Chapitre 17 Geoffroy

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Je passe la soirée à déambuler dans ma chambre, hors de moi. Les images d'Antoine et d'Olivier, main dans la main, tournent en boucle dans mon esprit. J'ai envie de hurler et de balancer de grands coups de poing dans le mur. 

Je pousse un grognement et me laisse tomber sur mon lit. Je suis ridicule. C'est moi qui ai poussé Olivier dans les bras de l'autre alpha. Parce que c'est la meilleure solution en attendant… en attendant je ne sais quoi. Que je parvienne à fuir mes responsabilités. Si tant est que ce jour arrive un jour. 

Je me prends la tête entre les mains. Je n'ai jamais autant détesté ma vie qu'à l'heure actuelle. Ma mère a tracé d'avance toute mon existence depuis ma naissance. Ma mère et la meute dont je suis l'héritier. Je n'ai pas le droit de les décevoir. Pas même pour cet adorable petit oméga ?

Je pousse un profond soupir et songe à autre chose pour me changer les idées. Bien entendu, mes pensées dérivent aussitôt à nouveau vers l'objet de mon obsession. Olivier s'est comporté à nouveau bizarrement pendant le dîner et j’ai l’intuition qu’il va à nouveau prendre la poudre d’escampette dès que les lumières de la maison se seront éteintes. D’autant que nous sommes apparemment toujours en froid. Il est juste venu m’annoncer en fin de journée qu’il sortait à présent avec Antoine. Je le savais déjà, bien sûr, comme l’ensemble du lycée. Je lui ai répondu - peut-être un peu sèchement, certes - que j’étais très content pour eux. Alors qu’en réalité j’ai cru mourir de jalousie. O m’a regardé d’une façon étrange, comme s’il s’attendait à … à je ne sais trop quoi, à vrai dire. Puis, voyant que je ne ferai rien de plus, il a tourné les talons pour s’enfermer dans sa propre chambre. 

Je me suis senti peiné. Je voudrais que le petit oméga se confie à moi, comme je lui ai demandé hier. Il me cache quelque chose. Et je veux savoir quoi. Cet oméga est mon âme sœur. S’il a des problèmes, je souhaite les connaître pour être en mesure de l’aider. Il ne peut pas sortir dans la rue tout seul en pleine nuit ! S'il ne veut pas de ma présence, je n'aurai pas d'autre choix que de la lui imposer. 
C’est pourquoi je décide de le garder à l'œil. J’éteins toutes les lumières de ma chambre, pour ne pas le mettre en garde, mais je reste fermement éveillé, assis sur mon lit dans une position volontairement inconfortable. Je suis de toute façon bien trop en colère pour avoir sommeil. 

Vers minuit et demi, j’entends du bruit dans la chambre d’à côté. Je colle aussitôt mon oreille contre le mur que je partage avec Olivier. Le petit oméga s'agite. Il se dirige vers sa porte, je crois. 

J'enfile précipitamment mes chaussures et j'attends quelques secondes. Les marches de l'escalier craquent. Olivier descend. 

Je compte jusqu'à vingt et fait tourner tout doucement la poignée de ma chambre. J'entrouvre le battant de quelques millimètres prudents. Je crois entendre claquer la porte d'entrée. Et voilà, j'avais raison de me méfier ! 

— Tu ne m'échapperas pas si facilement, O, je murmure en m'engageant à mon tour dans l'escalier. 

Dehors, il fait terriblement froid et je regrette soudain de ne pas avoir pris la peine d'attraper un manteau. J'espère qu'Olivier s'est bien couvert. Il risque de prendre froid, à force de faire l'idiot. 

J'aperçois l'oméga de loin, en train de se hâter sur le trottoir. Je lui laisse encore un peu d’avance, jusqu'à ce qu'il disparaisse, puis je le suis à pas de loup. Je me fie à son odeur pour suivre sa trace. Je la connais si bien que cela ne me pose aucune difficulté. 

Je tombe sur le jeune homme au prochain tournant. Sans surprise, il s’avance à grands pas vers les bois de Tourette. C'est donc bien là qu'il souhaite aller. Que veut-il donc y faire ? 

Enfin, au moins il ne va pas chez Antoine. Ça, je ne l'aurais pas supporté. 

Je réfléchis pendant tout le trajet à ce qui pourrait pousser Olivier à se comporter aussi bizarrement. Je ne trouve que des explications farfelues qui ne collent de toute façon pas à son caractère. Je ne le vois franchement pas faire partie d'un gang vendant de la drogue ou d'un groupuscule sataniste. 

Je l’observe marcher de plus en plus vite vers la forêt jusqu’à se mettre à courir. J'accélère le rythme pour ne pas me laisser distancer et nous pénétrons à tour de rôle sous les arbres denses. 

La lune est pleine et sa lueur blanchâtre nous permet d’y voir un peu. Je dois me montrer encore plus prudent, à présent, pour éviter de faire du bruit en marchant sur les feuilles mortes qui parsèment le chemin. 

Au bout d’un bon quart d’heure, le petit oméga s’arrête au milieu de nulle part. Je me cache derrière un buisson et l’observe attentivement. À ma grande stupéfaction, je vois Olivier retirer un à un tous ses vêtements jusqu’à se retrouver nu comme un ver. Mais que fabrique-t-il donc ? Malgré mon envie de l’épier, je détourne pudiquement les yeux pour ne pas heurter son intimité. Puis j'entends des gémissements de douleur qui me font bondir de ma cachette. 

Je m'apprête à me précipiter vers le jeune homme lorsqu'il se passe soudain quelque chose de très étrange. Le corps d'Olivier est en train de s'étirer d'avant en arrière et je vois clairement une longue queue touffue pousser de son arrière train. 

C'est quoi ce bordel ? 

Je reste figé sur place, stupéfait. Qu'est-ce qui arrive à mon oméga ? Il est à présent entièrement recouvert de poils et se met à hurler. 

La souffrance du jeune homme me tire de ma léthargie. Je m'avance vivement dans sa direction, prêt à faire n'importe quoi pour l'aider. Même si je n'ai pas la moindre idée de ce que je pourrais faire dans la situation présente. Appeler les pompiers, peut-être. Merde, je n'ai pas pris mon portable. 

Un nuage passe devant la lune et je ne vois soudain plus rien. Je pousse un juron et ralentis le pas. 

— Olivier, je demande, où es-tu ? 

Il ne me répond pas. Je ne l'entends même plus crier et je suis traversé par une peur horrible. 

— Olivier ! 

Le nuage passe et je retrouve soudain une certaine visibilité. Qui me permet de remarquer qu'un immense loup gris me fait face, les yeux luisants. 

Mon cœur fait un bond. Je regarde éperdument autour de moi. Le corps de l'oméga a disparu. Lentement, je relève les yeux sur l'animal devant moi. 

— O… Olivier ? je bredouille. 

Pour toute réponse, le loup montre des dents d'une taille impressionnante. Et s'avance vers moi en grognant. 

Attraction (bxb) [terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant