Chapitre 23 Geoffroy

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Le lundi commence très mal. Je me réveille en retard et dois me doucher en trois minutes en ruminant les derniers événements. Samedi soir, après la fête,  je me suis assis au bout du lit d'Olivier et j'y suis resté jusqu'à ce qu'il s'endorme. Je voulais lui faire des câlins, mais il est resté froid comme de la glace. Et, le lendemain matin, il s'est contenté de me saluer d'un signe de tête distant. Il en a fait de même toute la journée du dimanche. J'ai horreur de cette situation. Ça me met dans une humeur de dogue et je me dispute encore avec ma mère au petit-déjeuner. Papa doit employer tous ses trésors de diplomatie pour nous empêcher de nous balancer des tartines beurrées à la figure. C'est dommage, ça m'aurait défoulé. 

Je termine mon café et le dépose bruyamment dans l'évier. Ma mère fronce les sourcils, visiblement prête à reprendre les hostilités, mais mon père lui adresse un regard d'avertissement qui lui fait refermer la bouche. 

Je regarde Olivier gravir les escaliers pour aller chercher son sac. Mes yeux se fixent sur ses petits pieds. Sur ses cuisses. Sur ses fesses. Et… 

Mon père me retient alors que j'allais monter à mon tour. 

— Geoff, je peux te dire un mot ? 

— Hum ? Quoi ? 

Il m'entraîne vers le salon et ferme la porte derrière nous. 

— Loulou, est-ce que tout va bien en ce moment ? 

Je hausse un sourcil. 

— Oui. Pourquoi ? 

Il me regarde avec sérieux. 

— Je ne sais pas… Tu as l'air différent en ce moment. Ta crise de colère de tout à l'heure était très violente et… 

— Eh ho, je le coupe. Ce n'est pas la première fois que je me dispute avec Maman ! 

Mon père se mord la lèvre. 

— Mon chéri, je vois bien que quelque chose te perturbe. Te serais-tu disputé avec Pauline ? Parfois, avant un mariage… 

Je mets aussitôt fin à son commencement de délire. 

— Ce n'est pas ça. 

— Il y a bien quelque chose, alors ? 

J'hésite. S'il n'y avait que mon père, je pense que je me risquerais à lui dire la vérité. Il tient à l'union des deux meutes, bien sûr, mais mon bonheur lui importe également. Et puis il adore Olivier. Mais je ne peux rien lui dire. Parce qu'il raconterait tout à Maman. Il ne pourrait pas lui cacher quelque chose d'aussi important. 

— Non, il n'y a rien, je dis donc. 

—Tu es sûr ? 

Je me dandine. 

— Oui. Bon, je peux y aller ? Je vais être en retard. 

Il soupire. 

— Vas-y Loulou. Mais tu sais que tu peux venir discuter avec ton vieux papa quand tu le veux, n'est-ce pas ? 

— Oui oui, je sais. 

Je pose la main sur la poignée de la porte, prêt à m'enfuir. J'y renonce au dernier moment et me tourne lentement vers mon père. 

— Je suis juste un peu à cran en ce moment, je déclare (ce qui est d'ailleurs la vérité). J'ai l'impression d'être écrasé par mes responsabilités, tu comprends ? Ce n'est pas facile d'être l'héritier d'une meute. 

Papa sourit tristement. 

— Tu devrais en parler à ta mère. Elle est mieux placée que moi pour ce sujet. 

Je me hérisse. 

— Hors de question. 

Mon père bat prudemment en retraite. 

— Bon, bon, d'accord. 

Puis il me prend par surprise en me serrant soudain dans ses bras. 

— Je t'adore, mon loulou. Quoi qu'il arrive. 

Je lui tapote le dos. 

— Et qu'est-ce que tu feras si on découvre un jour que je suis un abominable tueur en série ? 

Il me lâche. 

— Je viendrai te rendre visite en prison. Tous les jours. 

— Je ne suis pas certain que cela soit autorisé. 

— Oh… Et bien le plus souvent possible, alors. Mais tu n'as tué personne, n'est-ce pas ? 

Je grogne et sort de la pièce sans me donner la peine de répondre. 

La journée de cours traîne en longueur. Et en fin d’après-midi nous avons encore la répétition de théâtre. 
Pauline, qui est une fille sympa le reste du temps, se transforme en féroce dragon dès lors qu'il est question de mise en scène. Ce jour-là, elle s'acharne sur Olivier qui ne cesse d'oublier son texte ou s'adresse à la mauvaise personne. 

— Essaie de te concentrer un peu ! s'époumone-t-elle. Ce n'est tout de même pas compliqué de prononcer correctement trois phrases au bon moment ! 

Le petit oméga baisse la tête, le menton tremblant. Je m'apprête à intervenir, mais Antoine me prend de vitesse. 

— Ça ne va pas, non ? crie-t-il à son tour à Pauline. Olivier fait de son mieux. Et il est arrivé récemment dans le groupe. Calme-toi un peu ! 

Olivier se colle contre le torse d'Antoine et je fronce les sourcils. 

Pauline paraît un peu gênée.

— Oui, bon, désolée, marmonne-t-elle. Bon, on reprend ? 

Elle parvient (difficilement) à rester un peu plus calme le reste de la répétition. Quant à moi, j'assiste à l'écoeurant spectacle d'Olivier en train de rire avec Antoine. D'Olivier la main dans celle de l'autre alpha. Et même d'Olivier posé sur les genoux de son copain ! 

— Tu essayes de me punir, c'est ça ? je grogne lorsque nous sortons du bus et qu'Antoine nous lâche enfin. Tu fais exprès de faire tout ce petit manège avec Antoine alors que tu refuses de m'adresser la parole. 

Il se dégage d'un geste agacé. 

— Tout ne tourne pas autour de toi, Geoffroy Moret. 

Le jeune homme enfonce ses mains dans les poches de son pantalon et se met en route dans la nuit. 

Je presse le pas pour me mettre à sa hauteur. 

— On se réconcilie ? 

C'est la toute première fois de ma vie que j'emploie un ton aussi suppliant. Ce n'est pas dans ma nature d'alpha de le faire. Mais ce petit oméga a sur moi un pouvoir énorme. Il serait capable de me faire faire n'importe quel exploit. N'importe quelle folie. 

Olivier pousse un grognement agacé. 

— Je t'ai dit que nous n'étions pas fâchés. 

— S'il te plaît, O. 

Nos regards se croisent. Le jeune homme détourne la tête. 

— Bon, d'accord… 

Je le serre contre moi si fort qu'il pousse un couinement. 

— Tu m'étouffe, Geoff ! 

Je le compresse encore plus. 

— Tu n'avais qu'à ne pas me faire la tête, cruel oméga. Ceci est ta punition. 

Je le laisse gigoter un moment avant de le relâcher. Puis, alors qu'il me jette un regard offusqué, je lui plante un baiser sonore sur la bouche. Malgré l'obscurité, je vois ses joues rougir. Son expression courroucée s'adoucit. 

— Tu es parfois pénible, marmonne-t-il. 

Mais il se penche aussitôt après vers moi pour m'embrasser à son tour. 

Attraction (bxb) [terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant