Nevitha

98 11 8
                                    

XX

J'ai enfin de l'argent sur mon compte, je vais pouvoir payer ma dette auprès de Yerim comme ça on sera quitte et j'aurais la possibilité de me débarrasser de lui sans me sentir trop coupable.

Je dévale la petite rue vide devant moi et j'arrive enfin chez ma tante.  En entrant, la première chose qui me frappe ; c'est l'odeur de sa sauce arachide provenant de la cuisine. Je l'entends s'affairer avec ses casseroles sur une douce musique de Cora, en chantonnant la mélodie qu'elle connait depuis même avant ma naissance.

-        Salut tata.

Lorsqu'elle me voit elle me fait un grand sourire, s'essuie les mains sur son pagne et m'embrasse la joue.

-        Désolé ma chérie, je transpire un peu.

-        C'est pas grave.

Je l'observe, elle est toujours aussi belle, malgré son visage fatigué.

-        Tu vas bien ? je demande, sachant pertinemment que même si ce n'était pas le cas elle ne me le dirait pas.

-        Oui, et toi ? l'école ça va ? et Imane elle se porte bien ?

-        Ah l'école, les cours ne sont pas intéressants

-        Ne commence pas deh.

Je lui fais un sourire malicieux, tandis qu'elle brandit son index vers moi de façon sévère.

-        Imane va bien en tout cas.

-        C'est bien, je l'embrasse, dit-elle en goutant sa sauce.

Je sais qu'elle embrasse Imane, Imane l'embrasse aussi évidemment, elle fait partie de la famille, des fois elle vient ici sans même que je sois au courant. J'ai tendance à penser que ma meilleure amie est plus complice avec ma tante que moi-même, car elles ont énormément de points communs et pratiquement la même façon de raisonner.

-        Tu as faim ?

-        Toujours.

Elle se met à rire à gorge déployée, me donnant l'impression de faire trembler les murs. Elle soupire en remettant son foulard correctement, avant de reporter son attention sur sa sauce brulante.

-        Tu as parlé à ta mère récemment ?

-        Oui oui, elle va bien.

Elle hoche la tête en silence, on sait toutes les deux que ce n'est pas forcement vrai, mais on a choisi de le croire. Je la vois rajouter du sel, puis refermer le couvercle de la casserole avant de se tourner vers moi. Elle me fait son sourire jovial habituel, celui qui lui fait de plus en plus ressembler à ma mère, car il dessine des éventails aux coins de ses grands yeux en amandes.

-        Ma fille tu as l'air fatiguée, qu'est ce qu'il y a ?

-        J'ai mes règles.

-        Ah, je comprends mieux, ça chauffe on dirait, glousse-t-elle.

Je rigole en pensant que ce serait exactement ce que ma mère dirait si elle était là. Ça me fait du bien d'être là, j'ai toujours l'impression d'être avec une partie d'elle.

Je vois ma tante éteindre le gaz.

-        Sort des assiettes s'il te plait, c'est prêt.

Je m'exécute. Je sors deux assiettes, des verres et des couverts que je dispose sur des sets de table. Je l'aide ensuite à mettre la sauce et le riz dans deux bols différents, que l'on apporte à table. J'entends mon estomac chanter son enthousiasme lorsque la bonne odeur du mafé s'immisce dans mes narines. C'est une excellente cuisinière et comme elle n'a ni mari, ni enfants, elle prépare pour tous ceux, désireux de gouter sa cuisine. Elle est connue dans son quartier pour laisser sa porte ouverte à qui voudrait entrer, certaines fois je me retrouve au milieu d'un groupe de personnes, voisins, étrangers ou sans abris, venu prendre leur part du buffet.

TempêteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant