XX
Je me réveille en prenant une grande bouffée d'air. Je sens des larmes humides sur mes joues et ma respiration est saccadée. Les images de mon rêve me reviennent peu à peu en mémoire. Je ne pourrais dire s'il s'agit de mon rêve ou du soulagement que c'en soit un, mais ma première réaction est de pleurer. Je suis incapable de bouger de mon lit, voir même de me retourner, face au plafond. Je déverse ma peine en flots incontrôlables. J'ai envie de pouvoir en parler à quelqu'un, j'ai envie qu'on m'enlace et qu'on me rassure, j'ai envie qu'on me réconforte et qu'on me berce pour que je puisse me rendormir.
Tu es seule.
La pièce noire me semble plus grande qu'elle ne doit l'être, je suis seule face à ma douleur, je dois y faire face seule, parce qu'il n'y a personne qui puisse porter mon fardeau, je ne dois l'imposer à personne, personne ne mérite une telle punition. Ma douleur est personnelle et doit le rester. Je respire fort et mes sanglots sont accompagnés de petits gémissements plaintifs. J'ai le droit d'être faible, personne ne me voit, je suis isolée du monde entre ces quatre murs, j'ai le droit de flancher. J'ai une envie terrible d'appeler Imane, mais elle est sans doute assoupie, je ne peux pas me permettre de troubler son sommeil pour la plonger dans un souvenir qu'elle essaye, elle aussi, d'enfouir dans son cerveau.
Je me sens impuissante face à ce flot de souffrance que je ne saurais arrêter, j'ai l'impression que mon corps entier est pris dans des filets, je suis incapable de me libérer de ce qui m'emprisonne. A chaque fois que je tente de reprendre mon calme, des images plus violentes les unes que les autres agressent mon esprit, fermer les yeux ne m'aide pas car elles sont dans ma tête et même si ma raison m'appartient je suis incapable de la contrôler. J'ai envie de hurler, pour que tout s'arrête, je ne peux plus supporter de revoir tout ça, j'ai besoin que ça se stoppe, mais personne ne peut m'aider à part moi-même. C'est frustrant et d'autant plus douloureux de savoir qu'on ne peut pas se reposer sur quelqu'un d'autre pour faire le chemin à notre place.
Ne t'endors pas, surtout pas.
C'est interminable, j'ai sommeil mais je suis assaillie par un flot d'images insupportables, je ne peux donc pas fermer les yeux, au risque de les voir plus nettement. J'ai beau savoir que ça va finir par s'arrêter un jour ou l'autre, j'ai l'impression que je resterai coincée dans cette souffrance et ma frayeur augmente.
Pour essayer de me distraire, je récupère mon téléphone en train de charger près du lit. La lumière de l'écran agresse mes pupilles jusqu'à ce que je parvienne à baisser la luminosité. Je me mets à parcourir mes réseaux sociaux, en espérant que mon cerveau soit assez distrait pour arrêter de me faire souffrir. Je vois sur WhatsApp un appel manqué de ma mère et quelques messages.
Pas maintenant.
Je me rends comme un condamné dans sa conversation, m'attendant à voir ses plaintes contre mon frère ou mon père.
Ou les deux.
Il est 3h42 du matin, elle est sans doute en train de dormir, j'ai donc le temps de ne pas lui répondre à la minute, voir même de l'ignorer le temps que je sois plus apte à la soutenir.
Mamounette : parle à ton frère
Mamounette : j'ai trouvé une cigarette électronique dans ses affaires, il est mineur ça veut dire que c'est ton père qui lui acheté ce genre de chose, moi j'ai l'air de quoi après quand je lui interdis de fumer si ton père passe derrière à chaque fois ?
Mamounette : je suis fatigué.
J'ai envie de lui dire qu'elle a le droit d'être fatiguée, fatiguée d'un fils imperméable à toute éducation, fatiguée de la plaie que lui a laissé l'amour de sa vie, fatiguée d'être seule, de se sentir seule face aux montagnes que la vie lui fait gravir. Oui elle est fatiguée, je sens sa fatigue à chaque fois que je l'entends ou que je la regarde dans les yeux, je sens sa fatigue lorsqu'elle raconte les déboires de mon frère et lorsqu'elle parle de mon père comme s'il était un lointain souvenir.

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Tempête
RomanceC'est l'histoire de deux âmes opposées qui vont se rencontrer, qui vont s'apprivoiser, s'aimer peut être, mais qui vont apprendre mutuellement l'une de l'autre.