Nevitha

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XX

Je ne sais pas combien de temps on est resté assis dans ce parc sans se parler, mais personne n'a rien dit jusqu'à ce que je décide de m'en aller.

Je n'aurais jamais cru qu'il resterait avec moi tout ce temps, en plus de m'amener dans ce parc et de respecter mon long silence. Yerim n'est peut-être pas celui que j'ai cru, il m'a montré aujourd'hui qu'il pouvait être compréhensif et c'était plutôt agréable.

Je suis dans mon appartement et je regarde la rue à travers la fenêtre, il fait nuit, mais il y a assez de monde à l'extérieur pour que le brouhaha monte jusque chez moi.

Je n'ai pas envie de prendre mon téléphone, parce que je sais qu'Imane va demander de mes nouvelles et je ne pourrais pas lui mentir.

En sachant aussi que tu ne peux pas lui dire ce qui s'est passé.

Je n'arrive pas à croire que Jason ait osé venir vers moi et m'adresser la parole après ce qu'il a fait. Il a rouvert une plaie béante, il a remué le couteau dans un souvenir que j'aurais aimé pouvoir supprimer. Mon cœur bat vite, j'ai les mains qui tremblent et des larmes menacent d'inonder mes joues, je ne sais même pas s'il s'agit de colère ou de tristesse. Je ne sais même pas si ma réaction est due au surplus de souvenirs, ou s'il s'agit simplement de mon état de dépression menstruel.

Pourquoi a-t-il fallu qu'il réapparaisse ? Il ne pouvait pas rester dans son coin tranquillement et vivre sa vie ? Pourquoi a-t-il fallu qu'il réveille en moi tous ce que j'avais choisis de sceller ; c'est des souvenirs qui écorchent mon cœur, comme milles couteaux acérés. Il a réveillé en moi des choses que j'ai souhaité arrêter de ressentir, il a réveillé en moi une douleur indescriptible, et je ne peux pas en parler à Imane. Je ne peux pas lui dire qu'il est revenu, je refuse qu'elle retombe dans ses souvenirs elle aussi, on ne peut pas être deux à s'en rappeler.

Je sers mes poings jusqu'à ce que mes phalanges blanchissent et je ferme les yeux comme si cela pouvait réellement m'aider à contenir mes émotions.

Une, puis deux, puis une troisième larme coule sur mes joues ardentes, je sais maintenant ce que je ressens : je suis terriblement en colère, parce que je suis extrêmement triste. Je le hais de toute mon âme, pour avoir été la cause de ma tristesse, je pourrais dépenser toute mon énergie dans le seul but de le haïr jusqu'à la fin des temps. Mais ça voudrait dire ressasser le passé, encore et encore, ressentir de la tristesse pour nourrir ma colère.

Tu n'as pas cette force Nevitha.

Je n'ai pas cette force, la douleur me prend tout.

J'ouvre mes yeux humides et je regarde le ciel, à la recherche de réconfort. Il n'y a rien, un ciel tellement encombré par les nuages, qu'il semble aussi sombre que le vide.

J'ai l'impression d'avoir mal physiquement, tous mes muscles me font mal à chaque respiration, j'ai l'impression que mon corps est lourd et chaud et que mes poumons ne sont pas en mesure d'accueillir l'air nécessaire pour me faire vivre.

Je sais que c'est mental, je le sais, mais je ne le sens pas.

Ma douleur intérieure est si intense que je suis incapable de la contenir, elle s'immisce dans chacune de mes veines et de mes artères, pénètre mes organes pour ressortir par mes pores. J'essaie de me convaincre que c'est passager, que ça finira par passer. Parce que c'est vrai.

On finit toujours par guérir.

J'ai l'impression de n'avoir plus le contrôle de la situation. Je pose une main sur mon cœur pour désespérément faire cesser cette pression. Et si ma douleur physique réside dans ma tête, elle n'est décidément pas prête à s'estomper.

TempêteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant