Tempête

Yerim

XY

J'ai envie d'appeler Emmanuela pour lui demander si c'est vrai, peut être que sa colocataire a mal compris ce qui s'est passé, peut-être même qu'Emmanuela a mis toute cette histoire en scène pour attirer l'attention. Je me redresse sur mon lit et passe mes mains sur mon visage, les femmes sont vraiment difficiles à comprendre. J'attrape les longs poils roux qui gisent sur mes draps et me lève pour aller les jeter. J'ai la paresse de regarder si la rouquine a laissé des affaires chez moi, pourtant mon esprit ne sera pas tranquille tant que je n'aurais pas nettoyé ma chambre. Dans un long soupir je commence mon analyse, je tombe sur des poils roux par terre, et je me rends compte qu'il serait préférable de passer l'aspirateur. Il doit être 3 heures du matin, peut-être plus, mais je me sens obligé de briser le silence de la nuit pour nettoyer mon espace de toute trace étrangère.
Une fois sûr que tout est propre comme je le souhaite, je m'allonge sur mon lit en regardant dans le noir. Je pense à Malick, je me demande ce qu'il est en train de faire, peut-être qu'il dessine, ou qu'il est avec une fille. Je me sens seul depuis qu'il a décidé de ne plus me parler, c'est comme s'il manquait quelque chose. Après tout c'est mon seul ami, je n'ai confiance en personne d'autre, s'il disparait il ne me reste personne. Pourquoi je me sens si vide ? J'ai l'impression de vouloir combler un manque, et pourtant l'inconnue avec qui je viens de passer un moment charmant est plutôt douée pour faire oublier certaines choses. Je me souviens pourquoi je ne voyais plus autant de filles qu'avant, c'est parce que je n'y trouve plus ni aucun intérêt ni aucun plaisir. Tout ça parce que je suis trop concentré sur Nevitha et la façon dont je vais finalement atteindre mon objectif. Malick a raison, je suis obsédé par cette fille, j'ai eu tellement plus de difficultés à la séduire que j'en suis devenu obsédé, frustré à l'idée de ne pas avoir ce que je veux, mais en même temps excité par le défi qu'elle m'a proposé. Il est vraiment temps que j'en finisse, je ne peux plus me permettre de vivre comme ça, comme un aventurier qui n'atteint jamais son but jusqu'à devenir fou. La nuit semble bien calme ce soir, je n'entends ni les rires de jeunes bourrés, ni le bruit fracassant des bouteilles que l'on brise contre le mur, comme si le silence était venu m'accabler. Je fini par me redresser, abandonnant l'idée de trouver le sommeil et je me dirige dans mon salon. Je devrais peut-être manger quelque chose, mais je n'ai pas faim, je me sers un verre d'eau, plus pour avoir quelque chose dans la bouche que par réelle envie de boire et je m'assois dans un de mes canapés. Je me sens seul, j'ai envie de parler à quelqu'un même de choses futiles, tout plutôt que d'écouter ce silence. Dans le silence, trop de choses refont surface, trop de pensées se révèlent, trop de souvenirs que l'on préfèrerait oublier se présentent. Je n'aime pas ce silence, parce qu'il m'oblige à penser. Et même si j'avais quelqu'un à qui parler, que lui dirais-je ? Ce que je ressens ne sort jamais comme j'aimerais qu'il soit perçu, même avec Malick je ne dis pas tout, pas par envie mais par incapacité de m'exprimer. Mon père n'est pas très doué non plus pour réconforter, je tiens peut-être ça de lui après tout. Je n'ai pas de frères et sœurs assez proches pour penser à me confier et Binta n'est et ne sera jamais ma mère, je ne la vois que comme une étrangère, et on ne dit rien aux étrangers. J'essaie de combler le silence en faisant un tour sur les réseaux sociaux, je tombe sur une photo drôle et je fais une capture d'écran pour l'envoyer à Nevitha, je sais que ça lui fera plaisir de voir ça en se réveillant demain.

Nevitha : pourquoi tu ne dors pas à cette heure toi ?

Voir qu'elle est réveillée, me réchauffe un peu le cœur, elle pourrait combler le silence qui pèse autour de moi. Sans répondre à son message, je l'appelle.

Nevitha : ouais.

Moi : pourquoi toi tu dors pas ?

Nevitha : j'ai posé la question en premier.

Moi : je n'arrive pas à dormir.

Nevitha : pareil.

Moi : tu penses à quoi ?

Nevitha : qui te dis que je pense à quelque chose ?

Moi : donc toi quand tu dors pas la nuit tu penses à rien ?

Nevitha : bah oui, j'ai pas sommeil.

Moi : pourquoi tu mens ? Il est plus de 3h du matin tu as été réveillée toute la journée, normalement tu devrais avoir sommeil là.

Nevitha : j'allais dormir c'est toi qui m'a appelé.

Moi : tu continues de mentir pour me faire culpabiliser ?

Nevitha : peut-être, pouffe-t-elle de l'autre côté de la ligne.

Moi : je vais te laisser dormir alors, à demain.

Nevitha : mais non, c'est bon, reste, je rigolais c'est tout.