait commencer par rompre avec sa fiancée. 

Je secoue mentalement la tête, embarrassé d’être en colère contre Pauline qui a pourtant été toujours charmante avec moi. 

Je risque un regard en direction de Geoffroy. Il fixe à nouveau l’écran de son portable, une froide indifférence affichée sur son visage. Mais ses muscles sont tendus et sa mâchoire est crispée. 

— Tu veux sortir quelque part en fin de journée ? me demande Antoine d’un ton engageant. 

— Non. Désolé… J’ai des devoirs à finir… 

En réalité, je vais à nouveau me transformer quand la lune sera levée. Mes crises durent toujours deux soirs de suite. Puis je serais tranquille jusqu'au mois suivant. 

L’alpha fait preuve de compréhension. 

— Très bien. Une autre fois alors. 

— Hum… oui… 

C’est curieux. Je suis pris parfois de la pulsion presque irrésistible de révéler mon secret à Geoffroy alors que je n’ai pas la moindre envie d’en faire de même avec Antoine. C’est pourtant ce dernier qui est mon petit ami. 

La cloche va bientôt sonner et nous nous hâtons de gagner notre première salle de cours. Je me souviens soudain que mon nouveau copain est dans la même classe que moi et cette pensée me déprime. Juste avant d’entrer dans la salle, il essaie de m’embrasser à nouveau sur les lèvres mais je tourne stratégiquement la tête au bon moment et il n’atteint que ma joue. 

Attraction (bxb) [terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant