Chapitre 2 Olivier

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Recroquevillé sur mon siège, j’observe sans intérêt le paysage  défiler à travers la vitre sale du train. Les champs succèdent à d’autres champs et nous ne traversons à vive allure que de rares agglomérations. En temps ordinaire, je pourrais peut-être admirer le spectacle paisible. J’ai toujours aimé le calme et la solitude. Aujourd'hui encore je suis cependant bien trop accablé par le chagrin pour prendre du plaisir à quoi que ce soit. Je suis dans cet état catatonique depuis que j’ai appris le décès de mes parents, il y a un peu moins d’une semaine de cela. Leur mort a été si soudaine que je peine à y croire. Le matin, ils étaient là pour m’embrasser à mon réveil. Pour me dire qu’ils ne seraient pas absents longtemps. Et le soir… 

Je m’interromps, incapable de poursuivre cette pensée jusqu’au bout. J’ai toujours trouvé que la vie était cruelle. Avec moi, en tout cas. Aujourd'hui, elle m’a privé de mes deux seuls appuis. 

Je pose le front contre la vitre en me retenant à grand peine de fondre en larmes. Il y a des moments où j’oublie que mes parents ont disparu à jamais, où je songe à ce que je pourrais leur dire quand ils rentreront du travail. Puis la vérité me rattrape et je me sens plus mal que jamais. 
Une femme m’a appelé quelques heures après leur enterrement, Annette Moret, la cheffe de la meute du même nom à laquelle j’appartiens par ailleurs depuis ma naissance même si je n’ai jamais vécu là-bas. Elle m’a demandé - ou plutôt ordonné - de me rendre au plus vite auprès d’elle. Cinq minutes après, je recevais par mail un billet de train pour le lendemain à destination de Tourette-la-Forêt. Tourette est mon village natal et le chef-lieu de la meute à laquelle j’appartiens. Si je n’y ai jamais remis les pieds, mes parents y ont vécu une grande partie de leur vie, avant de déménager précipitamment un peu après ma naissance. Pour une raison sur laquelle je préfère ne pas m'appesantir pour le moment… 

La nuit commence à tomber sur la campagne et les lumières du wagon s'allument. Dehors, la lune fait sa première apparition. Elle sera pleine dans quelques jours. Une constatation qui me fait frissonner. Je vais devoir affronter ça seul, sans mes parents pour m’épauler, dans un endroit inconnu. 

Un roman fermé est posé sur mes genoux depuis le début du voyage. Je n’ai pas le cœur à lire. Je me sens simplement capable de fixer la fenêtre, attendant que le temps passe. Je me demande si les Moret sont gentils… Aller habiter chez des inconnus me fait un peu peur. Surtout chez des alphas. Mais je ne pouvais pas refuser. Mes parents ont pu échapper à la meute. Je n’en ai pas ce pouvoir. Et puis, je n’ai nul autre endroit où aller. 

Une voix grésillante annonce à travers les haut-parleurs l’approche de mon arrêt. Je m'extirpe de mon siège à contre-coeur et lève les bras pour tenter de récupérer ma valise sur le porte-bagage. Un homme assis en face de moi s'empresse de me devancer et me la tend avec un sourire. Je le remercie en cachant mon agacement. Je suis un oméga. Les autres personnes ont tendance à me considérer comme un être faible. Ce que je ne suis pas. Enfin, pas vraiment. Mais personne ne doit le savoir. 

Je traîne ma valise dans l’étroit couloir du wagon jusqu’à la porte de sortie. Le train ralentit avec un bruit de crissement jusqu'à s’arrêter complètement le long du quai. Une femme devant moi pousse la portière et l’air frais de la fin d’hiver me fait frissonner. Je resserre mon manteau autour de moi et sors du wagon. 

La gare est minuscule et seule une dizaine de personnes attendent sur le quais. Je repère très vite celui qui doit être le fils d’Annette Moret. Il ne peut s’agir que de cet alpha aux cheveux châtain clair qui dépasse tout le monde d’une tête. Il fixe le train avec un air d’ennui, apparemment aussi peu désireux que moi de se retrouver là. 

Je soulève ma valise et m’avance en direction de l’alpha, soudain intimidé. Le jeune homme se tourne vers moi et me dévisage de la tête aux pieds avec curiosité. Je l’observe également du coin de l’œil. Bon sang, il est sacrément beau. Les traits de son visage sont fermes et réguliers. Ses yeux sont bleus comme un ciel d’été. Ses lèvres s’étirent dans un sourire poli à mon intention. Il est vêtu avec simplicité d’un manteau d’hiver gris et d’un jeans qui moule ses jambes musclés. J’ai l’impression en le contemplant de voir un rayon de soleil traverser l’épais brouillard de mon chagrin. 

— Bonjour, me dit-il en s’approchant. Je suis Geoffroy Moret. 

Sa voix elle-même me séduit. En l’entendant, j’ai l’impression de me trouver face à une personne qui ne me fera jamais de mal. 

C’est alors que je le sens. J’ai déjà respiré des milliers et des milliers d’odeurs. Aucune ne m’a cependant jamais fait cet effet là. Mes jambes se mettent à trembler. Ma bouche s’ouvre toute seule. J’ai envie de me jeter dans les bras de cet alpha inconnu pour qu’il me serre contre lui. Je voudrais qu’il m’embrasse pour pouvoir goûter à ses lèvres. Puis je me reprends d’un seul coup. Mes parents m’avaient pourtant souvent mis en garde contre l’attraction que certains alphas pouvaient exercer sur les omégas comme moi. Je ne dois pas me laisser dominer par mon instinct. Résolument, je retiens donc ma respiration et fixe le sol du quai.

Attraction (bxb) [terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant