XX
Imanouchkaka : je ne vais pas bien.
Ce message me donne des frissons, même si je m'y attendais depuis un moment. Je me redresse vivement de mon lit et commence à m'apprêter.
Je ne cherche pas à répondre, je préfère me rendre directement chez elle. Peu importe ce que je ressens, Imane passe avant moi, Imane passe avant tout, mon mal ne sera jamais rien devant le sien. J'aurais aimé pouvoir prendre son message à la légère et lui remonter le moral sur des histoires banales, mais je ne peux pas, je ne sais que trop bien que son « je ne vais pas bien » est un euphémisme.
Je monte les escaliers de son immeuble quatre à quatre et ouvre la porte brusquement avant de m'introduire chez elle.
Je la trouve allongée sur son lit en position fœtale. Je ne dis rien, je m'assois doucement près d'elle et je lui prends la main. Elle me sert la paume et des larmes commencent à couler sur ses joues. Je sais qu'il faut que je me taise, je sais qu'elle finira par s'exprimer quand elle sera prête, mais c'est une souffrance pour moi de ne rien devoir faire.
On reste plusieurs minutes sans se parler, moi l'écoutant pleurer et elle serrant ma main comme une bouée de sauvetage.
- Je me sens incomplète Nevitha.
Je sais immédiatement de quoi elle parle.
Évidemment, quoi d'autre ?
Une vague de colère se met à monter dans mon cœur, mais je ne dis rien.
- On m'a pris une partie de moi, je me sens incomplète, je ne serais jamais comme toutes les femmes. Des fois j'ai envie de modifier le passé, et de faire que ça n'ait jamais eu lieu, mais ce n'est pas possible.
- Imane tu n'as pas à te sentir incomplète, tu dois arrêter de penser comme ça.
- Non Nevitha, je ne suis pas complète, je ne suis pas une femme.
Que lui répondre ? Quoi dire alors qu'elle nage seule au milieu de l'océan de sa douleur, que lui dire, alors qu'on a beau essayer, on ne comprendra jamais ce qu'elle ressent ? Comment lui faire comprendre que c'est justement parce qu'elle est femme, qu'elle a vécu ce qui la fait pleurer aujourd'hui ?
J'ai envie de hurler et de cogner dans les murs.
Je suis en colère contre sa famille de lui avoir fait subir ça, de l'avoir voler et de la laisser avec ce complexe jusqu'à la fin de sa vie. Je me suis habituée à connaitre l'histoire, mais de l'entendre parler de la sorte et détester son corps pour une chose dont elle n'est pas coupable, je ne m'y ferais jamais.
- Mais tu prends du plaisir avec Béchir non ? Il réussit à te donner des orgasmes non ?
Mes questions semblent maladroites, précipitées, comme si je cherchais d'abord à me rassurer pour ensuite réussir à m'occuper d'elle.
- J'en sais rien, je ne peux pas savoir, mon plaisir ne sera sans doute jamais le même qu'une femme qui a un clitoris.
Sa phrase me fend le cœur, mais je ne le lui montre pas. On ne s'habitue jamais à entendre ça.
- Mais Imane, le clitoris c'est un réseau de nerfs, ils n'ont enlevé que la surface, le reste est bien présent, si tu arrives à être excitée c'est que tu peux très bien avoir un orgasme.
- On en sait rien.
- Si, on sait. Il y a des femmes excisées qui ont des orgasmes, elles peuvent ressentir du plaisir et toi aussi.
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Tempête
RomanceC'est l'histoire de deux âmes opposées qui vont se rencontrer, qui vont s'apprivoiser, s'aimer peut être, mais qui vont apprendre mutuellement l'une de l'autre.