Yerim

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XY

Nevitha avait raison, je déteste. C'est un film dont je ne comprends pas la moitié, j'ai l'impression qu'il n'y a pas d'action et c'est long, beaucoup trop à mon gout. Je pense que ça doit faire, au moins deux bonnes heures que nous sommes dans l'obscurité. Je tourne la tête vers mon accompagnatrice, afin de voir où elle en est. Je distingue les traits de son visage grâce à la lumière diffusée par l'écran, elle m'a l'air concentrée ; ses yeux sont rivés sur le film et c'est à peine si je les vois cligner. J'essaie de me concentrer sur les images, au moins, pour avoir quelque chose à dire à la fin, mais je ne me souviens ni des noms de personnages, ni de leur rôle, ça ne me servira donc strictement à rien d'avoir des images sans contexte.

Je vois le générique commencer à défiler et une musique en fond s'élève comme l'appel de mon salut.

Enfin !

Je me sens comme sortant du lycée, un bonheur étrange se mêle à une sensation nouvelle de liberté, lorsque je franchis enfin les portes de la salle sombre. Ma joie diminue quand je me rends compte que Nevitha va possiblement vouloir débattre.

On le fait généralement à la fin d'un film.

Je redoute fortement le moment où elle va introduire le sujet, parce que je ne me souviens d'aucune scène et j'ai des images désordonnées dans ma tête mais sans repères logiques pour pouvoir les décrire à un interlocuteur. Le réel problème c'est que j'ai beaucoup trop de fierté pour avouer que je n'ai rien suivi, ni aimé.

Surtout à elle.

Je suis Nevitha jusqu'à la sortie, alors qu'elle traine le pas en faisant une moue indéchiffrable. Une fois à l'extérieur, le soleil me fait presque mal aux yeux et l'air chaud est tel qu'il semble me mordre la peau.

-        Alors tu as trouvé comment ?

Voilà, le moment fatidique.

Un courant électrique me traverse la colonne vertébrale en entendant sa voix.

J'hésite entre lui mentir pour l'amadouer, ou lui dire la vérité et risquer son mépris. La solution la plus alléchante serait de mentir pour aller dans son sens, mais elle est aussi la plus difficile à tenir sur la durée. 

-        C'était pas mal, et toi ?

L'amadouer.

Je choisis la réponse vague et renvoie le sujet à l'autre, classique et très efficace. Après tout je n'ai pas vraiment menti, « c'était pas mal » n'implique en rien que c'était bien, c'était ni l'un ni l'autre, car je n'ai pas assez compris pour avoir matière à juger.

J'attends de ma ruse qu'elle inspire Nevitha à s'exprimer et il me suffira ensuite de piocher au hasard dans son discours pour être d'accord avec elle. Je ne peux pas m'opposer à ses arguments, ce serait du suicide étant donné que je n'ai pas de quoi débattre, en sachant que contradiction nécessite précision.

-        Ce n'était pas du tout ce à quoi je m'attendais, c'était nul à chier.

Je retiens l'envie de m'arrêter sur place au milieu de la rue.

Comment ça c'était nul à chier ?

Pourquoi tout d'un coup elle change d'avis ? Pour m'obliger à débattre ?

Est-ce un piège ?

Je ne comprends pas là, elle fait quoi ? Je me retrouve dans une position on ne peut plus délicate. Désormais, je ne peux plus revenir en arrière et je n'ai pas de quoi continuer pour aller de l'avant.

TempêteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant