Chapitre 33 Geoffroy

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Trois jours plus tard, nous nous faufilons tous deux hors de la maison pour gagner les bois. Le ciel est dégagé et la lumière de la pleine lune se reflète dans les yeux effrayés d'Olivier. Le petit oméga tremble de la tête aux pieds. 

— Je ne tiendrai pas très longtemps, Geoff, gémit-il. 

Je lui serre la main et accélère le pas. Nous n'avons pas pu sortir avant minuit passé car mes parents ont regardé un film de vieux interminable et ne paraissaient jamais vouloir aller se coucher. J'ai failli péter un câble et aller leur ordonner de se mettre au lit et plus vite que ça. Mais ça n'aurait jamais marché avec Maman et on se serait juste encore disputés. J'ai heureusement pu éviter la crise autour de mon échec au permis de conduire en lui disant simplement que je n'avais pas encore les résultats. 

Ce n'était qu'un mensonge de plus. Au point où j'en suis… 

Nous arrivons enfin à l'entrée de la forêt et Olivier pousse un soupir de soulagement. Je jette des regards prudents aux alentours. Nous n'avons croisé personne sur tout le chemin. Mais il fait nuit noire et il ne serait pas impossible que quelqu'un nous guette dans l'ombre. Que notre amour soit découvert serait fâcheux, bien sûr. Mais si le secret d'Olivier était dévoilé au grand jour, ce serait tout simplement une catastrophe. 

— Si tu me surveilles, nous n'avons pas besoin d'aller très loin, n'est-ce pas ? demande le petit oméga. 

Je lui adresse mon sourire le plus rassurant. 

— Je resterai toujours avec toi, ne t'inquiète pas. 

Il hoche simplement la tête et se débarrasse de ses vêtements à toute allure dès que nous nous retrouvons environnés d'arbres. 

Je n'ai toujours pas parlé à Olivier de l'étrange discussion que j'ai surpris l'autre jour chez mon oncle éloigné. Et je pense que je ne le ferai pas. Le petit oméga est déjà bien trop angoissé comme ça. Mon rôle d'alpha est de le protéger et de le faire se sentir à son aise. 

Sous la lueur blafarde qui tombe du ciel, la peau de mon tendre Olivier paraît presque translucide. À présent nu, le petit oméga tend son beau visage vers le ciel et pousse un hurlement de douleur. Ses os craquent et je manque pousser un cri moi aussi. Je n'aime pas ça. Pas ça du tout. Je ne peux qu'observer mon oméga souffrir sans pouvoir lui venir en aide. Ça me rend fou. Je ne ferme pas les yeux, cependant. Je veux soutenir Olivier à ma façon. 

Bientôt, un animal majestueux me fait face. Je le fixe droit dans les yeux sans ressentir la moindre peur. Mon amour est quelque part à l'intérieur du loup. 

C'est curieux. Cet animal ne ressemble pas du tout à Olivier. Je veux dire, il a des poils et tout ça. Même ses pupilles jaunes n'ont pas la bonne couleur. Mais je peux sentir qu'il s'agit bien de mon oméga. À cause de cette histoire d'âme sœur, peut-être. 

Le loup m'observe fixement, assis sur son arrière train. Je m'assieds à mon tour et tends mes deux mains ouvertes vers lui. 

— Viens Olivier. Viens mon beau. N'aie pas peur. 

Je reste le plus immobile possible pour ne pas l'effrayer. Le loup se relève très lentement et se dirige à pas furtif vers moi. Il s'arrête à quelques centimètres. 

— Viens. 

Après un instant d'hésitation, il m'obéit et le bout de son museau vient effleurer le bout de mes doigts. Je me sens à la fois satisfait de mon autorité et aussi un peu gêné de parler à mon âme sœur comme à un chien. Enfin, il ne m'en voudra pas. 

— Ne bouge pas. 

J'enfouis enfin mes mains dans son pelage épais. Sa fourrure est aussi douce que ce que je pensais. 

— Tu es magnifique, mon amour. Même ainsi. Je t'aime tellement ! Tu ne peux pas savoir à quel point… 

Je serre le loup dans les bras et il a un mouvement de recul instinctif. 

— Non, reste ! 

Il s'immobilise. Je le gratte entre les oreilles. 

— C'est bien. Bon loup. 

L'animal émet une sorte de grognement satisfait et je souris, ravi. 

— Tu aimes que je te gratouille ici ? 

Il ronronne encore plus fort, les yeux fermés de contentement. 

Un craquement nous fait tous les deux sursauter. Le loup tire les oreilles en arrière et grogne sourdement. Il regarde fixement en direction du sous-bois et je me retourne. Je scrute l'obscurité sans rien voir. 

— Ça devait être un chevreuil ou un lapin, je dis à Olivier pour qu'il se calme. 

Je vois bien que le loup voudrait aller courir et chasser et ça me fait un peu de peine de l'en empêcher. Mais je sais que l'idée de prendre la vie d'un animal rendrait Olivier triste alors je le garde à mes côtés. Le loup pousse un profond soupir et s'allonge, le museau posé sur ma cuisse. 

Je me demande si Olivier serait aussi docile en présence d'Antoine. J'espère bien que non. Avec un peu de chance il le mangerait. Ha ! Je suis prêt à lui fournir le sel et le poivre. 

La nuit est fraîche mais la fourrure du loup me tient chaud. Je me serre contre son corps comme s'il était une bouillotte géante. 

— Tu sais Olivier, je déclare en continuant à le caresser, au fond tu as raison. Je n'ai pas envie de partir et de quitter ma meute et je traîne à organiser notre fuite. Mes parents me manqueront. Même ma mère, j'imagine. Peut-être même ce crétin d'Antoine. Enfin, ça, pas sûr en fait… Et Pauline… Je ne suis plus amoureux d'elle. Non. Plus depuis que je t'ai rencontré. Mais elle reste une fille bien et je vais la planter devant l'autel. Je ne suis pas quelqu'un de bien, moi. Je voudrais l'être. Pour toi. Les autres, je m'en fous. 

Le loup ne me répond pas bien sûr. Je ne pense même pas qu'il me comprenne. Olivier m'a dit que son esprit lui aussi se transformait en celui d'un animal. Mais je ressens le besoin de lui faire cet aveu. 

— Je me sens perdu, O. Parfois, je ne reconnais même pas celui que je suis devenu. J'étais quelqu'un de droit et d'honnête, avant. Ce n'est pas de ta faute. Je ne te fais aucun reproche ! C'est moi qui… 

Je ressens soudain la brusque envie de pleurer. C'est curieux. Ça ne m'était pas arrivé depuis des années. 

— Je… je… 

Une larme solitaire coule le long de ma joue. Je l'essuie d'un geste distrait avec mon coude. Quelque chose de mouillé me touche la main. Le loup me lèche pour me réconforter. 

— Olivier… 

Je ne l'ai jamais autant aimé qu'à cet instant présent. Je ne me suis jamais senti aussi proche de quelqu'un. Je me serre contre le loup, contre mon âme sœur comme si ma vie en dépendait. Nous restons dans cette position le reste de la nuit. Je peux sentir le souffle paisible du loup assoupi. Je somnole moi aussi par moment. Nous devrons passer une nouvelle nuit ici demain et nous avons besoin de prendre des forces. 

À l'un de mes réveils, je trouve un magnifique jeune homme endormi dans mes bras. Olivier est à nouveau lui-même. Je le recouvre tendrement avec son manteau pour qu'il n'attrape pas froid et je lui enfile ses vêtements. J'aime prendre soin de lui. 

J'hésite à le secouer pour le réveiller avant d'y renoncer. La dernière fois, il était resté profondément endormi un long moment. Je pense que son corps a besoin de se remettre de la transformation. Alors je le soulève simplement pour le porter dans mes bras et je sors de la forêt. Tourrettes est encore endormi et tous les volets sont fermés. J'espère que personne n'aura l'idée d'en ouvrir un au moment de notre passage. 

Arrivé devant la maison de mes parents, je me retourne en sentant comme un regard sur moi. Même si je ne vois finalement personne, j'ai encore cette désagréable impression d'être observé. Je jette un regard nerveux aux alentours et je m'empresse d'aller mettre Olivier à l'abri dans la maison. 

Je ne peux plus cacher ce fait plus longtemps : quelqu'un nous surveille. 

Attraction (bxb) [terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant