Yerim

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XY

Je regarde Nevitha, allongée sur le dos en train de regarder le ciel. Elle a l'air plongée dans des souvenirs, un sourire en coin est présent sur son visage, tellement discret que je ne pense pas qu'elle s'en rende compte. 

-        Ça fait longtemps que je n'ai pas vu autant d'étoiles dans le ciel, dit-elle soudain, sans se retourner.

-        La dernière fois c'était quand ?

J'ai l'impression de vraiment m'y intéresser, l'ambiance de cette nuit me donne envie d'être curieux.

-        C'était il y a 3 ans.

Elle a l'air tellement prise dans ses pensées, que je n'ose presque pas la déranger. J'hésite à troubler son calme, et pourtant j'ai une envie forte d'en savoir plus, qui se manifeste contradictoirement.

-        C'était mieux que là ?

-        Ouais, c'était tellement mieux.

Elle porte une émotion puissante dans les mots qu'elle prononce, j'ai l'impression de sentir ses souvenirs sans les voir.

-        C'était où ?

Elle ne répond pas, elle se contente de regarder le ciel, mais son sourire en coin disparait et son regard change, je ne sais pas s'il est dur, ou s'il est triste. J'ai eu l'impression qu'elle commençait à baisser sa garde, je ne pensais pas qu'une question aussi banale briserait tout aussi facilement. Je me demande quel genre de souvenirs sont rattachés à ces mots, pour qu'elle en soit autant affectée.

Elle se tourne vers moi et me fais un sourire nostalgique. Je me rends compte alors de toute la douleur qu'elle porte dans ses yeux. Je n'arrive pas à comprendre pourquoi je ne le vois que maintenant, alors que ça semble si criard.

-        C'était au Burkina Faso, dit-elle finalement.

-        Tu es allée au Burkina Faso ?

Elle pousse un petit rire amusé, comme un adulte qui se moque d'un enfant maladroit, et reporte son attention sur les étoiles.

-        J'ai vécu là-bas pendant 11 ans.

Je ne m'y attendais pas. Je n'aurais jamais pensé qu'elle ait vécu en Afrique aussi longtemps, elle a l'air tellement « européenne », je ne sais pas pourquoi, peut-être à cause de sa façon de parler, ou de ses traits. Je m'étais tout de même rendu compte d'un petit accent, mais je pensais qu'il s'agissait d'un accent des iles ou d'Amérique latine, je ne sais pas.

-        Tu es burkinabaise ?

Cette fois elle éclate de rire.

-        Je suis burkinabé, dit-elle en essayant de calmer son rire.

-        Mais pour les filles c'est pas burkinabaise ?

-        C'est moi qui sais comment on appelle les gens de mon pays ou c'est toi ?

-        C'est toi.

-        Voilà, on dit burkinabé pour les hommes et les femmes, c'est depuis Thomas Sankara.

Elle frappe son point contre son torse et le lève vers le ciel, un geste tellement surprenant qu'il me fait pouffer de rire.

-        Tu es patriote madame.

-        La patrie ou la mort nous vaincrons.

Je continu de pouffer de rire, en la voyant prise dans son élan de patriotisme.

TempêteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant